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L’ONU doit suspendre l’Arabie saoudite du Conseil des droits de l’homme

Nous demandons à l’Assemblée générale de l’ONU de suspendre immédiatement les droits de l’Arabie saoudite au Conseil des droits de l’homme.

Dans sa résolution 60/251, qui a créé le Conseil des droits de l’homme, l’Assemblée générale prévoit qu’elle " pourra, à la majorité des deux tiers des membres présents et votants, suspendre les droits d’un membre du Conseil qui aurait commis des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme d’y siéger. "

L’Arabie saoudite a commis des violations flagrantes et systématiques des droits humains alors qu’elle était membre du Conseil, et a utilisé sa position au Conseil pour esquiver toute responsabilité pour ses violations au Yémen. L’Arabie saoudite dirige une coalition militaire qui combat au Yémen. La structure de commandement de cette coalition est basée à Riyad. Depuis le 26 mars 2015, la coalition a lancé de nombreuses attaques qui ont violé le droit international humanitaire, notamment des frappes aériennes indiscriminées et disproportionnées qui ont tué et blessé de nombreux civils. Elle a utilisé à plusieurs reprises des armes à sous-munitions interdites, y compris dans des zones civiles habitées.

Bien que les violations de cette coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen aient fait l’objet de nombreux rapports, aucun système de reddition de comptes n’a été mis en œuvre. L’Arabie saoudite n’a mené aucune enquête crédible, impartiale et transparente sur des crimes de guerre éventuels et a utilisé sa position au Conseil des droits de l’homme, avec l’aide de ses alliés, pour faire obstacle à une enquête internationale indépendante, comme le demandait le haut-commissaire aux droits de l’homme. Le gouvernement yéménite reconnu internationalement et soutenu par l’Arabie saoudite a mis en place une commission nationale d’enquête, mais cette dernière n’a jusqu’à présent mené aucune investigation crédible sur les violations commises pendant le conflit. En outre, l’Arabie saoudite a menacé d’arrêter de financer des programmes cruciaux des Nations unies afin d’obliger le Secrétaire général de l’ONU à retirer la coalition de sa " liste de la honte ", après qu’elle eut tué et mutilé des enfants et attaqué des écoles et des hôpitaux au Yémen. Nous demandons à l’Assemblée générale de suspendre les droits de l’Arabie saoudite au sein du Conseil des droits de l’homme, tant que ce pays n’aura pas mis un terme à ses attaques illégales au Yémen, ni mené une enquête crédible et impartiale conforme aux normes internationales ou approuvé – et coopéré à – une enquête internationale indépendante sur les violations présumées au Yémen.

Cette dernière année, les institutions des Nations unies ont dénoncé des violations commises par la coalition que dirige l’Arabie saoudite au Yémen.

Le Groupe d’experts des Nations unies sur le Yémen, établi par la résolution 2140 du Conseil de sécurité des Nations unies (2013), dans un rapport rendu public le 26 janvier 2016, a recensé 119 interventions de la coalition liées à des violations des lois de la guerre. Le Bureau du haut-commissaire aux droits de l’homme estime qu’au moins 3 539 civils ont été tués et 6 268 autres blessés depuis le début des opérations militaires de la coalition. En mars 2016, Zeid Raad Al Hussein, le haut-commissaire aux droits de l’homme, a déclaré que la coalition avait fait deux fois plus de victimes civiles que d’autres forces alliées, selon les chiffres du HCDH. Il a fait remarquer que la distinction entre les cibles militaires, légitimes, et civiles, protégées par le droit international semblait faire cruellement défaut dans le meilleur des cas, voire que les membres de la coalition pouvaient avoir commis des crimes au regard du droit international.

Human Rights Watch et Amnesty International ont dénombré 69 frappes illégales de la coalition, dont certaines pourraient être assimilées à des crimes de guerre. Ces frappes ont tué au moins 913 civils et touché des résidences, des marchés, des hôpitaux, des écoles, des entreprises et des mosquées. Human Rights Watch et Amnesty International ont également recensé 19 attaques impliquant des armes à sous-munitions, prohibées à l’échelon international.

Les préoccupations concernant l’Arabie saoudite en matière de droits humains sur son territoire compromettent également sa participation au Conseil des droits de l’homme. Depuis que l’Arabie saoudite est entrée au Conseil en janvier 2014, la répression de toute forme de contestation s’est poursuivie sans relâche dans le pays. Elle se traduit notamment par des procès contraires aux règles d’équité les plus élémentaires se déroulant devant une juridiction antiterroriste d’exception et de longues peines d’emprisonnements prononcées contre des opposants pacifiques et des défenseurs des droits humains. Les exécutions ont fortement augmenté. Plus de 350 personnes ont été exécutées depuis que l’Arabie saoudite a été élue au sein du Conseil. Un grand nombre de ces exécutions n’ont pas été appliquées pour les crimes les plus graves, mais pour des délits comme des infractions non violentes liées à la drogue. Parmi les personnes qui risquent d’être exécutées, certaines avaient moins de 18 ans au moment de l’infraction présumée, ce qui constitue une violation de la Convention relative aux droits de l’enfant, à laquelle l’Arabie saoudite est partie. Certaines condamnations à mort semblent avoir été fondées uniquement sur des " aveux " qui, selon les accusés, ont été obtenus par la torture ou d’autres mauvais traitements.

L’Arabie saoudite continue de discriminer les femmes en droit et en pratique, notamment par le biais de l’imposition du système de la tutelle masculine, qui traite toutes les femmes adultes comme des mineures d’un point de vue juridique. Les discriminations contre la minorité chiite reste systématique ; un éminent représentant de la communauté chiite a été exécuté en janvier 2016, à l’issue d’un procès manifestement inéquitable, et d’autres militants chiites ont été arrêtés et risquent la peine de mort parce qu’ils auraient participé à des manifestations de protestation. Les autorités n’ont pas pris de mesures adéquates pour protéger les travailleurs migrants contre les abus. Quand elle avait fait acte de candidature au Conseil des droits de l’homme en 2013, l’Arabie saoudite s’était engagée à soutenir les organismes et mécanismes de défense des droits humains de l’ONU et à coopérer de manière constructive avec eux, notamment avec le Conseil des droits de l’homme et ses mécanismes subsidiaires. Toutefois, cet engagement n’a pas été satisfaisant : le pays fait actuellement l’objet de sept demandes de visite des procédures spéciales du Conseil, dont certaines datent de 10 ans. En 2014, le gouvernement a interdit tout déplacement à la militante Samar Badawi après son discours au Conseil, où elle défendait le militant saoudien emprisonné Waleed Abu al Khair. Plusieurs autres défenseurs des droits humains saoudiens qui ont coopéré avec le Conseil des droits de l’homme ont été emprisonnés. Selon les dispositions de 2014 du règlement du ministère de l’Intérieur, contacter tout groupe ou individu hostile à l’Arabie saoudite est considéré comme un " crime terroriste ".

Alors que le Conseil des droits de l’homme célèbre son dixième anniversaire, son action, son efficacité et la conformité de ses membres aux critères d’adhésion sont sous contrôle. Les États membres des Nations unies doivent s’assurer que le Conseil des droits de l’homme ne risque pas une perte de crédibilité, à l’instar de l’organisme qui l’a précédé, la Commission des droits de l’homme. Un défaut de réaction aux violations flagrantes et systématiques des droits humains commises par l’Arabie saoudite au Yémen, et à l’utilisation de son statut de membre pour entraver la reddition de comptes et un examen indépendant menacerait la crédibilité du Conseil et de l’Assemblée générale.

ONG signataires Human Rights Watch Amnesty International