Les autorités iraniennes doivent prouver que leur participation au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève est plus qu’une simple opération de relations publiques, en interrompant les éventuels préparatifs en relation avec l’exécution d’un mineur délinquant présumé et en ordonnant une révision judiciaire de son cas, a déclaré Amnesty International.
L’exécution de Saman Naseem, membre de la minorité kurde d’Iran, après un procès manifestement inique qui s’est appuyé sur des « aveux » obtenus sous la torture, devait se dérouler un mois avant la session du Conseil des droits de l’homme prévue pour le 19 mars. Saman Naseem n’a finalement pas été mis à mort, et les autorités ont refusé de révéler ce qui est advenu du jeune homme et où il se trouve.
« Nous craignons que les autorités iraniennes aient uniquement reporté l’exécution de Saman Naseem afin d’éviter les critiques et les blâmes lors de la session du Conseil des droits de l’homme, ce qui expose cet homme à un risque accru d’exécution une fois que l’examen sera terminé », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Les autorités iraniennes doivent prouver que leur engagement en faveur des droits humains est sérieux, et montrer qu’elles considèrent que leur participation à l’évaluation menée par les Nations unies est plus qu’un simple exercice de relations publiques. Elles ne doivent pas s’imaginer que retarder l’exécution de Saman Naseem ou y procéder en secret ne sera pas remarqué. »
Saman Naseem a été condamné à mort en avril 2013 à Mahabad, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, en raison de son appartenance présumée à un groupe d’opposition armé kurde et de son implication dans des activités armées à l’encontre des gardiens de la révolution. Il avait 17 ans au moment des faits qui lui sont reprochés.
Lors de son premier Examen périodique universel (EPU) devant le Conseil des droits de l’homme, en 2010, l’Iran a accepté une recommandation l’incitant à « envisager d’abolir les exécutions de mineurs », qui sont explicitement interdites par la Convention relative aux droits de l’enfant.
Les autorités iraniennes continuent cependant à procéder à l’exécution de mineurs délinquants. Elles ont par ailleurs rejeté des recommandations faites à l’occasion du deuxième EPU de l’Iran, qui les appelaient à renoncer à exécuter les condamnés à mort qui étaient mineurs au moment des faits qui leur sont reprochés.
« Condamner Saman Naseem à mort est contraire aux obligations de l’Iran aux termes du droit international, qui interdisent strictement l’exécution de mineurs délinquants », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
« La programmation de son exécution le mois dernier avait suscité l’indignation de personnes du monde entier qui savent qu’il est illégal et absolument injuste de mettre à mort un mineur délinquant. »
Saman Naseem a été transféré de la prison centrale d’Orumiyeh, dans l’ouest du pays, vers un lieu inconnu le 18 février 2015, veille de la date initialement prévu pour son exécution. Un mois d’incertitude a suivi pour sa famille, qui ne savait pas s’il était mort ou vivant jusqu’à ce que les autorités annoncent cette semaine à l’avocat de Saman Naseem que l’exécution n’avait pas eu lieu.
Les représentants de l’État ont cependant refusé de dire où il se trouve. Il n’a pas été permis à sa famille de lui rendre visite ni de lui téléphoner. Il est emprisonné dans des conditions s’apparentant à une disparition forcée, qui est un crime au regard du droit international.
« Il est tout à fait cruel de la part des autorités iraniennes de tenir la famille de Saman Naseem dans la plus complète ignorance. Jouer de la sorte avec les émotions de cette famille est inhumain et dégradant, et est en soi une violation des droits humains », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
Session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies
L’Iran a soumis aux Nations unies une liste de recommandations qu’il a pleinement ou partiellement acceptées, ou rejetées à la suite de la session d’examen d’octobre 2014. Ces résultats seront officiellement adoptés lors de la session du 19 mars du Conseil des droits de l’homme, à Genève.
Sur les 291 recommandations émises sur le terrain des droits humains, l’Iran en a accepté 130 pleinement, 59 partiellement et en a rejeté 102.
Parmi celles qui ont été rejetées figurent des recommandations exhortant l’Iran à ratifier des traités essentiels en matière de droits humains afin de protéger les droits des femmes et les droits des enfants, de mettre fin à la torture et aux autres formes de traitements et châtiments cruels, inhumains ou dégradants, et de protéger les personnes contre les disparitions forcées.
La grande majorité des recommandations que l’Iran a acceptées sont générales ou rédigées en termes vagues, et dans de nombreux cas, les accepter revient seulement à promettre d’« envisager » d’introduire des changements, ou de « poursuivre les efforts » dans ce domaine, plutôt que de s’engager de manière concrète à les mettre en œuvre.
L’Iran a par exemple accepté de « [c]ontinuer de prendre des mesures pour renforcer les mécanismes de protection des droits des femmes et des enfants ». Il a cependant rejeté les recommandations l’engageant à ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou à reconsidérer les réserves vagues et générales qu’il a exprimées vis-à-vis de la Convention relative aux droits de l’enfant, excluant l’ensemble de ses dispositions qui sont « incompatibles avec les lois islamiques ».
« En rejetant toute recommandation les engageant à prendre des mesures concrètes, les autorités iraniennes donnent seulement l’impression que leurs concessions sur le terrain des droits humains sont des gestes vides », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
« Les promesses creuses ne masquent pas la réalité qu’elles ne sont pas engagées en faveur d’une véritable réforme en matière de droits humains. »