130 organisations de la société civile demandent à l’Union européenne de saisir cette occasion unique de jouer son rôle dans la réglementation du commerce des minerais provenant de zones de conflit.
Les entreprises importent en Europe des minerais pour une valeur de plusieurs milliards d’euros chaque année, sans contrôler s’ils financent des conflits ou alimentent des atteintes aux droits humains. Ces minerais peuvent se retrouver dans des produits de tous les jours – téléphones et ordinateurs portables, voitures ou ampoules notamment. Depuis des années, les organisations de la société civile recueillent des informations sur les liens existant entre les minerais, les conflits et les violations des droits humains : ils participent au financement de groupes armés violents et contribuent au travail des enfants dans les mines.
La lettre de la société civile porte une demande simple : l’UE doit exiger que les entreprises européennes agissent avec la diligence requise lorsqu’elles achètent des minerais ou des produits susceptibles d’être entachés par un conflit ou des atteintes aux droits humains. L’UE a adopté des lois équivalentes dans d’autres secteurs – de l’alimentation aux services financiers. Cet appel s’inscrit pleinement dans la lignée des normes internationales existantes auxquelles les États membres de l’UE ont souscrit il y a des années.
Pourtant, au lieu de prolonger leur rhétorique sur la responsabilité des entreprises par des actions, les États membres de l’UE préfèrent laisser la plupart des entreprises européennes tranquilles, en appuyant une loi qui ne concernerait qu’un nombre négligeable d’entreprises important ces minerais sous forme brute, et exclurait celles, très nombreuses, qui importent en UE des produits finis contenant ces minerais. Pis encore, les États membres ont soumis en décembre dernier une proposition qui sape les normes internationales qu’ils se sont engagés à respecter, en limitant fortement les contrôles que certaines entreprises sont tenues d’effectuer au titre de la loi.
Si les États membres parviennent à imposer leurs exigences au Parlement européen – celui-ci ayant précédemment voté une proposition bien plus contraignante – la loi aura au mieux un impact très limité. Il sera laissé à la libre appréciation de la plupart des entreprises en Europe de se comporter ou non de manière responsable lorsqu’elles achètent ces minerais ou ces produits. Les limites d’une telle approche ne sont que trop connues : les chiffres largement diffusés montrent que rares sont celles qui choisissent d’effectuer ces contrôles. Conscients de cet état de fait, divers pays à travers le monde – de la République démocratique du Congo aux États-Unis – ont adopté des lois visant à réglementer ce commerce.
L’Union européenne risque d’affaiblir les normes internationales et les initiatives visant à s’attaquer à un problème mondial. Surtout, elle manquerait à son devoir envers les populations locales qui subissent au quotidien les violences et les atteintes aux droits humains associées aux minerais provenant des zones de conflit. Parallèlement, les entreprises européennes continueraient de tirer profit de ce commerce meurtrier.