Les dirigeants politiques libyens, dont les membres élus du Congrès national général (CNG), doivent prendre sans délai des mesures en vue de mettre fin aux violations des droits humains et de rétablir l’état de droit, a déclaré Amnesty International lundi 24 septembre. Dans son Manifeste sur les droits humains en Libye, Amnesty International avait averti les dirigeants libyens que s’ils ne maîtrisaient pas leurs milices armées et ne les amenaient pas à rendre des comptes, la Libye risquait de reproduire ces mêmes violations des droits humains qui avaient conduit à la « Révolution du 17 février » contre le régime répressif de Mouammar Kadhafi en 2011. « Chaque jour, nous recevons des appels désespérés de victimes de violations des droits humains de toute la Libye, qui nous demandent d’intervenir et de les protéger, a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International. « Nous entendons parler de gens qui sont enlevés par des milices armées, torturés parfois jusqu’à la mort, chassés de chez eux, et tués ou blessés lors d’affrontements armés. Ces pratiques devraient avoir disparu avec la fin de l’ère Kadhafi, mais elles perdurent dans un climat d’impunité. » Le 24 septembre, Amnesty International a présenté son Manifeste, qui expose 10 mesures clés visant à renforcer la protection des droits fondamentaux, à la commission droits de l’homme du CNG, nouvellement mise sur pied. Bien que le président du CNG, Mohammed Magarief, et 59 autres élus aient soutenu la requête d’Amnesty International de s’adresser à l’ensemble du Congrès, les membres du CNG ont rejeté la proposition la semaine dernière. Lors d’une rencontre avec Amnesty International le 21 septembre, Mohammed Magarief a reconnu les violations des droits humains qui se déroulent actuellement et s’est déclaré déterminé à y mettre un terme. Il a fait remarquer que les violences passées commises par le gouvernement de Mouammar Kadhafi ne sauraient justifier les atteintes aux droits humains, les actes de vengeance et les représailles ciblant actuellement ses partisans présumés. Il a abondé dans le sens d’Amnesty International quant à la nécessité de désarmer les milices, de réformer les services de sécurité et de rénover la justice. « Les victimes n’ont nulle part où aller pour obtenir justice et demander réparation, le système judiciaire étant quasiment paralysé, a expliqué Hassiba Hadj Sahraoui. « Pour briser le cycle des violations des droits humains, il est primordial d’écarter du système judiciaire les juges impliqués dans les détentions arbitraires, les procès iniques et d’autres graves violations, et de garantir l’indépendance de la justice. Si les victimes savent que le système judiciaire garantira leurs droits, elles n’éprouveront plus le besoin de faire justice elles-mêmes et de chercher à se venger. » Des milliers de détenus accusés de s’être battus pour le gouvernement de Kadhafi ou de l’avoir soutenu demeurent incarcérés sans inculpation ni jugement – certains depuis plus d’un an. Les milices armées continuent d’enlever des personnes et de les détenir dans des sites non officiels. La torture et les mauvais traitements sont endémiques, causant des dizaines de décès. Des dizaines de milliers de personnes ont été chassées de chez elles et sont toujours dispersées à travers le pays. Ces violations des droits humains se déroulent dans un climat de peur que les militants des droits humains, les avocats et les journalistes hésitent à dévoiler publiquement. Leurs craintes sont justifiées, plusieurs d’entre eux ayant été menacés, arrêtés, et même victimes de violences physiques. « Le Congrès national général a l’occasion de briser le cycle des violations, de l’impunité et de la répression de la dissidence qui s’est traduit pendant 40 ans par des violations systématiques des droits humains dans la Libye de Kadhafi. Il est grand temps que les nouveaux responsables politiques traduisent leurs promesses en actes », a conclu Hassiba Hadj Sahraoui.