Presque 500 000 personnes chassées de chez elles, plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants affamés, des milliers de cas de mauvais traitements, de viols, d’exécutions, des centaines d’enfants recrutés de force pour combattre.
Devant les événements qui se déroulent en République centrafricaine, la communauté internationale n’hésite pas à parler de « catastrophe imminente », de « chaos complet », de « souffrances inimaginables » dans ce pays de 4,6 millions d’habitants.
Ce qui manque, cependant, c’est une action internationale efficace pour protéger les civils et empêcher une catastrophe en matière de droits humains, dont les conséquences se propageraient bien au-delà de la République centrafricaine.
Pour le moment, seuls 2 500 soldats de la Mission internationale de soutien sous conduite africaine s’efforcent de maintenir la paix dans le pays. Sur le terrain, la réalité est effrayante. Dans la région de Bossangoa, dans le nord-ouest du pays, 40 000 personnes sont terrées dans une mission catholique. Une poignée de soldats mal équipés sont leur seule protection contre une attaque imminente.
Non loin de là, à Bouca, plus de 2 000 personnes ayant fui les violences sont dans une situation similaire.
De tels chiffres font froid dans le dos, mais ne disent que la moitié de la vérité.
Derrière chaque donnée chiffrée il y a un nom, un visage, une vie. Quelqu’un qui fait partie d’une famille – une mère, une sœur, un fils, une fille – essaie de survivre pendant que le reste du monde se demande ce qu’il faut faire.
Espérant garder le contrôle, le Conseil de sécurité des Nations unies débat actuellement de la question.
Cette semaine, le Conseil de sécurité devrait assigner aux troupes de la France et de l’Union africaine sur le terrain une mission initiale consistant à endiguer les forces de sécurité et les groupes armés qui ont provoqué l’actuelle recrudescence des atteintes aux droits humains. Mais l’ONU devra certainement mener une opération de maintien de la paix à part entière pour surmonter cette crise.
À long terme, le déploiement d’une robuste force de maintien de la paix de l’ONU est la seule solution qui garantira la protection des civils et donnera à la République centrafricaine une chance de venir à bout de ce sombre épisode de son histoire.
En l’absence d’une action concertée, le pays serait condamné à devenir un État en déliquescence, avec toutes les graves conséquences que cela entraînerait pour sa population et l’ensemble de la région. Attendre plus longtemps ne fera qu’aggraver les souffrances et diminuer les chances de réussite d’une mission de maintien de la paix.
Outre cette mission, il convient de mettre en place un embargo sur les armes.
Les habitants de la République centrafricaine ont connu de grandes difficultés, sans attirer beaucoup l’attention des médias, depuis décembre 2012, date à laquelle une coalition de groupes armés appelée Seleka a lancé une offensive contre François Bozizé, qui était alors président de la République.
Ce pays a une lourde histoire d’atteintes aux droits humains commis par les gouvernements successifs et par des groupes armés. Il s’est notamment agi d’homicides illégaux, de violences sexuelles, du recrutement d’enfants soldats, actes qui, pour la plupart, n’ont jamais fait l’objet d’enquêtes.
Depuis que la Seleka a pris le pouvoir, en mars 2013, les violences commises par ses combattants et par les groupes d’opposition armés ont connu une augmentation vertigineuse dans un pays aujourd’hui en proie à une anarchie presque totale.
Les affrontements entre la minorité musulmane actuellement au pouvoir et la majorité chrétienne vont vraisemblablement se multiplier.
La prolifération des armes légères et de petit calibre ne fait qu’aggraver la situation. Les anciens combattants de la Seleka, au nombre d’environ 20 000, ainsi que d’autres groupes armés, peuvent facilement se procurer des armes. Même à Bangui, la capitale, les attaques menées en plein jour par des groupes armés, prenant notamment la forme d’homicides commis par d’anciens combattants de la Seleka et des membres actuels des forces de sécurité, sont de plus en plus fréquentes.
Mais cette situation n’a rien de très surprenant. Cela fait des années qu’Amnesty International recueille des éléments sur la situation critique des droits humains dans ce pays. Au mois d’octobre 2013, nous avons signalé que la crise menaçait en publiant un rapport qui montrait l’étendue sans précédent des violations des droits humains commises en République centrafricaine depuis que la Seleka a pris le pouvoir.
Au début de novembre, nous avons publié des images satellite où l’on voyait clairement, en couleur, les traces de centaines de maisons incendiées dont les habitants ont été contraints à un déplacement massif.
Personne n’est tenu de rendre des comptes ni pour les faits antérieurs ni pour ceux qui se déroulent aujourd’hui. L’impunité règne sur tout le territoire.
Nous sommes témoins, en République centrafricaine, d’une situation catastrophique qui évolue vers un chaos encore plus total. Au moment où vous lisez ces lignes, des homicides sont commis, des femmes sont violées, des enfants sont recrutés de force pour combattre.
La décision que les dirigeants du monde entier vont devoir prendre n’est pas facile, mais elle est la seule issue possible. Il faut du courage et de la détermination pour ne pas fermer les yeux devant cette tragédie de plus en plus sanglante.
En République centrafricaine, des hommes, des femmes, des enfants sont au bord du gouffre, menacés par le risque d’un vaste massacre de civils.
Le monde doit réagir sans attendre. Toute tergiversation aurait des conséquences terribles.