Pas moins de 250 000 civils pris au piège dans des zones assiégées en Syrie ont besoin que le Conseil de sécurité de l’ONU fasse pression en faveur d’un libre accès humanitaire afin de soulager leurs souffrances, a déclaré Amnesty International jeudi 13 février, tandis que l’organisme mondial examine un projet de résolution présenté par l’Australie, le Luxembourg et la Jordanie.
Dans le seul camp de Yarmouk, qui accueille des réfugiés palestiniens au sud de Damas, ainsi que des Syriens, l’organisation a recueilli les noms de plus de 100 personnes, hommes, femmes et enfants, qui sont mortes lors d’un siège imposé par les forces armées syriennes en juillet 2013 à la suite d’affrontements avec des groupes armés d’opposition. La famine, l’absence de soins médicaux et les tirs des snipers sont les causes principales de ces décès.
" La situation des civils pris au piège et assiégés dans plusieurs villes de Syrie est intenable : il y a pénurie ou manque total de denrées de première nécessité et de fournitures médicales vitales, a déclaré José Luis Díaz, responsable du bureau d’Amnesty International auprès de l’ONU à New York.
" Encore une fois, le Conseil de sécurité gaspille la possibilité de faire face à la catastrophe humanitaire et des droits humains qui se déploie depuis près de trois ans parallèlement au conflit en Syrie. "
Sa " déclaration présidentielle " sur l’accès humanitaire, qui n’est pas juridiquement contraignante, considérée comme une petite avancée lorsqu’elle a été adoptée le 2 octobre 2013, est restée lettre morte ou presque. Le Conseil, notamment la Russie et la Chine, doit adopter une résolution ferme sur l’accès humanitaire et ne pas trahir les civils assiégés en Syrie. "
La Russie, qui avec la Chine a opposé son veto à trois résolutions du Conseil de sécurité sur la Syrie depuis deux ans et demi, a déjà fait part de son opposition au projet de résolution.
Tandis que les négociations se poursuivent, Valérie Amos, coordonnatrice des secours d’urgence des Nations unies, exposera le 13 février devant le Conseil de sécurité les avancements dans la mise en œuvre de la déclaration présidentielle.
On constate des progrès limités dans l’acheminement de l’aide humanitaire vers certaines zones assiégées. Dans un climat de négociations visant à mettre un terme au siège de Yarmouk, des centaines de personnes ont été évacuées vers des hôpitaux situés dans d’autres quartiers de Damas.
Cependant, des obstacles importants demeurent. Le bref cessez-le-feu qui a permis l’évacuation de civils de la vieille ville d’Homs a été rompu lorsqu’un convoi d’assistance de l’ONU a été attaqué cette semaine. Toutefois, il a été prolongé depuis.
Les habitants de Yarmouk ont raconté à Amnesty International qu’ils n’ont pas eu d’électricité pendant un an, qu’ils sont contraints de fureter sous les tirs des snipers en quête d’herbe à manger et que certains en sont venus à manger de la viande de chat. Des militants locaux ont publié les noms de dizaines de personnes, y compris des travailleurs humanitaires, qui ont été arrêtées au cours des deux dernières semaines lorsqu’elles se sont rendues au poste de contrôle situé le plus au nord du camp afin de participer à une petite distribution d’aide. Les professionnels de santé du camp ont déclaré à Amnesty International qu’un seul hôpital de Yarmouk fonctionne encore partiellement, mais sans médecins.
Les blocus des forces gouvernementales syriennes à Moadamiya, dans la Ghouta orientale et dans d’autres secteurs, prennent au piège des civils désespérés, en proie à des pénuries extrêmes de vivres et de médicaments. Quant aux groupes armés d’opposition, ils assiègent depuis plusieurs mois deux villes à majorité chiite dans le gouvernorat d’Alep, Zahraa et Nubl.
" L’amélioration de l’accès à l’aide humanitaire dans un nombre limité de secteurs n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan comparé à l’étendue des souffrances de la population civile à travers la Syrie, a déclaré José Luis Díaz.
" Les civils sont pris entre deux feux et privés d’assistance humanitaire depuis bien trop longtemps. Les pourparlers de Genève entre le gouvernement syrien et les groupes armés s’enlisant, le Conseil de sécurité n’a plus de temps à perdre afin de garantir une aide humanitaire à tous les civils qui en ont besoin. "
Le gouvernement syrien doit permettre l’entrée sur le territoire de la Commission d’enquête sur la Syrie mandatée par l’ONU pour enquêter sur toutes les atteintes aux droits humains et exactions, y compris lorsqu’elles constituent des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, commises par les différentes parties au conflit. Il doit également laisser entrer Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains.
Amnesty International continue de demander la libération des militants pacifiques détenus aux mains du gouvernement et des otages civils retenus par les groupes armés.