Au moins 151 personnes ont été mises à mort en Arabie saoudite depuis le début de l’année, un chiffre inégalé depuis 1995. Cette vague d’exécutions marque un nouveau pas en ce qui concerne le recours des autorités saoudiennes à la peine de mort, a déclaré Amnesty International.
Depuis le début de l’année 2015, en moyenne, une personne a été exécutée tous les deux jours. Ces dernières années, le nombre d’exécutions enregistrées en Arabie saoudite pour chaque année complète avait rarement été supérieur à 90. La dernière exécution a eu lieu le 9 novembre.
« Les autorités saoudiennes semblent déterminées à poursuivre cette vague d’exécutions ; 151 personnes ont été mises à mort depuis le début de l’année, ce qui représente en moyenne une exécution tous les deux jours », a déclaré James Lynch, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
Selon les informations dont dispose Amnesty International, la dernière fois que l’Arabie saoudite a exécuté plus de 150 personnes au cours d’une même année remonte à 1995. Cette année-là, 192 exécutions ont été enregistrées. En 2014, le pays a procédé au total à 90 exécutions, ce qui signifie que jusqu’à présent on a assisté à une augmentation de 68 % du nombre des exécutions par rapport au chiffre total de l’an passé.
En Arabie saoudite, la peine capitale est souvent prononcée pour des infractions n’ayant pas entraîné la mort, comme les infractions à la législation sur les stupéfiants, et à l’issue de procès iniques n’ayant pas respecté les garanties en matière de procès équitable prévues par le droit international et les normes internationales relatifs aux droits humains. Ces préoccupations sont exposées dans le rapport d’Amnesty International d’août 2015 intitulé Killing in the Name of Justice: The death penalty in Saudi Arabia .
Près de la moitié des 151 exécutions ayant eu lieu cette année concernaient des infractions qui ne satisfont pas aux critères définissant les « crimes les plus graves » pour lesquels le recours à la peine capitale est autorisé par le droit international. Ce fait est en contradiction flagrante avec les déclarations des autorités saoudiennes selon lesquelles elles appliquent la peine capitale dans le respect des garanties les plus strictes. Aux termes des normes internationales relatives aux droits humains, les « crimes les plus graves » sont des crimes qui s’accompagnent de l’homicide volontaire.
Parmi les 63 personnes exécutées cette année pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, la grande majorité, 45, étaient des ressortissants étrangers. Depuis le début de l’année, 71 ressortissants étrangers au total ont été exécutés. En Arabie saoudite, la peine de mort est utilisée de manière disproportionnée contre les étrangers. Les ressortissants étrangers, qui sont pour la plupart des travailleurs migrants venant de pays en développement, sont particulièrement vulnérables car généralement ils ne connaissent pas l’arabe et ne bénéficient pas au cours de leur procès de services d’interprétariat adéquats.
« Le recours à la peine de mort est odieux quelles que soient les circonstances, mais il est particulièrement inquiétant que les autorités saoudiennes continuent d’y recourir dans des conditions qui violent le droit international et les normes internationales relatifs aux droits humains, à une si grande échelle, et à l’issue de procès d’une flagrante iniquité et parfois motivés par des considérations politiques », a déclaré James Lynch.
Les préoccupations au sujet de l’augmentation du nombre des exécutions sont encore renforcées par le fait que la peine capitale est apparemment utilisée à des fins politiques pour lutter contre les dissidents chiites saoudiens. Le mois dernier, la Cour suprême a confirmé la peine de mort prononcée contre le cheikh Nimr Baqir al Nimr, religieux chiite saoudien de premier plan de la province de l’Est, à l’issue d’un procès politisé et manifestement inique devant le tristement célèbre tribunal antiterroriste (le Tribunal pénal spécial).
On avait appris peu avant que les peines capitales prononcées contre le neveu du cheikh Nimr Baqir al Nimr, Ali Mohammed Baqir al Nimr, et deux autres jeunes militants chiites, Dawood Hussein al Marhoon et Abdullah Hasan al Zaher, arrêtés, étant mineurs, à la suite de leur participation à des rassemblements contre le gouvernement, avaient également été confirmées. Ces trois jeunes hommes ont tous dit avoir été torturés et privés des services d’un avocat au cours de leur procès. Ils ont récemment été placés à l’isolement, ce qui fait craindre que leur exécution ne soit imminente.
L’Arabie saoudite continue de condamner à mort et d’exécuter des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés, ce qui est contraire aux obligations du pays en vertu du droit international coutumier et de la Convention relative aux droits de l’enfant.
« Le recours à la peine de mort contre des mineurs délinquants constitue une très grave violation du droit international relatif aux droits humains. L’utilisation par les autorités saoudiennes de la menace de l’exécution en tant que moyen de sanction et d’intimidation contre les dissidents politiques représente un abus de pouvoir consternant. Les autorités saoudiennes devraient d’une part cesser d’intimider les gens avec la menace de l’homicide autorisé par l’État, et d’autre part suspendre toutes les exécutions imminentes, mettre en place d’urgence un moratoire sur les exécutions et réviser le système juridique du royaume qui présente de graves failles », a déclaré James Lynch.