La torture au Mexique : 14 faits

Depuis plusieurs années, Amnesty International enquête et recueille des éléments de preuve sur la torture au Mexique.

Le dernier rapport, intitulé Hors de toute mesure. La torture et les autres mauvais traitements au Mexique, contient une multitude de faits troublants qui montrent à quel point le phénomène est répandu et destructeur.

L’étude a dévoilé ce qui suit :

1. La torture et les autres mauvais traitements sont hors de toute mesure au Mexique – le nombre de cas signalés en 2013 (1 505) dépassait de 600 % celui de 2003, d’après la Commission nationale des droits humains (CNDH).Et le chiffre réel est probablement encore plus élevé.
2. Entre 2010 et la fin de 2013, la CNDH a reçu plus de 7 000 plaintes pour torture et autres mauvais traitements. En 2014, toujours selon la CNDH, le nombre de plaintes aurait diminué, mais il reste bien plus élevé qu’il y a 10 ans.
3. La peur d’être un jour torturé est répandue. D’après une récente étude commandée par Amnesty International, 64 % des Mexicains craignent d’être torturés s’ils sont détenus.

4. Les informations faisant état de torture et autres mauvais traitements se sont multipliées au Mexique et la violence a augmenté de façon draconienne à la suite de la déclaration de guerre contre le trafic de drogue par le gouvernement, en 2006.  
5. L’impunité persiste pour les tortionnaires. D’après le Conseil fédéral de la magistrature, les juridictions fédérales ont engagé 123 poursuites pour torture entre 2005 et 2013, dont seulement sept ont abouti à des condamnations aux termes de la législation fédérale.

6. Les organes officiels chargés de traiter le problème manquent à leurs devoirs. Moins d’un pour cent des victimes de violations des droits humains, y compris celles qui ont été torturées, ont vu la CNDH formuler une recommandation publique sur leurs cas. L’opinion publique n’a aucun droit de regard sur les autres plaintes. 

7. Une personne arrêtée par la police peut être maintenue longtemps en détention avant d’être inculpée d’une quelconque infraction. De 2008 à 2013, le procureur général de la République a placé 8 595 personnes en détention sans inculpation (arraigo) pour des périodes allant jusqu’à 80 jours, pendant lesquelles les détenus risquent d’être torturés. Depuis 2013 le gouvernement a réduit le recours à l’arraigo, mais il ne l’a pas rendu illégal. 

8. La peur de la torture est telle que les personnes détenues – ou leurs proches – s’adressent à la justice pour tenter d’empêcher les représentants des autorités de les torturer. Entre 2005 et 2013, on a enregistré 3 749 recours devant les tribunaux fédéraux dans lesquels les détenus tentaient d’obtenir une protection contre la torture et les autres violations des droits humains. Le nombre de demandes ayant abouti n’est pas connu. 

9. À la fin du mois d’août 2014, des représentants des autorités fédérales reconnaissent que plus de 22 000 personnes ont « disparu » ou sont portées disparues au Mexique. Des fonctionnaires sont impliqués dans certains cas de disparition forcée. Dans les rares cas où des restes de victimes de disparition et d’enlèvement ont été retrouvés, ils présentaient des signes évidents de torture et d’autres mauvais traitements. 

10. Les descriptions des méthodes de torture émanant de différentes régions du pays se ressemblent. La quasi-asphyxie, les coups, les simulacres d’exécution, les violences sexuelles, les menaces de mort et les décharges électriques en font partie. 

11. En 2003, le Bureau du procureur général de la République a adopté une procédure spéciale d’évaluation médicale permettant de rassembler des informations sur les allégations de torture et de mauvais traitements. Cette évaluation se fonde sur la procédure établie par l’ONU pour recueillir des éléments médicaux prouvant qu’il y a eu torture, le Protocole d’Istanbul. Malgré les milliers de plaintes déposées, il n’y a eu que 472 évaluations de cette nature. 

12. Les plaintes pour torture, même si elles sont bien-fondées, sont souvent rejetées ou minimisées par les procureurs, les médecins experts ou les commissions des droits humains. En moyenne, sur 20 victimes présumées de torture ou autres mauvais traitements qui ont déposé une plainte auprès de la CNDH, une seule a fait l’objet d’un examen médicolégal ordonné par le Bureau du procureur général (la situation est bien pire au niveau des États). 

13. Dans seulement un cas sur huit, cet examen médicolégal conclut à des preuves de torture mais, même dans ces cas-là, l’enquête s’arrête souvent peu après. Le procureur général de la République n’avait engagé que 12 poursuites pénales pour torture entre 2006 et la fin de 2013. 

14. En mai 2014, à la suite d’une visite au Mexique, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture faisait observer : « La torture et d’autres formes de mauvais traitements restent une pratique généralisée dans le pays »