La décision du Tribunal spécial pour la Sierra Leone de confirmer en appel la condamnation de l’ancien président du Liberia Charles Taylor fait clairement savoir aux dirigeants du monde entier que nul ne peut échapper à la justice, a déclaré Amnesty International jeudi 26 septembre.
« Cette décision capitale montre que personne n’est au-dessus des lois, a déclaré Stephanie Barbour, responsable du Centre d’Amnesty pour la justice internationale à La Haye. La condamnation des responsables des crimes commis pendant le conflit en Sierra Leone apporte un peu de justice aux dizaines de milliers de victimes. »
« La reconnaissance de la culpabilité de Charles Taylor doit ouvrir la voie à d’autres poursuites. »
La condamnation de Charles Taylor à 50 ans d’emprisonnement a été confirmée en appel par le Tribunal spécial qui l’a qualifiée de juste et raisonnable compte tenu de l’ensemble des circonstances.
Le mandat du Tribunal spécial pour la Sierra Leone créé en 2002 dans le cadre d’un accord entre les Nations unies et la Sierra Leone était de juger les crimes relevant du droit international commis en Sierra Leone à partir du 30 novembre 1996.
Il a passé outre les dispositions d’amnistie de l’Accord de paix de Lomé mettant fin au conflit armé, qui empêchaient le ministère public de la Sierra Leone d’enquêter sur les crimes.
Le tribunal a prononcé les premières condamnations pour l’enrôlement d’enfants-soldats, et qualifié de crimes de guerre les attaques contre les membres des forces de maintien de la paix, et de crime contre l’humanité le mariage forcé.
« Le Tribunal spécial a contribué de manière significative à l’avancée du droit pénal international, a déclaré Stephanie Barbour. Cependant, du fait des dispositions de l’amnistie, des milliers d’auteurs d’homicides illégaux, de viols et violences sexuelles, de mutilations et d’utilisation d’enfants dans le conflit armé échappent toujours à la justice. La Sierra Leone doit résoudre le problème de l’impunité. L’amnistie doit être levée et des enquêtes doivent être ouvertes. »
Amnesty International demande également à la Sierra Leone de mettre en œuvre les recommandations de la Commission de la vérité et de la réconciliation (TRC) en ce qui a trait aux réparations à accorder aux victimes du conflit.
« Les victimes du conflit attendent depuis trop longtemps les réparations qui leur sont dues, a déclaré Stephanie Barbour. Les réparations doivent devenir une réalité pour les dizaines de milliers de personnes qui ont enduré tortures, viols, amputations et autres graves violations. »
La condamnation de Charles Taylor fait apparaître également l’absence de justice dans son pays, le Liberia.
L’ancien président du Liberia a été tenu de rendre des comptes pour les crimes commis en Sierra Leone mais la justice n’a pas été rendue pour les Libériens car personne n’a été poursuivi pour les violations des droits humains et les crimes de guerre commis pendant le conflit au Liberia.
« Les personnes soupçonnées d’être responsables pénalement des crimes commis pendant le conflit armé qui a secoué le Liberia pendant 14 ans doivent être déférées à la justice, a déclaré Stephanie Barbour. Toutes les parties au conflit ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité : assassinats, actes de torture, viols et autres crimes de violence sexuelle, recrutement et utilisation d’enfants soldats, etc. »
Le conflit libérien a duré de 1989 à 1996 puis de 1999 à 2003. Charles Taylor était le commandant de l’une des factions rebelles avant de devenir le président du Liberia de 1997 à 2003.
La recommandation de la Commission vérité et réconciliation du Liberia de créer un tribunal pénal chargé de poursuivre les personnes soupçonnées d’être responsables de crimes de droit international n’a pas été suivie d’effet, comme la plupart des autres recommandations de la Commission concernant une réforme de la justice ou d’autres réformes institutionnelles, l’obligation de rendre des comptes et les réparations aux victimes.
Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone est le premier tribunal international à avoir rempli son mandat. Il va être remplacé par un tribunal spécial « résiduel ».