Manifestations pour la justice raciale suite à la mort de George Floyd lors d'un violent affrontement avec la police dans le Minnesota. Centre de Washington, DC, États-Unis, 3 juin 2020. © Amnesty International (Photo: Alli Jarrar)

Koweït. La loi sur les cybercrimes : une nouvelle menace pour la liberté d’expression

La nouvelle loi sur les cybercrimes, qui doit entrer en vigueur le 12 janvier, ajoutera une nouvelle maille au filet législatif qui restreint déjà le droit à la liberté d’expression au Koweït ; elle doit être révisée de toute urgence, a déclaré Amnesty International le 11 janvier 2016.

La loi inclut la pénalisation de plusieurs formes d’expression en ligne – en particulier la critique du gouvernement, des leaders religieux ou des dirigeants étrangers. Des dizaines de personnes au Koweït ont déjà été arrêtées et poursuivies au titre d’autres lois, en raison de commentaires de ce type postés sur les réseaux sociaux comme Twitter.

« Cette loi répressive est le dernier maillon d’un filet enchevêtré qui bâillonne la liberté de parole, a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Comme tous les citoyens du monde, les Koweïtiens ont le droit d’exprimer pacifiquement leur opinion, notamment en critiquant en ligne leur gouvernement ou les gouvernements d’autres pays, sans craindre de finir derrière les barreaux. »

La loi reprend des dispositions formulées en termes vagues de textes qui datent de 1970 et 2006 et érigent en infraction diverses formes d’expression pacifique susceptibles d’être interprétées comme une critique visant des responsables du gouvernement et des magistrats, des dignitaires religieux ou des dirigeants de gouvernements de la région. Ces lois ont servi par le passé à restreindre l’expression pacifique au Koweït.

Avec l’adoption de ce nouveau texte de loi, les citoyens du Koweït encourront jusqu’à 10 ans de prison pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions sur Internet.

La loi prend en compte des actions qui, en fonction des circonstances, pourraient constituer des actes criminels reconnus, comme l’accès non autorisé à un réseau électronique, l’altération de données (par exemple la falsification), la diffusion d’informations obtenues illégalement et l’utilisation d’Internet aux fins de traite des personnes. Cependant, la loi associe à tort ce type d’activités à l’expression pacifique.

En outre, elle entre en conflit avec le droit international, qui exige de définir les crimes avec clarté et précision. Elle constitue un affront à la résolution de 2014 du Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur la promotion, la protection et la réalisation des droits humains sur Internet, qui demandait aux États de veiller à faire face aux préoccupations relatives à la sécurité sur Internet conformément à leurs obligations internationales relatives aux droits humains, y compris à la protection de la liberté d’expression.

« Les autorités koweïtiennes ne doivent pas appliquer cette loi tant qu’elles n’ont pas assuré sa compatibilité avec leurs obligations internationales en termes de droits humains, a déclaré Said Boumedouha.

« Cette loi n’appartient pas au 21e siècle. Dans l’esprit mais aussi dans la lettre, c’est un texte de loi rétrograde qui ne fait que reprendre des lois répressives. Les Koweïtiens méritent mieux. »

En décembre 2015, Amnesty International a exhorté le gouvernement à réviser toutes les lois en lien avec la liberté d’expression – orale, écrite ou en ligne – afin de les aligner sur les normes internationales et le droit international relatifs aux droits humains.

Complément d’information

Amnesty International a exposé ses préoccupations et ses recommandations relatives à la liberté d’expression pacifique au Koweït dans un rapport publié en décembre 2015 sous le titre The iron fist policy: Criminalization of peaceful dissent in Kuwait.

Le journaliste et prisonnier d’opinion Ayad Khaled al Harbi, 26 ans, est incarcéré depuis octobre 2014 en raison notamment de tweets considérés comme critiques à l’égard de l’émir et du gouvernement du Koweït, qui font écho aux propos de l’éminent détracteur du gouvernement Musallam al Barrak, ainsi qu’aux vers d’une poésie critiquant les dirigeants arabes.

Le blogueur Hamad al Naqi purge actuellement une peine de prison de 10 ans pour avoir posté des commentaires sur Twitter considérés comme critiques envers les dirigeants de Bahreïn et de l’Arabie saoudite, et des messages considérés comme « insultants » envers l’islam. Cet homme est un prisonnier d’opinion.

Le prisonnier d’opinion Abdullah Fairouz, défenseur des droits humains et militant politique, purge une peine de prison de cinq ans pour avoir posté des tweets dans lesquels il déclarait que ceux qui vivent dans les palais royaux ne devraient pas être à l’abri des poursuites judiciaires.

Le 28 juillet 2014, l’avocat Khaled al Shatti a tweeté une condamnation à peine voilée de membres du groupe armé qui se fait appeler État islamique (EI). Le 17 décembre, il a été condamné par un tribunal correctionnel à un an de prison, avec application immédiate, pour insulte à la religion. Toutefois, la cour d’appel a suspendu l’application de cette peine jusqu’à ce qu’elle rende son verdict. Si Khaled al Shatti est incarcéré, Amnesty International le considérera comme un prisonnier d’opinion.