La condamnation, lundi 23 juin en Égypte, de trois journalistes d’Al Jazeera English accusés d’avoir " falsifié des informations " et de faire partie du mouvement des Frères musulmans ou d’avoir aidé celui-ci constitue une attaque violente contre la liberté de la presse, a déclaré Amnesty International.
Les trois journalistes – l’Australien Peter Greste, l’Égypto-Canadien Mohamed Fahmy et l’Égyptien Baher Mohamed, tous considérés par Amnesty International comme des prisonniers d’opinion – ont été condamnés à sept ans de prison. Baher Mohamed a en outre été condamné à trois ans supplémentaires pour détention d’une cartouche de fusil.
Ils sont incarcérés depuis le 29 décembre 2013. " C’est un jugement terrible pour ces hommes et leurs familles, et une journée noire pour la liberté de la presse en Égypte, à l’heure où des journalistes sont enfermés et qualifiés de criminels ou de "terroristes" simplement pour avoir fait leur travail, " a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
" La seule raison pour laquelle ces trois hommes sont en prison est que les autorités égyptiennes n’aiment pas ce qu’ils ont à dire. Ce sont des prisonniers d’opinion qui doivent, à ce titre, être libérés immédiatement et sans condition. En Égypte aujourd’hui, toute personne qui ose contester le discours des autorités est considérée comme une cible légitime. "
Sur les six autres personnes jugées avec les journalistes d’Al Jazeera, deux ont été relaxées et quatre condamnées à sept ans d’emprisonnement. Le tribunal a également condamné par contumace un certain nombre d’autres journalistes à 10 années de prison, notamment les Britanniques Sue Turton et Dominic Kane et la Néerlandaise Rena Netjes.
Un observateur d’Amnesty International a relevé plusieurs irrégularités et des exemples d’incompétence totale pendant le procès.
En 12 audiences, le ministère public n’a pas présenté le moindre élément de preuve solide établissant un lien entre les journalistes et une organisation terroriste ou démontrant qu’ils avaient " falsifié " des séquences diffusées. " Le procès a été une complète imposture. La condamnation de ces hommes à des peines d’emprisonnement après un spectacle si grotesque est une parodie de justice ", a déclaré Philip Luther.
Le ministère public a fait obstacle au droit des prévenus d’examiner et de contester les éléments présentés à charge contre eux. Il a par ailleurs fait montre d’un manque de préparation et d’organisation, en présentant souvent des éléments non pertinents.
Des témoins essentiels de l’accusation ont également paru contredire leur propre témoignage écrit. Des experts techniques ont admis lors du contre-interrogatoire qu’ils ne pouvaient pas confirmer si les journalistes d’Al Jazeera avaient trafiqué des images ou transporté du matériel non autorisé.
" Ce jugement prouve une nouvelle fois que les autorités égyptiennes ne reculent devant rien dans leur campagne impitoyable visant à écraser toute personne qui conteste le discours officiel, quitte à utiliser des preuves douteuses contre elle ", a déclaré Philip Luther.
Les journalistes ne sont pas les seules personnes exposées à ces risques Des milliers de personnes ont été enfermées au cours de l’année écoulée dans le cadre d’une vaste répression de la dissidence. De nombreuses condamnations à mort ont été prononcées à l’encontre de partisans de l’ancien président Mohamed Morsi.
" La justice égyptienne a prouvé à de nombreuses reprises qu’elle est peu désireuse ou incapable de tenir un procès impartial et équitable lorsqu’il s’agit de personnes soupçonnées de soutenir l’ancien président. Au lieu d’enfermer des journalistes et d’autres personnes perçues comme menaçantes, les autorités doivent concentrer leurs efforts sur des enquêtes crédibles concernant les violations des droits humains commises par les forces de sécurité ", a déclaré Philip Luther.