Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie: L’Homophobie, un facteur de migration

À l’occasion du 17 mai, Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie (IDAHOT), Amnesty International Luxembourg (AIL), Rosa Lëtzebuerg et le Centre d’Information GAy et LEsbienCIGALE ont présenté un aperçu de la situation des droits des personnes LGBTI dans le monde et ont dénoncé les graves discriminations que ces communautés subissent dans certains pays en Europe comme la Russie. Victimes de harcèlements, de menaces voire de violences, de nombreuses personnes LGBTI fuient leur pays et demandent l’asile dans des États dont la législation n’est pas homophobe. Dans ce contexte, les trois organisations ont souhaité attirer l’attention sur les difficultés rencontrées par les personnes LGBTI en demande de protection internationale au Luxembourg. Il s’agit d’une population extrêmement vulnérable qui doit faire face à de multiples problématiques, du fait de leur orientation sexuelle, leur identité de genre et/ou leur expression de genre.

La situation des personnes LGBTI dans le monde

Aujourd’hui, dans 76 pays l’homosexualité est considérée comme illégale. Dans 10 pays, la peine maximale pour les rapports sexuels entre adultes du même sexe est la peine de mort[1].

De nombreux  pays n’appliquent pas systématiquement leurs lois homophobes mais leur seule existence est, pour de nombreuses personnes, une incitation et une justification à agir contre la vie des personnes LGBTI. 

« Les discriminations peuvent prendre la forme de restrictions aux  libertés fondamentales : la liberté d’expression, de réunion ou d’association que se voient refuser de nombreuses personnes LGBTI y compris dans certains pays qui affirment respecter la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et les Pactes internationaux. » a précisé David Pereira, président d’Amnesty International Luxembourg.

La transphobie est également largement répandue dans le monde et condamne les personnes transgenres à vivre en marge des sociétés. Pour pouvoir modifier leur identité au regard de la loi, elles sont contraintes de subir des opérations chirurgicales invasives, des stérilisations irréversibles, des traitements hormonaux ou des examens psychiatriques.

La protection des droits des personnes LGBTI en Europe

Selon le dernier rapport annuel d’ILGA-Europe (the European Region of the International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans & Intersex Association) sur la protection des droits humains des personnes LGBTI en Europe[2] paru le 10 mai 2016, la situation actuelle sur le continent européen est contrastée : certains pays font des avancées en adoptant des lois qui suppriment la discrimination entre les personnes homosexuelles et hétérosexuelles et d’autres reculent en restreignant les libertés des personnes LGBTI.   En effet, au cours des 15 dernières années, plusieurs Etats européens ont adopté des lois ouvrant le droit au mariage et celui de fonder une famille aux couples de même sexe : Pays-Bas en 2001, Belgique en 2003, Espagne en 2005, Norvège et Suède en 2009, Islande et Portugal en 2010, Danemark en 2012, France en 2013, Luxembourg en 2014, Grèce en 2015.

En mai 2015, l’Irlande est devenue le premier pays du monde à adopter par référendum la pleine égalité devant le mariage civil.

De plus en plus de pays prennent également des initiatives pour assouplir leur législation sur le changement d’état civil des personnes transgenres. C’est le cas de Malte, de l’Irlande et de la Norvège.

Or, dans certains pays en Europe, les associations et les militants LGBTI ont de plus en plus de difficultés à exercer librement leurs droits à la liberté d’expression et de rassemblement. En 2015, les marches des fiertés en Ukraine, Turquie et Monténégro ont fait l’objet d’attaques violentes de la part de la police ou de manifestants homophobes.

Violations des droits des personnes LGBTI en Russie

« La situation en Russie est particulièrement inquiétante du fait d’une législation à la fois homophobe et hostile à la société civile de manière plus générale. », a déclaré Stan Brabant, directeur d’AIL. « C’est pourquoi, Amnesty International appelle le gouvernement luxembourgeois à prendre la pleine mesure de la persécution dont sont victimes des membres de la communauté LGBTI russe. »

En effet, selon le rapport annuel d’Amnesty International 2015/2016, les militants LGBTI sont confrontés à un environnement extrêmement menaçant. De très nombreux cas de discrimination envers les personnes LGBTI ont été signalés en 2015.

Un tribunal de Saint-Pétersbourg a ordonné, le 25 mars, le blocage du site Internet Deti-404 (également appelé Children-404), communauté en ligne mise en place par la journaliste Elena Klimova pour venir en aide aux adolescents LGBTI. En juillet, le tribunal de Nijni Taguil, dans la région de Sverdlovsk, a condamné Elena Klimova à une amende de 50 000 roubles (830 dollars des États-Unis) pour « propagande en faveur de relations sexuelles non conventionnelles auprès de mineurs ».

Pour rappel, la loi homophobe au titre de laquelle a été inculpée Elena Klimova a été adoptée par le Parlement russe en juin 2013. Elle dispose que la « propagande en faveur de relations sexuelles non conventionnelles entre mineurs » est une infraction administrative passible d’amendes.

En 2015, le droit des personnes LGBTI de se réunir pacifiquement continuait d’être bafoué par les pouvoirs publics. Le militant LGBTI Nikolaï Alexeïev a tenté d’organiser en mai une marche des fiertés à Moscou, alors que la manifestation n’avait pas été autorisée. Des affrontements avec des manifestants hostiles ont éclaté et trois militants LGBTI, dont Nikolaï Alexeïev, ont passé 10 jours en détention.

Des associations LGBTI russes ont été qualifiées d’ « agents étrangers »  par les autorités au titre de la législation sur les « agents étrangers » et des organisations internationales ont été ciblées dans le cadre de la nouvelle loi sur les « organisations indésirables ».

Au cours des deux dernières années, au moins trois personnes LGBTI russes ont demandé l’asile au Luxembourg, parmi lesquelles Irina Fedotova, activiste LGBTI et co-organisatrice de la marche des fiertés de Moscou.

« Toute ma vie, j’ai été persécutée et discriminée en raison de mon orientation sexuelle. J’ai été insultée, humiliée, licenciée de mon travail et arrêtée illégalement par la police. J’ai fait l’objet d’actes de torture et de violences physiques et sexuelles. » a témoigné Irina Fedotova.

Situation des demandeurs de protection internationale LGBTI au Luxembourg

« Les personnes LGBTI en demande de protection internationale (DPI) sont des populations extrêmement fragilisées et vulnérables, du fait de leur statut de DPI et de leur orientation sexuelle/identité du genre. », a expliqué Roby Antony, chargé de direction au centre CIGALE.

Le centre CIGALE, en contact régulier avec des demandeurs d’asile LGBTI, fait état de plusieurs difficultés qui apparaissent au niveau de l’accueil et du traitement de leur demande au Luxembourg. Voici un aperçu de certaines de ses préoccupations:

Les personnel encadrant les foyers ne connaît pas la problématique des DPI LGBTI et ne sait pas comment aborder le sujet dans son travail, ni comment aborder une personne qui n’a pas fait son coming-out ;

-Certaines personnes LGBTI se sentent mal à l’aise quand elles ont les entretiens avec les autorités étatiques, de même quand il y a un traducteur de leur pays, car celui-ci peut être homophobe et ne pas traduire convenablement ou refuser de traduire certains mots « impurs » ;

-Méconnaissance des autorités luxembourgeoises par rapport aux législations implicitement homophobes (p.ex. : Russie), à l’homophobie persistante dans des pays ayant une législation progressiste en matière de droits LGBT (p.ex. : Afrique du Sud) ou aux pays ayant aboli les lois homophobes, mais où la violence homophobe persiste (p.ex. : Ouganda). Dans les pays déclarés "sûrs ", mais ayant une homophobie institutionnalisée, il est très difficile de porter plainte quand on a été victime d’homophobie, car la police, le système légal et le système médical peuvent refuser d’accepter les plaintes, de poursuivre les auteur-e-s de violence et de fournir les soins adéquats. Dans le pays où la demande d’asile est introduite, cela rend difficile la constitution du dossier de demande de protection internationale sur base de l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genre, car les preuves sont effacées ou inaccessibles.

Depuis septembre 2015, le Cigale fournit un soutien à une vingtaine de personnes DPI et LGBTI au Luxembourg. Ces personnes ont rapporté des cas de harcèlement et des remarques homophobes dans les foyers. Selon les demandeurs d’asile, il existe une minimisation de l’homophobie latente dans les foyers et l’impact des mots n’est pas pris au sérieux par les gestionnaires des foyers.

Le centre CIGALE a lancé plusieurs initiatives pour venir en aide aux demandeurs d’asile LGBTI au Luxembourg, parmi lesquelles la création d’un groupe d’échange pour les demandeurs d’asile LGBTI et la planification d’un atelier pour une prise en charge plus efficace de ces personnes par le personnel travaillant dans les foyers et les administrations. Une réflexion sur l’ouverture potentielle d’un foyer d’accueil uniquement destiné aux personnes LGBTI a également été initiée.  


[1] Afghanistan, Brunei, Iran, Mauritanie, Arabie Saoudite, Somalie, Soudan, Yémen, nord du Nigeria, Emirats Arabes Unis