Japon. Le refus d’accorder un nouveau procès à un condamné à mort est une « parodie de justice »

La décision de la Cour suprême du Japon de refuser de faire droit à la requête d’un condamné à mort de 87 ans, reconnu coupable de meurtre sur la base d’« aveux » obtenus sous la contrainte, est « une parodie de justice », a déclaré Amnesty International mercredi 17 octobre, le dernier recours interjeté par Okunishi Masaru ayant été rejeté.

Okunishi Masaru, qui a passé plus de 40 ans à attendre son exécution et compte parmi les plus anciens condamnés à mort du monde, a vu sa septième requête pour la tenue d’un nouveau procès rejetée le 16 octobre. Cela signifie qu’il risque de mourir en prison malgré les doutes quant à l’équité de sa condamnation.

« Le fait que la Cour refuse une nouvelle fois la tenue d’un nouveau procès à Okunishi Masaru, dans une affaire qui le mérite incontestablement, est une parodie de justice », a déploré Catherine Baber, directrice du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

L’octogénaire se trouve dans le couloir de la mort depuis 1969, lorsqu’il a été reconnu coupable du meurtre de cinq femmes. Il a « avoué » ces crimes après de très longues sessions d’interrogatoires menées par la police, pendant cinq jours, en l’absence d’un avocat.

Au cours de son premier procès, il est revenu sur ses « aveux » et a été acquitté en raison du manque de preuves. Une Cour d’appel a ensuite infirmé ce jugement et l’a condamné à la peine capitale.

Sa dernière demande de révision a été rejetée en partie parce que la Cour suprême a estimé que les « aveux » qu’il avait faits initialement étaient toujours valables, même s’il s’était rétracté.

Les avocats d’Okunishi Masaru prévoient de soumettre une huitième demande de révision, mais cette procédure peut prendre plusieurs années.

« La procédure d’interrogatoire déficiente, notamment l’absence d’avocat, qui a débouché sur des « aveux » forcés, souligne la nécessité d’un nouveau procès. Et ce d’autant plus rapidement que l’état de santé d’Okunishi Masaru est précaire », a poursuivi Catherine Baber.

Depuis plus de 40 ans, Okunishi Masaru vit dans la peur constante que chaque jour soit le dernier. Au Japon, les condamnés à mort ne sont informés du moment de leur exécution que quelques heures avant, et leur exécution se déroule en secret.

Comme la majorité des condamnés à mort, Okunishi Masaru a été détenu la plupart du temps à l’isolement.

« Okunishi Masaru n’est pas le seul condamné à mort déclaré coupable en première instance sur la base d’" aveux " extorqués sous la contrainte. Les autorités japonaises doivent de toute urgence réexaminer ces affaires, afin de veiller à ce que justice ne soit pas rendue trop tard pour ces détenus », a expliqué Catherine Baber.

Actuellement, plus de 130 détenus se trouvent dans le couloir de la mort au Japon, chiffre parmi les plus élevés depuis un demi-siècle.

Sous le gouvernement du Parti libéral-démocrate, on a constaté une nette augmentation du recours à la peine de mort. Six personnes ont été exécutées depuis la prise de fonction du Premier ministre Shinzo Abe en décembre 2012.

Le plus ancien condamné à mort
L’un des cas les plus urgents au Japon est celui d’Hakamada Iwao, qui se trouve dans le couloir de la mort depuis 1968.

Aujourd’hui âgé de 77 ans, il est sans doute le condamné qui a passé le plus de temps dans le couloir de la mort au monde. Il souffre de troubles mentaux, dus aux dizaines d’années passées à l’isolement.

À l’issue d’un procès inique, il a été reconnu coupable du meurtre de son patron, ainsi que de l’épouse de celui-ci et de leurs deux enfants.

Hakamada Iwao a « avoué » au bout de 20 jours d’interrogatoire ; il s’est ensuite rétracté lors de son procès, affirmant avoir été battu et menacé au cours de ses interrogatoires aux mains des policiers. L’un des trois juges l’ayant condamné a déclaré publiquement qu’il pensait qu’il était innocent.

D’après les avocats d’Hakamada Iwao, les résultats de récents tests médicolégaux n’ont pas permis d’établir de concordance entre son ADN et celui retrouvé sur les vêtements que, selon l’accusation, portait le meurtrier.

« Hakamada Iwao devrait lui aussi bénéficier d’un nouveau procès, a conclu Catherine Baber.

« Nous prions instamment les autorités japonaises d’améliorer les conditions de tous les condamnés à mort, et notamment de ne plus les maintenir en détention à l’isolement. »

Complément d’information
Amnesty International demande au gouvernement japonais de décréter un moratoire sur les exécutions, en vue d’abolir complètement la peine de mort.

Le système judiciaire japonais continue de reposer grandement sur les « aveux » trop souvent extorqués sous la torture ou les autres mauvais traitements. Il n’existe aucune règle précise concernant la durée des interrogatoires, auxquels les avocats ne sont pas autorisés à assister.

Amnesty International a rassemblé des informations sur le recours usuel aux coups, à l’intimidation, à la privation de sommeil et au fait de forcer un détenu à rester debout ou assis dans une position précise pour de longues périodes lors des interrogatoires.

L’organisation a à plusieurs reprises appelé le Japon à réformer ce système, conformément aux normes internationales.

Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation du condamné, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. La peine capitale viole le droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

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