Saman Naseem © Private.

Iran. Un mineur délinquant devant être exécuté dans une semaine décrit les actes de torture qu’il a subis

Un jeune Iranien devant être pendu jeudi 19 février a raconté comment, alors qu’il n’était qu’un adolescent, des représentants de l’État l’ont torturé pendant 97 jours pour lui faire « avouer » un crime, avant de le condamner à mort.

Dans une lettre lue par Amnesty International, Saman Naseem, qui a désormais 22 ans, a expliqué qu’il avait été incarcéré dans une cellule de 2 mètres sur 50 centimètres, et qu’il avait été constamment torturé avant d’être contraint à apposer ses empreintes digitales sur des « aveux » alors qu’il avait les yeux bandés. Il a été forcé à avouer certains actes, ce qui a mené à sa condamnation pour appartenance à un groupe d’opposition armé et prise d’armes contre l’État. Il était alors âgé de 17 ans.

« Il est incroyable que les autorités iraniennes s’apprêtent à mettre à mort un jeune homme que l’on a torturé pendant 97 jours afin de le faire "avouer" quand il avait 17 ans. À moins d’une semaine de la date prévue pour son exécution, il n’y a pas de temps à perdre. Il faut immédiatement abandonner le projet d’exécuter Saman Naseem, et son cas doit faire l’objet d’une révision rigoureuse », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Ceci est la réalité du système de justice en Iran. Il tourne en dérision ses propres déclarations selon lesquelles il n’exécute pas de mineurs et honore les obligations qui sont les siennes au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant. »

Dans cette lettre, Saman Naseem a écrit :

« Les premiers jours, l’intensité des actes de torture était telle que je ne pouvais même plus marcher. Mon corps tout entier était recouvert d’hématomes. Ils me suspendaient par les mains et les pieds pendant des heures. J’ai eu les yeux bandés pendant toute la période des interrogatoires et des séances de torture, et je n’ai pas pu voir les fonctionnaires qui s’en sont chargés. »

« Ils m’ont dit à de nombreuses reprises qu’ils avaient arrêté des membres de ma famille, notamment mon père, ma mère et mon frère. Ils m’ont dit qu’ils me tueraient sur le champ et qu’ils couvriraient ma tombe de ciment. Quand je voulais dormir la nuit, ils m’empêchaient de me reposer en faisant du bruit au moyen de divers dispositifs, notamment en frappant constamment à la porte. Je me trouvais dans un état entre la folie et la conscience. Je n’ai pu entretenir aucun contact avec ma famille pendant cette période. Durant le procès, même le juge présidant le tribunal m’a menacé à plusieurs reprises de nouveaux passages à tabac et mes avocats ont été congédiés sous l’effet de pressions. »

Saman Naseem a été arrêté le 17 juillet 2011 après des affrontements armés entre les gardiens de la révolution et le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK) à Sardasht, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental. Après son arrestation, il a été incarcéré dans un centre de détention du ministère du Renseignement, sans pouvoir entretenir le moindre contact avec sa famille ni avec un avocat.

Ses proches n’ont pas été informés de son arrestation et ont appris la nouvelle lorsqu’une vidéo de Saman a été diffusée à la télévision d’État. Il y « avouait » avoir pris part à des activités armées contre les autorités. Selon les documents de procédure, un des gardiens de la révolution a été tué et trois autres ont été blessés lors des affrontements.

En janvier 2012, un tribunal révolutionnaire a condamné Saman Naseem à mort pour « inimitié à l’égard de Dieu » et « corruption sur Terre » en raison de son appartenance présumée au PJAK et de son implication dans des activités armées à l’encontre des gardiens de la révolution.

Au cours du procès, il est revenu sur ses précédents « aveux » et a déclaré qu’il avait tiré en l’air et non pas en direction des gardiens de la révolution. Il a également dit au juge qu’il avait été torturé, mais celui-ci n’a pas pris cette information en considération et a retenu ses « aveux » à titre de preuves. Ses avocats ont été empêchés d’assurer sa défense.

En août 2012, la Cour suprême a infirmé sa condamnation à mort, et a renvoyé son cas devant une juridiction inférieure pour qu’il soit rejugé, étant donné que Saman Naseem avait moins de 18 ans au moment des faits qui lui sont reprochés. Le jeune homme a cependant été condamné à mort en avril 2013 par un tribunal pénal. Cette peine a été confirmée par la Cour suprême en décembre 2013.

Les autorités carcérales ont informé oralement Saman Naseem que son exécution était programmée pour le 19 février. Amnesty International croit savoir qu’un médecin lui a rendu visite le 10 février ou aux alentours de cette date à la prison d’Oroumieh, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, où il est détenu. Il est à craindre que cet examen soit une évaluation préalable à son exécution.

« La pratique déplorable de l’Iran consistant à torturer des personnes dans le but de leur arracher des "aveux" avant de les condamner à mort doit cesser immédiatement. Prononcer la peine capitale contre une personne qui était mineure au moment des faits qui lui sont reprochés est contraire aux dispositions du droit international relatif aux droits humains que l’Iran s’est engagé à respecter », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

Complément d’information

Aux termes du Code pénal islamique, l’exécution de délinquants âgés de moins de 18 ans est autorisée selon le principe de qisas (« réparation ») et pour les hodoud (infractions sanctionnées par des peines fixes en vertu du droit islamique). Cependant, l’article 91 du Code pénal islamique exclut le recours à la peine de mort pour des infractions relevant de ces deux catégories si le mineur délinquant ne comprend pas la nature de son crime ou ses conséquences, ou s’il existe des doutes quant à ses facultés mentales.

Le 2 décembre 2014, la Cour suprême a prononcé un « arrêt pilote », selon lequel toutes les personnes actuellement condamnées à mort pour des infractions qu’elles auraient commises alors qu’elles étaient mineures sont habilitées à soumettre des demandes de révision judiciaire à la Cour suprême en vertu de l’article 91 du Code pénal islamique.

L’exécution de mineurs délinquants – c’est-à-dire de personnes condamnées pour des crimes commis lorsqu’elles n’avaient pas 18 ans – est strictement interdite par le droit international, aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention relative aux droits de l’enfant, deux instruments ratifiés par l’Iran.

Amnesty International s’oppose dans tous les cas et sans aucune exception à la peine de mort, indépendamment de la nature et des circonstances du crime commis, de la culpabilité, de l’innocence ou d’autres caractéristiques du condamné, ou encore de la méthode utilisée par l’État pour procéder à l’exécution. La peine capitale viole le droit à la vie inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il s’agit du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.