Les autorités iraniennes doivent saisir l’occasion que leur donne le changement de président pour répondre aux aspirations de nombreux Iraniens et revoir entièrement la situation des droits humains dans le pays, a déclaré Amnesty International ce vendredi 2 août 2013, à l’avant-veille de l’entrée en fonction du nouveau président.
Hassan Rohani, un religieux de 64 ans décrit comme un modéré, prêtera serment en tant que président d’Iran le dimanche 4 août 2013. Amnesty International a publié une série de recommandations adressées aux autorités iraniennes, et établi un plan d’action pour remédier à la situation catastrophique des droits humains qui règne dans le pays.
« Cela fait trop longtemps que l’Iran n’a pas rempli les obligations qui sont les siennes en la matière en vertu du droit iranien et du droit international. Après des années de répression et d’isolement sur la scène internationale, les autorités doivent cesser de gesticuler et reconnaître enfin la gravité des violations des droits humains commises dans le pays, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Hassan Rohani et les autorités d’Iran ne peuvent plus faire la sourde oreille à ceux qui demandent le respect de leurs droits. Les espoirs des Iraniens ne doivent pas être de nouveau brisés. L’entrée en fonction du nouveau président doit permettre de renoncer aux pratiques détestables telles que la discrimination, la torture, la détention arbitraire et les procès inéquitables susceptibles d’entraîner la peine de mort ».
Amnesty International prie les autorités iraniennes de respecter les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pour tout un chacun. Elle demande aussi que soient abrogées ou modifiées les dispositions du Code pénal qui portent atteinte à ces droits.
« À l’annonce des résultats des élections, des Iraniens ont scandé les noms de dirigeants de l’opposition qui se trouvaient en résidence surveillée. Dans un premier temps, il importe de libérer immédiatement et sans conditions tous les prisonniers d’opinion, car ils ont été emprisonnés uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits », a ajouté Hassiba Hadj Sahraoui.
Les responsables de l’opposition Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karroubi, ainsi que l’épouse de Moussavi, Zahra Rahnavard, également militante politique, assignés à résidence depuis février 2011 sans mandat d’arrêt, doivent eux aussi être remis en liberté.
Les restrictions imposées indûment aux médias, aux services de télécommunications et aux activités des ONG et des syndicats doivent être levées.
Pendant sa campagne, Hassah Rohani a formulé un certain nombre d’engagements qui pourraient améliorer le triste bilan de l’Iran en matière de droits humains, dont un projet de « charte des droits civils » appelant à l’égalité de tous les citoyens.
Amnesty International prie instamment les autorités iraniennes de modifier ou d’abroger toutes les lois et pratiques discriminatoires notamment en termes d’origine ethnique, de couleur de peau, de religion, de genre ou autre.
Le président entrant a aussi formulé plusieurs promesses d’amélioration des droits des femmes. Amnesty International prie les autorités d’abroger ou modifier toutes les lois discriminatoires à leur égard, y compris celles qui restreignent l’accès des femmes à l’emploi et à l’éducation. Il y a lieu de voter une loi exhaustive qui protège les femmes contre toute forme de violence.
Pendant de nombreuses années les étudiants ont subi la répression et ont été emprisonnés et privés de leur droit à l’éducation. Le droit à l’enseignement supérieur doit être fonction uniquement du mérite et non pas du sexe, de l’origine ethnique, de la nationalité, des convictions religieuses ou d’une quelconque autre situation de la personne. Il appartient au nouveau gouvernement de faire en sorte que tous les étudiants et enseignants qui ont été interdits arbitrairement d’étudier ou d’enseigner puissent reprendre leurs activités.
Tout au long de ces dernières décennies, le recours systématique à la torture et aux autres mauvais traitements par les forces de sécurité a caractérisé le mode opératoire des autorités iraniennes. Celles-ci doivent désormais prendre résolument position contre ces pratiques. Dans le droit iranien, la torture doit être clairement définie comme étant un crime. Le Code pénal islamique révisé, qui prévoit toujours en cas d’adultère des châtiments corporels, dont la flagellation, l’amputation et la lapidation, doit être modifié.
L’Iran est l’un des pays du monde qui compte le plus grand nombre d’exécutions. Les autorités doivent prendre des mesures concrètes pour l’abolition de la peine de mort, en particulier pour les mineurs délinquants.
Le système judiciaire doit être modifié d’urgence afin de garantir à tous les Iraniens une justice indépendante et des procès équitables. Il faut mettre un terme aux « aveux » obtenus sous la contrainte devant des caméras de télévision.
Toutes les violations des droits humains doivent faire l’objet d’enquêtes indépendantes, et les responsables amenés à répondre de leurs actes. Pour preuve de ce changement d’orientation, les autorités doivent d’ores et déjà permettre à des experts des droits humains de l’ONU et à des ONG, dont Amnesty International, de se rendre en Iran.
Il appartient aussi à la communauté internationale d’évaluer l’impact en matière de droits humains de leurs sanctions et de veiller à ce que celles-ci ne contribuent pas aux violations des droits économiques et sociaux de tous ceux qui vivent en Iran.
« Si des changements concrets n’interviennent pas immédiatement, le changement de présidence aura été une occasion gâchée », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.