L’utilisation précipitée de gaz poivre et les arrestations durant la manifestation pro-démocratie qui a eu lieu les 26 et 27 septembre à Hong Kong font craindre que les autorités ne bafouent les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique lors des manifestations de grande ampleur prévues la semaine prochaine, a déclaré Amnesty International.
Dans la nuit du vendredi 26 septembre, le sit-in organisé par des milliers d’étudiants depuis une semaine s’est achevé par l’irruption d’un groupe de manifestants dans Civic Square, une place clôturée située devant le siège du gouvernement local, tandis que des milliers d’autres continuaient à manifester à l’extérieur.
La police a réagi en tirant des aérosols de gaz poivre à l’intérieur et à l’extérieur de la place et en procédant à des arrestations. Environ 70 personnes, restées coincées sur la place toute la nuit, ont été arrêtées par la police le samedi 27 septembre après-midi.
"La réaction de la police face aux événements de vendredi soir fait craindre que les autorités de Hong Kong n’adoptent une position intransigeante contre toute manifestation pacifique bloquant le quartier des finances, a déclaré Mabel Au, directrice d’Amnesty International Hong Kong.
"L’utilisation précipitée de gaz poivre, le déploiement de policiers anti-émeutes entièrement équipés et les arrestations devant le siège du gouvernement n’augurent rien de bon pour les manifestations de grande ampleur attendues cette semaine. Toutes les personnes détenues uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression et de réunion doivent être libérées immédiatement et sans condition."
Les organisateurs du mouvement "Occupy Central" ont appelé quelque 10 000 manifestants à bloquer le quartier des finances, dans le centre de Hong Kong, le 1er octobre, jour de la Fête nationale en Chine. Les manifestants protestent contre la récente décision de Pékin au sujet de la mise en œuvre du "suffrage universel" dans le territoire, estimant qu’elle ne permettra pas la tenue d’élections pleinement démocratiques en 2017.
"La dispersion d’une manifestation pacifique doit intervenir en dernier recours. Arrêter et détenir des personnes uniquement parce qu’elles exercent leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique constitue une violation du droit international, a déclaré Mabel Au.
"Tout usage de la force par la police est inutile, s’il s’agit d’une manifestation pacifique et qu’il n’y a pas de motif légitime évident de recourir à la force. Il ne faut pas oublier qu’un rassemblement pacifique garde son caractère pacifique même lorsque quelques individus commettent des actes illégaux.
"La police est tenue de faciliter les manifestations pacifiques et non de s’en prendre à des personnes qui ont tout à fait le droit d’y participer."
Amnesty International exhorte les autorités à s’acquitter de leurs obligations au titre du droit national et international – respecter le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique – et à faire en sorte que toutes les personnes arrêtées puissent rapidement consulter un avocat et bénéficier des soins médicaux dont elles ont besoin.
Hong Kong est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). En outre, l’article 27 de la Loi fondamentale, la " mini-Constitution "de Hong Kong, garantit" la liberté de parole, de la presse et de publication ; la liberté d’expression, de réunion, de procession et de manifestation ".
Les rassemblements pacifiques sont une utilisation légitime de l’espace public, qu’il s’agisse d’un parc public ou d’un quartier d’affaires.
"Les autorités n’ont pas le droit de qualifier une manifestation pacifique d’"illégale" sous prétexte que la circulation est momentanément perturbée ou qu’elles n’ont pas donné leur feu vert à l’avance", a déclaré Mabel Au.
La Loi fondamentale de Hong Kong exige que les organisateurs demandent l’autorisation de manifester. Or, selon le droit international, les autorités n’ont pas à donner leur aval, même si elles peuvent demander le dépôt d’un préavis.
Complément d’information
Au titre du droit international, un État peut imposer des restrictions à la liberté de réunion pacifique, uniquement si elles sont nécessaires à la protection d’intérêts publics légitimes ou des droits d’autrui. Ces restrictions doivent être proportionnelles et le moins intrusives possibles. La police doit éviter au maximum de recourir à la force ; si elle y recourt, elle doit poursuivre un objectif légitime reconnu au titre du droit relatif aux droits humains et user de la force minimale requise pour atteindre cet objectif.
Le 1er juillet 2014, des centaines de milliers de personnes ont participé à l’un des plus grands rassemblements ayant eu lieu à Hong Kong ces dernières années. Le 2 juillet à l’aube, faisant suite à ce rassemblement, une organisation étudiante a organisé un sit-in pro-démocratie au cœur du quartier financier de Hong Kong, auquel ont participé des milliers de manifestants.
Plus de 500 manifestants ont été arrêtés par la police, pour "rassemblement illégal" et "obstruction d’un lieu public".Vingt-cinq d’entre eux ont été libérés sous caution, mais font toujours l’objet d’enquêtes pénales
. Durant les manifestations des 26 et 27 septembre, selon la police, 13 personnes âgées de 16 à 35 ans ont été interpellées samedi dans la matinée, pour "irruption dans des locaux du gouvernement", "obstruction d’un lieu public" et "résistance ou obstruction à un fonctionnaire ou à toute autre personne dans l’exercice légal de sa fonction". Au moins 28 manifestants et membres des forces de l’ordre auraient été blessés.