Financement du commerce illégal des armes : un an après la sortie du rapport d’Amnesty International Luxembourg, rien n’a changé

Derrière chaque massacre de civils, qu’il soit perpétré à l’arme chimique ou au fusil d’assaut, à Alep, Djouba ou Paris, il existe des réseaux aux ramifications complexes permettant la production, la commercialisation et le transport des armes servant à commettre ces exactions ainsi que le financement de leurs auteurs.

Or dans de nombreux Etats, la loi reste silencieuse sur la question du financement des armes strictement interdites par le droit international (telles que les armes chimiques ou les mines antipersonnel) et des armes qui, bien qu’autorisées, sont destinées à perpétrer des violations graves du droit international et des droits humains (par exemple des fusil d’assaut vendus aux forces armées d’un Etat connu pour perpétrer des crimes de guerre).

Dans un rapport publié en janvier 2016 intitulé " Banks, arms and human rights violations ", la section luxembourgeoise d’Amnesty International a donné l’alerte sur ce problème qui touche le monde entier. Prenant l’exemple du Luxembourg, grande place financière, Amnesty International Luxembourg a mis en évidence les lacunes préoccupantes du cadre juridique bancaire en matière d’armement et a demandé au gouvernement d’interdire de façon stricte toute activité financière liée à des armes illégales ou destinées à un usage illégal, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective de cette interdiction.

Or, un an après la sortie du rapport, alors que la violence armée fait chaque jour de nouvelles victimes innocentes partout dans le monde, ni les pouvoirs publics, ni le secteur financier ne semblent décidés à prendre leurs responsabilités et à adopter les mesures qui leur permettraient de contribuer activement à la lutte contre l’utilisation criminelle de certaines armes et les souffrances qu’elles causent.

Bien que les conclusions du rapport aient été diffusées par les principaux médias luxembourgeois et reprises par d’autres sections d’Amnesty International – dont la Suisse et la France, qui les ont déclarées applicables dans leurs pays – elles n’ont donné lieu à aucune action concrète.

Le gouvernement luxembourgeois, qui avait pourtant affirmé après la sortie du rapport " Banks, arms and human rights violations " son engagement inconditionnel pour une meilleure réglementation du commerce des armes, n’a pris à ce jour aucune mesure pour appliquer les recommandations formulées par Amnesty International Luxembourg. Ainsi, en ce qui concerne la proposition visant à interdire les activités financières liées aux armes interdites par le droit international, le gouvernement luxembourgeois a indiqué, en décembre 2016, que " les acteurs concernés continuent leur étude quant à l’opportunité d’adopter cette mesure " en droit interne. Rappelons qu’actuellement, seules les activités financières liées aux armes à sous-munitions sont interdites par le droit luxembourgeois.

S’agissant de la proposition d’Amnesty relative à l’interdiction du financement des armes légales dans les cas où celles-ci sont destinées à un usage interdit, le gouvernement ne juge pas nécessaire d’introduire en droit interne luxembourgeois une disposition imposant aux banques de détecter (en vue de leur interdiction) les transactions financières liées à des armes destinées à un usage interdit et craint qu’une telle obligation ne crée des " obstacles administratifs inutiles et inefficaces " dans le fonctionnement de la place financière.

Amnesty International Luxembourg considère au contraire qu’une interdiction générale de financement des armes illégales ou destinées à un usage illégal devrait se faire sans effort supplémentaire significatif par rapport aux obligations légales qui pèsent déjà sur les établissements financiers.En effet, les procédures de contrôle nécessaires sont en principe déjà en place dans les établissements situés au Luxembourg (et dans le reste de l’Union européenne), en application de la législation sur la lutte contre le financement du terrorisme, qui impose de détecter les transactions à risques sur la base de critères comme le profil du client, le pays de destination, la nature de la transaction, etc. Grâce à ces procédures, les banques ne peuvent ignorer le bénéficiaire effectif et l’usage final des armes, ce qui leur donne la capacité pratique de détecter non seulement les transactions liées au terrorisme, mais également celles liées à d’autres usages illégaux des armes. Amnesty International Luxembourg ne doute pas que, dans le contexte actuel, la correcte application des procédures liées à la lutte contre le financement du terrorisme constitue une priorité pour le gouvernement luxembourgeois, et qu’il travaille avec les autres acteurs concernés, dont la CSSF, au renforcement des contrôles dans ce domaine. Dans ces conditions, il n’y a pas d’obstacle d’ordre pratique à l’instauration en droit luxembourgeois d’une interdiction générale de tout financement d’armes illégales ou destinées à un usage illégal.

Interrogée par Amnesty International Luxembourg sur la question du renforcement des procédures liées à la lutte contre le financement du terrorisme et sur la possibilité d’y recourir pour détecter les transactions liées à d’autres usages interdits des armes, la CSSF, autorité chargée de contrôler ces procédures, n’a jamais répondu. Quant à l’ABBL, elle a reçu les représentants d’Amnesty International Luxembourg pour échanger sur les conclusions et les recommandations du Rapport, mais n’a annoncé aucune mesure au nom des banques qu’elle représente.

Face à cette absence d’avancée, un an après la sortie du rapport " Banks, arms and human rights violations ", Amnesty International Luxembourg donne à nouveau l’alarme sur la question du financement des armes illégales ou à usage illégal, et demande aux pouvoirs publics et au secteur financier, au Luxembourg et ailleurs, de tenir compte des recommandations formulées dans le rapport.

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