L’execution « ratée » qui a eu lieu le 29 avril dans l’État de l’Oklahoma offre un nouvel argument de poids en faveur de l’instauration dans tous les États-Unis d’un moratoire immédiat sur les exécutions et souligne la nécessité d’œuvrer pour l’abolition de ce châtiment cruel par nature, a déclaré Amnesty International le 30 avril.
Selon des témoins, le condamné, Clayton Lockett, s’est mis à suffoquer et à se tordre de douleur après avoir été déclaré inconscient, lorsque les deuxième et troisième produits ont commencé à lui être administrés. À ce moment-là, 16 minutes après le début du protocole d’injection létale, des membres de l’équipe pénitentiaire ont tiré les rideaux pour empêcher les témoins de l’événement de voir ce qui se passait. Près d’une demi-heure plus tard, Clayton Lockett a été déclaré mort d’une crise cardiaque. Une seconde exécution prévue le même soir – celle de Charles Warner – a été reportée.
« Ce qui s’est passé la nuit dernière pour Clayton Lockett est sans conteste choquant. Mais c’est loin d’être la première " exécution ratée " aux États-Unis, que ce soit par électrocution, asphyxie ou injection létale en utilisant le protocole " habituel " impliquant trois substances », a déclaré Rob Freer, chercheur sur les États-Unis pour Amnesty International, évoquant plus de 30 exécutions qui se seraient mal passé.
L’unique fabricant américain de thiopental de sodium, barbiturique généralement utilisé dans le protocole d’injection létale aux États-Unis, s’est totalement retiré du marché début 2011 et la Commission européenne a durci sa réglementation sur le commerce des produits utilisés pour exécuter des condamnés. Les États américains qui maintiennent la peine de mort ont alors cherché d’autres sources d’approvisionnement et modifié leurs protocoles d’exécution afin d’être en mesure de poursuivre les exécutions.
« Si la ténacité dont font preuve les autorités pour maintenir la peine de mort était employée à aligner le pays sur la tendance abolitionniste mondiale, nous verrions des progrès rapides sur cette question fondamentale des droits humains aux États-Unis, a déclaré Rob Freer.
« Au lieu de cela, la terrible histoire de la peine de mort aux États-Unis se poursuit au 21e siècle, lors même qu’un nombre croissant de pays met un terme à cette pratique. »
Clayton Lockett et Charles Warner avaient en vain contesté une loi de l’État de l’Oklahoma qui impose aux représentants de l’État de ne pas dévoiler l’identité des personnes impliquées dans l’application des exécutions et de celles qui fournissent les produits ou les équipements utilisés.
« Trop souvent, nous avons pu constater que le secret imposé par le gouvernement est l’ennemi du respect des droits humains. Nous ne devons pas oublier que, même si les exécutions se déroulent comme prévu, la peine de mort demeure un exercice du pouvoir de l’État très défectueux. Ce châtiment est irrévocable au niveau de l’issue, incohérent et discriminatoire au niveau de l’application, et incompatible avec les principes élémentaires de droits humains », a déclaré Rob Freer.
Plusieurs États américains ayant aboli la peine de mort ces dernières années – 18 États au total – Amnesty International demande une nouvelle fois aux autorités, au niveau fédéral, de l’État et local, de saisir l’occasion que posent les problèmes d’approvisionnement des produits utilisés dans l’injection létale pour s’orienter vers l’abolition de la peine de mort, au lieu de s’efforcer de réparer l’irréparable.
Complément d’information Depuis la reprise des exécutions aux États-Unis le 17 janvier 1977, près de 1 400 hommes et femmes ont été mis à mort – dont 90 % par injection létale. Les autres méthodes utilisées sont le gaz, la pendaison, l’électricité et le peloton d’exécution.
Jusque vers 2010, la plupart des États américains appliquant la peine de mort employaient le protocole d’injection létale de trois substances. Depuis que le seul fabricant américain de thiopental de sodium, l’un des composants de ce cocktail, a suspendu la production et s’est totalement retiré du marché début 2011, les États qui maintiennent la peine de mort aux États-Unis se sont tournés les uns vers les autres, vers des pharmacies aux États-Unis qui réalisent des préparations magistrales, vers des sources à l’étranger et vers le gouvernement fédéral, afin de trouver des solutions.
En novembre 2010, on a appris pour la première fois qu’une petite entreprise basée à Londres, au Royaume-Uni, avait fourni du thiopental de sodium à l’État de l’Arizona, où il a servi pour l’exécution de Jeffery Landrigan, le 26 octobre. Amnesty International et Reprieve ont demandé au gouvernement britannique d’interdire l’exportation de ce produit vers des pays où il devait être utilisé pour des exécutions.
Amnesty International et une coalition d’organisations non gouvernementales ont exhorté la Commission européenne à modifier les règles sur le commerce international de certains équipements, afin d’y inclure les produits utilisés dans le protocole d’injection létale et d’adopter une « clause d’usage final », en vue de permettre aux États de l’UE de refuser les licences d’exportation pour des produits dont le seul usage pratique est de servir à la peine capitale, ou lorsqu’il y a tout lieu de croire qu’ils vont être utilisés à cette fin.
En 2013, les États américains de l’Arkansas, de Californie, de Floride, de Louisiane, du Montana, de Caroline du Nord et de l’Ohio ont modifié leurs procédures d’exécution pour inclure un protocole d’un produit et autoriser le remplacement des substances utilisées lors de l’exécution.
Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances.et sans exception, quelles que soient la nature ou les circonstances du crime commis, la culpabilité du condamné, ou la méthode d’exécution utilisée par l’État.