Lors des élections du 8 novembre 2016 aux États-Unis, plusieurs questions soumises au verdict des urnes ne se limitaient pas au choix entre les deux candidats à la présidence ni à l’élection des membres du Congrès américain. Dans quatre mesures faisant l’objet d’un vote dans trois États – la Californie, le Nebraska et l’Oklahoma – des questions liées à la peine de mort ont été soumises à l’électorat. Sur ces quatre questions, la majorité des voix a plaidé en faveur de la peine capitale.
Bien que ces résultats soient regrettables – et illustrent la nécessité d’un leadership fondé sur des principes fermes en matière de droits humains pour lutter contre un châtiment qui tend à remporter un certain soutien au sein de la population malgré les preuves démontrant que son application est entachée d’arbitraire, de discrimination et d’erreur – la tendance à plus long terme montre que les États-Unis sont en chemin vers l’abolition.
En Californie, la Proposition 62 demandait l’abolition de la peine capitale et son remplacement par la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Selon le comptage, cette mesure a été rejetée à 53,8 contre 46,2 %. La Californie compte le couloir de la mort le plus rempli des États-Unis, avec environ 750 condamnés à mort.
La dernière exécution en Californie remonte à presque 11 ans, en janvier 2006. L’objectif déclaré de la deuxième mesure mise au vote en Californie, la Proposition 66, rédigée par des procureurs, consiste à " réformer " la peine de mort et à réduire le temps entre la condamnation à mort et l’exécution. Cette mesure a été approuvée à 50,9 % contre 49,1 %. Un recours juridique a d’ores et déjà été déposé auprès de la Cour suprême de Californie, faisant valoir que la Proposition 66 était invalide.
Au Nebraska en 2015, le corps législatif a voté l’abolition de la peine capitale, passant outre le veto du gouverneur Pete Ricketts. Cependant, l’abrogation a été mise en attente à la suite d’une requête fructueuse demandant que la question soit soumise au vote populaire. Le 8 novembre 2016, par 61 % contre 39 % des voix, les électeurs du Nebraska se sont prononcés en faveur de la proposition du Référendum 426, à savoir le maintien de la peine de mort. Le gouverneur Ricketts a réagi en ces termes : " Maintenant que nous connaissons la volonté de la population sur ce sujet, [je travaillerai] avec le procureur général pour obtenir les substances nécessaires à l’application des sentences ". Comme d’autres États américains, le Nebraska est confronté à de grandes difficultés pour obtenir les substances destinées aux injections létales. Dix hommes attendent actuellement dans le couloir de la mort.
Pendant ce temps, les électeurs de l’Oklahoma ont approuvé la Question 776 visant à modifier la Constitution de l’État afin d’autoriser toute méthode d’exécution non interdite par la Constitution des États-Unis et d’empêcher les tribunaux de l’État de statuer que la peine de mort est une sanction " cruelle et inhabituelle ". La Question 776 a été adoptée à 66 % contre 34 % des voix.
Si ces résultats sont décevants dans une perspective abolitionniste, ils ne modifient pas de manière significative le tableau national de la peine de mort aux États-Unis. En effet, la tendance générale demeure celle d’un châtiment en déclin. Amnesty International estime que les initiatives visant à réparer l’irréparable sont vouées à l’échec – rien ne pourra rendre ce châtiment compatible avec les principes fondamentaux de dignité humaine et de droits humains.
Dix-huit États ont aboli la peine capitale, dont cinq depuis 2007. Sur les 32 États qui la maintiennent, neuf (Arkansas, Californie, Colorado, Kansas, Nebraska, New Hampshire, Oregon, Pennsylvanie et Wyoming) n’ont procédé à aucune exécution depuis 10 ans ou plus. Les gouverneurs des États du Colorado, de l’Oregon, de Pennsylvanie et de Washington ont instauré des moratoires sur les exécutions ces dernières années. Les autorités fédérales n’ont procédé à aucune exécution depuis 2003 et les autorités militaires depuis 1961.
Cependant, ce n’est pas seulement dans les États où la peine de mort n’est pas appliquée que nous constatons des progrès. Cette année, le nombre total d’exécutions aux États-Unis est le plus faible depuis 25 ans, depuis 1991. La plupart des exécutions sont pratiquées dans un petit nombre d’États. Les 17 exécutions recensées jusqu’à présent en 2016 ont eu lieu dans cinq États seulement, dont 14 sur 17 (82 %) en Géorgie et au Texas, responsables de sept exécutions chacun. Le nombre d’exécutions au Texas en 2016 devrait être le plus faible depuis 20 ans, tandis que le nombre de condamnés à mort dans l’État est le plus bas depuis près de 30 ans.
Surtout, le nombre de condamnations à mort demeure en nette baisse par rapport aux pics enregistrés dans les années 1990. Le nombre de personnes condamnées à mort en 1996 est supérieur au nombre total de personnes condamnées à mort en quatre ans, de 2012 à 2015.
Par ailleurs, les élections de 2016 montrent que le climat politique au sujet de la peine capitale a évolué, fait à rapprocher de la sensibilisation croissante de la population quant à ses lacunes. Si un soutien inflexible à la peine de mort était jadis perçu comme un prérequis pour occuper de hautes fonctions, ce n’est plus le cas dans de nombreux endroits. Dans l’État de Washington, le gouverneur Jay Inslee a été réélu pour un second mandat le 8 novembre. Il avait mis en place un moratoire sur les exécutions en 2014. Dans l’Oregon, Kate Brown a été élue gouverneure. Elle avait notamment fait campagne sur la prolongation du moratoire sur les exécutions dans cet État.
Au Kansas, les partisans de la peine de mort ont cherché à écarter quatre juges de la Cour suprême de l’État lors d’un vote sur cette question le 8 novembre 2016. Cette initiative faisait suite au rôle de ces quatre juges dans l’annulation de plusieurs condamnations à mort (rétablies ensuite par la Cour suprême des États-Unis au cours de cette année). Cette campagne fut un échec : l’électorat a en effet voté en faveur du maintien des quatre juges.
Amnesty International continuera d’œuvrer en faveur de l’abolition de la peine capitale aux États-Unis et partout dans le monde. Aujourd’hui, 141 États sont abolitionnistes en droit ou en pratique et l’Assemblée générale de l’ONU a réclamé à maintes reprises un moratoire sur les exécutions dans tous les pays non abolitionnistes, en vue de l’abolition de la peine de mort. Alors que sa Troisième commission est sur le point d’examiner cette semaine le projet de résolution 2016 sur cette question, Amnesty International exhorte le gouvernement américain à prendre une position lors du vote qui reflètera la réalité, à savoir que la majeure partie des États-Unis a cessé d’exécuter depuis un certain nombre d’années.