Samedi 16 mai, un tribunal égyptien a recommandé de condamner à mort le président destitué Mohamed Morsi et plus de 100 autres accusés à l’issue d’un procès manifestement inique, ce qui témoigne de l’état déplorable de la justice pénale dans le pays, a déclaré Amnesty International.
« Condamner Mohamed Morsi à mort à l’issue d’une procédure manifestement inique témoigne d’un mépris absolu pour les droits humains. Les dés étaient faussés avant même qu’il ne mette un pied dans la salle d’audience. Parce qu’il a été détenu au secret pendant des mois sans surveillance judiciaire et qu’il n’a pas été représenté par un avocat durant les investigations, ces procès sont un simulacre de justice s’appuyant sur une procédure nulle et non avenue, a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« Les autorités égyptiennes ne doivent pas tenir compte des preuves obtenues de Mohamed Morsi ou des autres détenus durant la période où ils étaient victimes de disparitions forcées, et doivent soit le libérer immédiatement, soit le rejuger devant un tribunal civil en respectant toutes les garanties d’équité. Toute procédure pénale doit être conforme au droit égyptien et aux normes internationales. »
En outre, les autorités doivent abandonner les charges d’évasion de prison en janvier 2011, car Mohamed Morsi se trouvait alors en détention administrative, au titre de pouvoirs d’exception et sans ordonnance judiciaire.
« Les autorités égyptiennes privilégient actuellement la peine de mort pour éliminer l’opposition politique. La plupart des personnes condamnées à mort par des tribunaux depuis juillet 2013 sont des partisans de Mohamed Morsi. Le deal semble être le suivant : soutenez Morsi et vous serez condamné à mort ou à des années derrière les barreaux. Au contraire, l’Égypte doit garantir l’indépendance et l’impartialité du système judiciaire et traduire en justice tous les responsables présumés de violations flagrantes des droits humains », a déclaré Said Boumedouha.
Le tribunal a recommandé de condamner à mort Mohamed Morsi et 105 autres accusés, dont de hauts responsables des Frères musulmans, déclarés coupables d’avoir orchestré des évasions massives de prison durant la « Révolution du 25 janvier », avec l’aide du Hamas et du Hezbollah.
Mohamed Morsi était également jugé dans une autre affaire, pour espionnage pour le compte d’organisations et d’États étrangers, divulgation d’informations classées secrètes à des groupes comme le Hamas, le Hezbollah et les pasdaran (Gardiens de la révolution iranienne), et participation à des activités liées au terrorisme. Le tribunal a recommandé la peine de mort contre 16 accusés dans cette affaire, dont une femme, mais pas contre Mohamed Morsi.
Le dossier a été transmis au Grand Mufti pour recueillir son avis, procédure obligatoire dans le droit égyptien avant qu’un tribunal pénal ne puisse confirmer une condamnation à mort. Si le tribunal condamne à mort Mohamed Morsi et les autres accusés lorsqu’il rendra son verdict final le 2 juin 2015, ils seront en mesure de faire appel de leurs sentences devant la plus haute instance égyptienne, la Cour de cassation.
Complément d’information
Mohamed Morsi a été renversé par un gouvernement soutenu par l’armée le 3 juillet 2013 et maintenu en détention au secret en compagnie de plusieurs de ses proches conseillers pendant des mois, dans des conditions s’apparentant à des disparitions forcées.
Il purge déjà une peine de 20 ans de prison, prononcée en avril 2015 à l’issue d’un procès inique, dans l’affaire des affrontements meurtriers qui avaient eu lieu non loin du palais présidentiel en décembre 2012.
Mohamed Morsi est jugé dans le cadre d’une autre affaire pour avoir divulgué des informations confidentielles au Qatar. Il est inculpé dans le cadre d’un autre procès avec 24 coaccusés d’insulte au système judiciaire. La première audience est fixée au 23 mai 2015.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort dans toutes les affaires et en toutes circonstances, quelles que soient la nature du crime commis, la personnalité de son auteur, son innocence ou sa culpabilité, ou la méthode d’exécution utilisée par l’État. L’organisation considère que cette sanction viole le droit à la vie tel que reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’Homme et constitue le châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit.