Baher Mohamed, Mohamed Fadel Fahmy et Peter Greste lors de leur procès, en mars. © AP/Heba Elkholy

Égypte.Le nouveau procès des journalistes d’Al Jazira doit ouvrir la voie à leur libération sans condition

La décision rendue par une juridiction égyptienne, qui a ordonné un nouveau procès pour trois journalistes d’Al Jazira actuellement emprisonnés, reconnaît les graves irrégularités de leur condamnation initiale mais laisse ces hommes injustement incarcérés, a déclaré Amnesty International jeudi 1er janvier.

"En ordonnant un nouveau procès, la justice égyptienne prolonge l’injustice subie par Mohamed Fahmy, Peter Greste et Baher Mohamed", a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

"Ces hommes n’auraient jamais dû être emprisonnés et ne devraient pas passer un seul jour de plus en prison. Au lieu d’être maintenus injustement en détention dans l’attente d’un nouveau procès, ils doivent être libérés immédiatement".

La Cour de cassation, plus haute juridiction égyptienne, a statué que des irrégularités de procédure avaient eu lieu dans le procès de Mohamed Fahmy, Peter Greste et Baher Mohamed. Ces derniers doivent maintenant être rejugés.

Ils purgent des peines allant de sept à 10 ans de prison pour "falsification d’informations" et participation au mouvement des Frères musulmans, que les autorités accusent d’être impliqué dans des activités liées au terrorisme.

La Cour de cassation n’a pas examiné le fond de l’affaire et n’a pas le pouvoir d’acquitter ces hommes des chefs d’inculpation retenus contre eux. En revanche, elle a constaté que le tribunal qui les a condamnés n’avait pas respecté les procédures légales en vigueur.

Un observateur d’Amnesty International a relevé plusieurs irrégularités et des exemples d’incompétence totale pendant le procès.

En 12 audiences, le ministère public n’a pas présenté le moindre élément de preuve solide établissant un lien entre les journalistes et une organisation impliquée dans le terrorisme, ni démontré qu’ils avaient "falsifié" des séquences diffusées.

"Le procès de ces trois hommes a été une mascarade d’un bout à l’autre. Leur seul crime est d’avoir contesté le discours politique des autorités", a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

"Ce sont tous trois des prisonniers d’opinion, visés uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression en menant leurs activités légitimes de journalistes".

Au moins 16 000 personnes ont été arrêtées dans le cadre d’une vaste répression de l’opposition en Égypte. Selon certains militants, leur nombre serait même bien plus élevé.

Parmi les personnes prises pour cibles figurent des opposants et des détracteurs du gouvernement, des professionnels des médias et des défenseurs des droits humains.

Parallèlement, la justice a acquitté des membres des forces de sécurité pour la mort de détenus et abandonné les poursuites pénales engagées à l’encontre de l’ancien président Hosni Moubarak pour avoir fomenté la répression de la "Révolution du 25 janvier".

"La décision de la Cour de cassation va à contre-courant de la tendance actuelle de la justice égyptienne, qui est en train de devenir plus que jamais une simple chambre d’enregistrement entérinant d’office la répression des autorités", a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
"Les tribunaux enferment des détracteurs du gouvernement et des militants politiques, tout en laissant les membres des forces de sécurité et les représentants de l’État responsables de violations flagrantes des droits humains en liberté".