Les condamnations à mort prononcées contre 183 personnes à l’issue de procès manifestement inéquitables témoignent une nouvelle fois du mépris de l’Égypte pour le droit national et international, a déclaré Amnesty International à l’annonce de ces condamnations, le lundi 2 février.
«Les condamnations prononcées aujourd’hui sont un nouvel exemple du manque d’impartialité du système judiciaire égyptien. Ces verdicts et ces peines doivent être annulés et tous les condamnés doivent bénéficier d’un procès conforme aux normes internationales d’équité, excluant tout recours à la peine de mort», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
«La peine de mort est un châtiment cruel et inhumain, quelles que soient les circonstances. Prononcer une sentence capitale quand il existe de sérieux doutes quant à l’équité du procès est un scandale et une violation du droit international.» Ces condamnations interviennent après une campagne médiatique à l’échelle du pays appelant à l’exécution des personnes impliquées dans des attaques contre des policiers ou des militaires – campagne qui s’est intensifiée à la suite des attentats survenus dans le Sinaï la semaine dernière.
En décembre, la cour pénale de Gizeh a reconnu 188 personnes coupables de la mort de 11 policiers, tués lors de l’attaque du poste de police de Kerdassa, à Gizeh, en août 2013. Le verdict final a été rendu lundi 2 février 2015 après consultation du Grand Mufti.
«Les condamnations à mort collectives dans les affaires de meurtres de policiers semblent être devenues une pratique quasi systématique, quels que soient les faits et sans qu’il soit tenté d’établir des responsabilités individuelles», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
À ce jour, 415 personnes ont été condamnées à mort dans quatre procès pour le meurtre de policiers. À l’inverse, les poursuites engagées contre l’ancien président Hosni Moubarak, notamment pour la mort de centaines de manifestants pendant le soulèvement, ont été abandonnées. Aucun membre des forces de sécurité n’a non plus eu à rendre de comptes pour la mort d’un millier de manifestants en août 2013.
Le procès des 188 personnes ne s’est pas tenu dans un tribunal mais à l’Institut de la police de Tora, un bâtiment annexe de la prison de Tora ; tous les témoins cités étaient des policiers ou des proches de policiers. Les familles des accusés n’ont pas pu y assister.
«L’interdiction pour les familles ou le public d’assister au procès est contraire au droit égyptien et international, et la tenue du procès dans un centre pénitentiaire porte atteinte à la présomption d’innocence et au droit à un procès public et équitable», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.
Les avocats de la défense ont également indiqué à Amnesty International que tous les accusés n’avaient pas été amenés à l’audience. Ceux qui étaient présents ne pouvaient pas entendre ce qui se disait ni communiquer avec leurs avocats, car ils étaient séparés du reste de la salle d’audience par une grande vitre fumée. Les avocats de la défense ont ajouté qu’ils n’avaient pas pu procéder à un contre-interrogatoire des témoins de l’accusation pendant le procès et que le juge n’avait pas convoqué tous les témoins.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, quelles que soient la nature du crime commis, les particularités de son auteur ou la méthode utilisée par l’État pour l’exécuter.