Les autorités égyptiennes doivent immédiatement libérer une enseignante copte arrêtée en Égypte pour « diffamation à l’égard de la religion » et abandonner les poursuites engagées contre elle, a déclaré Amnesty International vendredi 10 mai, avant la comparution de cette jeune femme, prévue pour le lendemain.
Dimyana Obeid Abd Al Nour, 24 ans, est incarcérée depuis mercredi 8 mai, jour où elle s’est rendue auprès des services du procureur de Louxor afin de répondre d’accusations de « diffamation à l’égard de la religion ». Les poursuites engagées contre elle ont fait suite à une plainte déposée par les parents de trois de ses élèves, affirmant qu’elle avait insulté l’islam et le prophète Mahomet en classe.
Les faits se seraient produits à l’école primaire Sheikh Sultan, à Tout, dans le gouvernorat de Louxor, le 8 avril pendant une leçon sur la « vie religieuse ». Dimyana Obeid Abd Al Nour enseigne dans trois établissements de Louxor depuis le début de l’année.
« Il est choquant qu’une enseignante se trouve derrière les barreaux pour avoir fait cours. Si elle a commis une faute professionnelle ou s’est éloignée du programme scolaire, une inspection interne devrait suffire », a expliqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Les autorités doivent immédiatement relâcher Dimyana Obeid Abd Al Nour et abandonner les poursuites engagées contre elle, qui se fondent sur des accusations forgées de toutes pièces. »
Selon les informations recueillies par Amnesty International, certains des élèves ont affirmé que Dimyana Obeid Abd Al Nour a déclaré qu’elle « aimait le pape Chenouda », patriarche de l’Église copte orthodoxe, décédé en 2012, et qu’elle avait touché son genou ou son ventre alors qu’elle parlait du prophète Mahomet en classe. Elle nie ces accusations, et soutient qu’elle s’en est tenue au programme approuvé par l’école.
Après que plusieurs parents se soient semble-t-il plaints verbalement, l’école et les services de l’éducation auraient mené leur propre enquête interne. Après l’avoir convoquée, les services de l’éducation ont demandé à Dimyana Obeid Abd Al Nour de s’abstenir d’enseigner en attendant les conclusions de l’enquête. Jusqu’au moment de son placement en détention, elle a continué à se rendre auprès des services de l’éducation et à recevoir un salaire.
Ces derniers mois, Amnesty International a pris connaissance de nombreux cas dans lesquels des personnes ont été accusées et reconnues coupables de blasphème en Égypte. Dans certains cas, ces accusations sont portées contre des blogueurs ou des professionnels du monde des médias dont les idées sont « considérées comme outrageantes ».
Le 25 janvier, un tribunal du Caire a confirmé la décision rendue par un tribunal de première instance contre un autre copte, Alber Saber Ayyad, le condamnant à trois ans d’emprisonnement pour « diffamation à l’égard de la religion », après qu’il ait mis en ligne des vidéos et d’autres documents que le tribunal a estimés « outrageants ».
Dans d’autres cas, en particulier en Haute-Égypte, des accusations de blasphème ont été formulées à l’égard de coptes, notamment plusieurs autres enseignants.
Un autre copte devait comparaître samedi 11 mai devant un tribunal du gouvernorat d’Assiout, pour « diffamation à l’égard de la religion », en raison semble-t-il d’une conversation qu’il avait eue avec un groupe de musulmans, qui l’ont plus tard accusé d’avoir insulté l’islam.
Amnesty International a à de nombreuses reprises demandé aux autorités égyptiennes de ne pas engager de poursuites au titre des lois sur le blasphème, qui érigent en infraction les critiques et les insultes en relation avec les convictions religieuses.
« Donner son avis sur une religion n’est pas un crime, qu’il s’agisse de la religion de la personne qui émet la critique ou de celle de quelqu’un d’autre. Toute loi interdisant ce type de discours porte atteinte à la liberté d’expression, et va à l’encontre des obligations en matière de droits humains qui sont celles de l’Égypte aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques », a conclu Hassiba Hadj Sahraoui.