La vidéo rendue publique le 8 septembre par Amnesty International montre le périple extraordinaire de deux réfugiés, Alan Mohammad (30 ans) et sa sœur Gyan (28 ans), qui sont partis de Syrie pour rejoindre un camp de réfugiés en Grèce, fuyant le groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI).
Alan et Gyan, qui souffrent tous deux de dystrophie musculaire depuis leur naissance, se sont enfuis de chez eux, à El Haseke, dans le nord-est de la Syrie, face à l’avancée de l’EI. Ils ont essayé à trois reprises de traverser la frontière pour passer en Turquie, mais à chaque fois des policiers turcs ont ouvert le feu sur eux. Ils ont alors emprunté un autre itinéraire, franchissant la frontière avec l’Irak.
Alors que l’EI avançait en Irak, ils ont franchi la région montagneuse qui les séparait de la Turquie, en étant attachés de chaque côté d’un cheval. Leur mère, leur frère et leur jeune sœur suivaient, poussant leurs lourds fauteuils roulants.
Ils nous ont dit qu’ils avaient essayé à trois reprises de traverser la frontière pour passer en Turquie mais que des policiers turcs avaient ouvert le feu sur eux. Ils ont alors emprunté un autre itinéraire, en franchissant la frontière avec l’Irak. La famille a passé un an et demi dans ce pays, jusqu’à ce que la progression de l’EI les pousse de nouveau à fuir. Le père a alors poursuivi le périple avec la plus jeune sœur, et tous deux ont fini par atteindre l’Allemagne.
Amnesty International s’est entretenue avec Alan en juillet au camp de réfugiés de Ritsona, à environ 80 km d’Athènes. " Le voyage a été très difficile. Il l’est déjà pour les gens " normaux ". Alors c’est un véritable miracle que des personnes handicapées y soient arrivées, parce que toutes les frontières entre les deux pays [Irak et Turquie] sont montagneuses. "
Une fois en Turquie, la famille a pu contacter un passeur, à qui chacun a dû verser 750 dollars (660 euros) pour se rendre en Grèce. Ils ont expliqué que les passeurs leur ont affirmé qu’il y aurait une trentaine de personnes à bord d’un bateau de neuf mètres de long. Mais lorsqu’ils sont arrivés sur la plage, ils ont découvert que le bateau pneumatique ne mesurait que six mètres de long et qu’une soixantaine de personnes réclamaient à cor et à cris de monter à bord. Les passeurs ont dit à Alan et Gyan qu’il n’y aurait pas de place pour leurs fauteuils roulants.
Ils n’ont eu d’autre choix que de laisser les fauteuils sur le rivage, puis avec l’aide de leur famille ils se sont entassés avec les autres passagers sur le bateau.
" C’était terrifiant. Nous avons passé environ quatre heures sur l’eau, se souvient Alan. Chaque fois que je regardais autour de moi je voyais des bébés et des enfants pleurer […] Ma mère était sur le point de s’évanouir, et à un moment ma sœur m’a dit qu’elle ne pouvait plus continuer. "
Ils sont arrivés sur l’île de Chios le 12 mars, quelques jours avant l’entrée en vigueur de l’accord UE-Turquie. Les frontières d’autres pays européens leur étaient désormais fermées.
Leurs espoirs de pouvoir rejoindre leur père en Allemagne étaient brisés. Au lieu de cela, la famille a été mise à bord d’un ferry vers la Grèce continentale, puis a pris le bus jusqu’au camp de réfugiés de Ritsona, un camp ouvert isolé, situé sur une base militaire abandonnée au milieu d’une forêt. Ils y sont bloqués depuis lors, vivant dans des conditions extrêmement rudes.
" C’est une histoire remarquable de force et de résilience, mais elle montre aussi l’échec des États européens à garantir la sécurité des personnes qui fuient la guerre et les conflits dans leurs pays, a déclaré Monica Costa Riba, chargée de campagne sur les migrations à Amnesty International.
" Les autorités grecques, avec l’aide des gouvernements européens, doivent immédiatement améliorer les conditions de vie des réfugiés bloqués en Grèce. Au final, les États européens doivent accueillir un plus grand nombre de réfugiés sur leur territoire et veiller à ce que des réfugiés comme Alan et Gyan puissent bénéficier d’un regroupement familial. "