Des ONG luxembourgeoises en solidarité avec la société civile menacée en Hongrie

Les organisations membres du Lëtzebuerger Flüchtlingsrot (Collectif Réfugiés Luxembourg ou LFR), parmi lesquelles Amnesty International Luxembourg, ont participé à une action visuelle pour exprimer leur solidarité avec la société civile en Hongrie. Par cette action, elles ont appelé le gouvernement hongrois à retirer une série de projets de loi, tentant une fois de plus de s’en prendre aux organisations non gouvernementales (ONG) et d’entraver les activités des défenseurs des droits humains. Dans ce contexte de plus en plus difficile pour les ONG hongroises, Amnesty International demande aux élus du Parlement européen de s’opposer clairement à ces projets dans le cadre d’un débat en plénière sur la fermeture de l’espace pour la société civile qui aura lieu ce mercredi 7 février de 19h à 20h.

« Ces projets de loi sont une nouvelle d’attaque contre la société civile hongroise: mais pour la première fois, l’existence même d’ONG est en jeu. Le gouvernement hongrois veut détruire la crédibilité des ONG et intimider leurs sympathisants et adhérents. Concrètement, si ces lois étaient adoptées, une grande partie des ONG perdraient leur statut d’organisme d’intérêt public et d’autres seraient incapables de travailler. Nous ne pouvons pas laisser cela se produire », a déclaré Stan Brabant, directeur d’Amnesty International Luxembourg.

Les propositions formulées par le gouvernement hongrois dans le paquet législatif dit « Stop Soros », présentées le 18 janvier, s’inscrivent dans une vaste campagne de stigmatisation ciblant des personnes et des associations spécifiques, et ont été présentées comme une initiative visant à stopper « l’immigration clandestine », à « renforcer la protection des frontières » et à « protéger les intérêts de la Hongrie en matière de sécurité nationale ».

Informations complémentaires

En cas d’adoption, les lois proposées exigeront notamment que les organisations qui reçoivent des financements de l’étranger – et qui, prétendument, « favorisent l’immigration massive » ou « soutiennent l’immigration clandestine » –  s’enregistrent auprès des autorités en reconnaissant cette activité « illégale » et rendent publique cette information stigmatisante, par exemple en la faisant figurer sur leur site Internet. Les projets de loi prévoient également une nouvelle taxe exorbitante sur tout revenu reçu de l’étranger et l’obligation pour les organisations de détenir un compte bancaire distinct pour ces fonds ; de plus, ils imposeraient de nouvelles restrictions à la liberté de circulation des Hongrois et des étrangers établis en Hongrie qui mènent des activités liées à l’immigration. Ces projets contiennent aussi des dispositions autorisant l’exclusion du territoire hongrois de ressortissants d’autres pays.

Les militants des droits humains et les organisations de la société civile qui défendent les droits des migrants et des réfugiés en Hongrie mènent depuis longtemps des activités pour protéger le droit des personnes de demander l’asile et d’en bénéficier, et pour faire en sorte que la Hongrie respecte l’obligation qui lui incombe d’offrir une protection aux personnes fuyant la persécution.

Les autorités hongroises cherchent à diaboliser publiquement les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Amnesty International estime que cet ensemble de lois, loin d’être destiné à endiguer l’immigration, vise à intensifier le harcèlement et l’intimidation à l’égard des défenseurs des droits humains indépendants et des organisations de la société civile en Hongrie.

Les nouvelles dispositions législatives proposées restreindraient encore la capacité des organisations de la société civile hongroise à mener leurs activités en qualifiant faussement celles-ci d’« illégales », en imposant des obligations administratives arbitraires et disproportionnées et des amendes exorbitantes, et en restreignant de manière injustifiée le droit à la liberté de circulation.

Le 20 janvier, Gyula Budai, député du Fidesz, a évoqué publiquement le Comité Helsinki hongrois, l’Union hongroise des libertés civiles et Amnesty International, les présentant comme des organisations non gouvernementales qui « soutiennent ou organisent l’immigration illégale ». Le chef du cabinet du Premier ministre a affirmé par la suite disposer d’une liste d’organisations qui « soutiennent l’immigration illégale ». L’Union hongroise des libertés civiles a demandé à consulter cette liste en application des lois relatives à la liberté de l’information.

Les nouvelles exigences qui figurent dans les projets de loi viendraient s’ajouter aux lourdes obligations administratives qui ont été imposées aux organisations de la société civile en juin 2017, après l’entrée en vigueur de la Loi sur la transparence des organisations financées par l’étranger. En vertu de cette loi, les organisations qui reçoivent des fonds de l’extérieur de la Hongrie sont tenues de s’enregistrer auprès des pouvoirs publics, et celles qui ne respectent pas cette obligation sont passibles d’amendes et de sanctions pénales.

La procédure d’infraction pour non-respect du droit communautaire engagée par la Commission européenne contre la Hongrie après l’approbation de la Loi de 2017 sur les ONG est actuellement en instance devant la Cour de justice de l’Union européenne. Amnesty International Hongrie a refusé par principe de se conformer à la loi de juin 2017 et, avec d’autres organisations, conteste actuellement ce texte devant les tribunaux.

Les normes internationales et le droit international en matière de droits humains garantissent le droit à la liberté d’association, qui comprend le droit de constituer et de rejoindre des groupes formels ou informels pour mener des actions collectives, ce qui est fondamental pour le travail des défenseurs des droits humains. Les États sont tenus d’établir un cadre juridique pour la création d’associations et ils ne doivent pas entraver de manière injustifiée l’exercice de ce droit.

Le droit de solliciter, recevoir et utiliser des ressources, y compris d’origine internationale et étrangère, est une composante essentielle du droit à la liberté d’association. Il est également reconnu par la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme. En vertu du droit de l’Union européenne, les États membres ne peuvent pas imposer de limitations injustifiées et/ou disproportionnées à la libre circulation des capitaux, y compris des financements provenant de l’extérieur de l’UE.

Les autorités ont ouvert une période de consultation publique de trois semaines qui se terminera début février, à l’issue de laquelle les nouvelles dispositions proposées seront soumises au Parlement hongrois pour débat et vote.

Amnesty International, en consultation avec d’autres ONG et des acteurs de la société civile en Hongrie, participera à cette consultation. Amnesty International se joint à d’autres organisations pour appeler le gouvernement hongrois à retirer ces projets de loi, parce qu’ils vont à l’encontre des droits à la liberté d’association, d’expression et de circulation, et parce qu’ils sont :

  • malhonnêtes – Ces projets ne visent pas à endiguer l’immigration, mais à intensifier le harcèlement et l’intimidation à l’égard des ONG indépendantes et de la société civile en Hongrie, qui ont véritablement commencé en 2013, transparaissent dans la loi de juin 2017 sur les ONG et se poursuivent au travers de ces projets de loi draconiens.
  • arbitraires – L’État n’a pas le pouvoir absolu de déterminer qui, au sein de la société civile, mène des activités importantes et quelles ressources financières doivent être accessibles pour les financer. En vertu du droit international, les personnes ont le droit de former des organisations et de mener des activités collectives pour atteindre des objectifs relevant de l’intérêt public.
  • néfastes – Toute ONG ou organisation de la société civile en Hongrie recevant des financements étrangers verra son agrément menacé en cas d’adoption des dispositions proposées. Il risque d’en découler une réduction drastique de la capacité de la société civile de promouvoir les droits civils et humains, de préserver les services juridiques et sociaux non fournis par l’État, et de plaider pour la protection d’autres secteurs qui travaillent dans l’intérêt public, notamment en faveur d’une presse libre et indépendante.