Chine. Une loi antiterroriste draconienne porte atteinte aux droits humains

Si elle était adoptée, la nouvelle loi antiterroriste proposée en Chine porterait atteinte à la liberté de religion et d’expression, ainsi qu’aux droits des minorités ethniques, a déclaré Amnesty International.

Malgré de récentes modifications, ce projet de loi ne contient pratiquement aucune garantie pour éviter que les personnes qui pratiquent pacifiquement leur religion ou critiquent simplement des politiques du gouvernement ne soient persécutées au moyen d’accusations définies en termes vagues ayant trait au « terrorisme » ou à l’« extrémisme ».

L’Assemblée populaire nationale, dont la session parlementaire commence jeudi 5 mars, entérinera probablement d’office la dernière version du projet. « La Chine a le devoir de protéger sa population des attaques violentes, mais cette loi draconienne n’est pas la solution. La sécurité nationale est utilisée comme prétexte pour attaquer encore davantage la liberté religieuse et faire taire les détracteurs du gouvernement », a déclaré William Nee, spécialiste de la Chine au sein d’Amnesty International.

Toute personne soupçonnée d’activités « terroristes » pourrait également faire l’objet d’importantes restrictions de son droit de circuler librement et de mesures « éducatives » ou d’autres formes de détention arbitraire.

« Les modifications ne suffisent pas ; les autorités chinoises doivent supprimer ce projet de loi formulé en termes vagues et le re-rédiger entièrement. Il faut que des garanties suffisantes soient en place pour trouver un équilibre entre la sécurité et les droits individuels », a déclaré William Nee.

Les normes internationales exigent que les droits humains, notamment la liberté d’expression, soient protégés dans toute législation relative à la sécurité nationale.

« La liberté d’expression, y compris la critique pacifique des politiques gouvernementales ou du gouvernement lui-même, doit être explicitement protégée dans toutes les lois », a déclaré William Nee.

La liberté religieuse dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang

Le projet de loi porte particulièrement atteinte à la liberté religieuse. Toute personne mettant un lieu à disposition pour le culte d’une religion pourrait être passible de poursuites pénales et taxée de « terrorisme » ou d’« extrémisme », même si les pratiques religieuses en question sont complètement pacifiques.   Au cours de l’année écoulée, les autorités ont accru les restrictions déjà très lourdes qui pesaient sur l’islam dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, dans l’objectif déclaré de combattre « le terrorisme violent et l’extrémisme religieux ».

Elles ont notamment restreint davantage le port de signes d’appartenance à l’islam en public ; les longues barbes ont été interdites, de même que les voiles et les T-shirts ornés du croissant de lune et de l’étoile islamiques. Durant le mois du ramadan, elles ont aussi interdit le jeûne pour certains groupes.

En mai 2014, une campagne visant à « frapper fort » a été lancée au Xinjiang. Les hauts responsables voulaient avant tout effectuer des arrestations et organiser des procès rapidement, en procédant notamment à des condamnations collectives. Le gouvernement a appelé à un renforcement de la « coopération » entre le parquet et les tribunaux, ce qui a suscité des craintes supplémentaires quant à l’équité des procès des personnes accusées.

Selon les médias d’État, après six mois de cette campagne, à l’automne 2014, au moins 238 «prédicateurs religieux illégaux » présumés et autres personnes ayant mis des lieux de culte à disposition avaient été placés en détention et 171 lieux destinés à des « activités religieuses illégales » avaient été « éliminés ». Au total, 23 000 « objets religieux illégaux » ont été saisis, dont plus de 18 000 livres et 2 600 CD et DVD.

En janvier, le Comité du Parti communiste de la région autonome ouïghoure du Xinjiang a décrété 2015 « année où l’on frappe fort » et annoncé que cette campagne serait prolongée jusqu’à la fin décembre.

« Il est inquiétant que le gouvernement voie la campagne visant à “frapper fort” dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang comme un modèle pour les futures mesures antiterroristes à l’échelle nationale », a déclaré William Nee.

Un dangereux précédent a été créé par le procès d’Ilham Tohti, universitaire ouïghour de renom et fondateur du site Uighur Online, qui a été condamné à la réclusion à perpétuité en septembre 2014 après avoir été reconnu coupable de « séparatisme », principalement sur la base d’articles publiés sur son site Internet. Son cas est considéré comme un exemple pour la campagne visant à « frapper fort ». Amnesty International demande sa libération immédiate et sans condition car cet homme est un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement ses droits humains.