Chine : Toute la lumière doit être faite sur les événements d’Ürümqi

Amnesty International appelle à une manifestation pacifique aujourd’hui jeudi, 16 juillet à 18.00 heures devant l’ambassade de Chine, 2, rue van der Meulen, L-2152 Luxembourg-Dommeldange.
Dans la nuit du 5 au 6 juillet, des actions de protestation ayant débuté par des manifestations non violentes à Ürümqi, capitale autonome ouïgoure du Xinjiang, ont rapidement dégénéré, faisant plus de 150 morts et conduisant à plus de 1 400 arrestations. A l’origine de cette flambée de violence, la mort de deux ouvriers le 26 juin dans une usine de Shaoguan (province du Guangdong), lors d’une rixe entre ouvriers migrants hans et ouïgours ; des centaines de travailleurs ouïgours s’étaient alors heurtés à des milliers d’ouvriers chinois hans dans une usine ayant recruté des ouïgours au Xinjiang. Face à ces violences au Guangdong, les autorités ont réagi en imposant aux médias le silence sur cette affaire et en ordonnant aux sites internet et aux forums de discussion en ligne de supprimer les billets consacrés aux affrontements. Les émeutes meurtrières qui ont éclaté par la suite à Ürümqi, sont les plus graves enregistrées dans cette région à dominante musulmane depuis des décennies et les plus meurtrières depuis le massacre de Tiananmen. Comme lors des manifestations survenues au Tibet en 2008, les autorités chinoises tentent d’imputer ces violences à des « forces extérieures » et Pékin n’a pas hésité à mettre en cause la dirigeante exilée ouïgoure, Rebiya Kadeer, accusé par les autorités d’avoir organisé ces actions de protestation. Le 6 juillet, Amnesty International a demandé aux autorités d’Ürümqi d’ordonner sans plus tarder l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale sur les morts signalées et a également exhorté les autorités à honorer leurs obligations en vertu du droit chinois et international en ce qui concerne la protection de la liberté d’expression et de réunion, mais aussi la prohibition des arrestations arbitraires, de la torture et des autres types de mauvais traitements en détention. « Les autorités chinoises doivent fournir tous les renseignements disponibles sur l’ensemble des personnes qui ont perdu la vie et sur celles qui ont été arrêtées. Celles qui ont été appréhendées au seul motif qu’elles ont pacifiquement exprimé leur opinion et fait l’exercice de leur liberté d’expression, d’association et de réunion doivent immédiatement être remises en liberté. Une enquête juste et approfondie doit être menée et déboucher, le cas échéant, sur des procès équitables qui soient conformes aux normes internationales en la matière, sans que la peine de mort ne puisse être requise » a déclaré la directrice adjointe du programme Asie-Océan pacifique d’Amnesty International, Roseann Rife. L’organisation a également demandé aux autorités de laisser les journalistes chinois et étrangers, ainsi que des observateurs indépendants se rendre librement sur place afin de pouvoir rendre compte des faits. Au delà de la nécessité de réagir à cette flambée de violence, les autorités chinoises doivent se préoccuper des questions à la source de ces tensions : depuis les années 1980, les Ouïgours sont la cible de violations graves et systématiques des droits humains. La population Ouïgoure représente plus de 8 millions d’habitants sur les 21 millions que compte la région du Xinjiang. En 1955, la République populaire de Chine a créé cette région autonome ouïgoure du Xinjiang, reconnaissant ainsi la prédominance des Ouïgours dans la région. En vertu de la Constitution chinoise, ce statut confère aux minorités ethniques le droit d’instituer des organes de gouvernement indépendants afin d’exercer leur autonomie. Dans les années 1980, l’ère post-maoïste a fait émerger des politiques de libéralisation appliquées à l’ensemble de la Chine, qui ont accordé aux citoyens davantage de libertés, notamment la liberté de religion et la liberté d’expression, et ont renforcé les protections juridiques. Ces politiques s’étendaient au Xinjiang. Cependant, dans la seconde moitié des années 1990, les Ouïgours de la région ont connu un net revirement politique, les autorités s’étant engagées dans une campagne agressive contre les trois maux : « terrorisme, séparatisme et extrémisme religieux ». Par conséquent, de plus en plus de Ouïgours ont été soumis à des arrestations arbitraires, des procès iniques et leurs droits économiques, sociaux et culturels se sont progressivement amoindris. La situation s’est aggravée depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, les autorités ayant placé le mécontentement des Ouïgours dans le cadre du terrorisme international. En 2008, les autorités ont utilisé une série d’événements violents, qu’elles imputent à des groupes séparatistes ouïgours, pour justifier la mise en place de mesures de répression généralisées contre la population ouïgoure du Xinjiang. Les violations systématiques des droits de la population ouïgoure, la destruction de leurs coutumes, la discrimination à l’embauche dont ils sont systématiquement victimes et l’afflux permanent de migrants chinois Han en raison des politiques gouvernementales prévoyant des mesures d’incitation financière afin que ceux-ci émigrent dans la région, alimentent le mécontentement et les tensions ethniques et pourraient donc être à l’origine des heurts d’Ürümqi. Le jeudi 16 juillet à 18h00, les membres et sympathisants d’Amnesty International Luxembourg se réuniront pacifiquement devant l’ambassade de Chine à Luxembourg afin de demander qu’une enquête indépendante et impartiale soit ouverte concernant les événements dramatiques survenus à Ürümqi et pour demander aux autorités chinoises de protéger et respecter les droits fondamentaux de la population ouïgoure.