Des milliers de réfugiés burundais font l’objet de pressions de plus en plus fortes visant à les inciter à rentrer dans leur pays, où ils risquent pourtant d’être tués, violés ou plus généralement torturés, déclare Amnesty International dans un rapport publié vendredi 29 septembre.
Le rapport, intitulé Se soumettre ou fuir. La répression et l’insécurité poussent les Burundais à l’exil paraît alors que deux pays d’Afrique de l’Est ont décidé de ne plus accorder automatiquement le statut de réfugié aux demandeurs d’asile burundais. Cette décision a été prise en janvier dernier par la Tanzanie et en juin par l’Ouganda.
Les autorités du Burundi font elles-mêmes pression sur les réfugiés pour qu’ils reviennent. Lors d’une visite en Tanzanie, au mois de juillet, (son premier déplacement à l’étranger depuis la tentative de coup d’État qui visait à le renverser, deux ans plus tôt), le président burundais Pierre Nkurunziza a appelé les plus de 240 000 réfugiés présents dans ce pays à rentrer chez eux. Le président tanzanien, John Magufuli, s’est fait l’écho de ses déclarations. D’autres hauts responsables burundais ont fait passer le même message dans les camps de réfugiés situés en Ouganda.
« Alors que le gouvernement du Burundi affirme que tout va bien et incite les réfugiés à rentrer chez eux, les Burundais continuent de fuir leur pays face à la répression et à l’insécurité », a déclaré Rachel Nicholson, chercheuse d’Amnesty International spécialiste du Burundi.
« Soyons clairs : la situation au Burundi n’est pas redevenue normale et les efforts du gouvernement pour nier que des atteintes atroces aux droits humains sont encore commises dans le pays ne doivent tromper personne. » Ce rapport éclaire la situation au Burundi, où règne un climat de peur généralisé, plus de deux ans après la crise provoquée par la décision du président de la République de briguer un troisième mandat.
Les forces de sécurité et les Imbonerakure, l’organisation de jeunesse du Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), de plus en plus militarisée, continuent de commettre des atteintes aux droits humains contre les personnes considérées comme opposées au gouvernement (meurtres, détentions illégales, viols et autres actes de torture). Les chercheurs d’Amnesty International se sont entretenus avec 129 Burundais réfugiés en Tanzanie (en juin 2016) et en Ouganda (en juillet 2017), notamment avec des personnes qui venaient juste d’arriver dans les camps. Ils leur ont demandé pourquoi ils avaient fui leur pays et pourquoi ils ne se sentaient pas prêts à y retourner.
Dans leur immense majorité, ils nous ont dit avoir quitté le Burundi en raison de l’insécurité et de la répression exercée par les Imbonerakure, la police, les services de renseignements (SNR) et l’armée.
Les témoignages recueillis font état de pratiques d’homicides, de passages à tabac, de menaces de violence sexuelle, d’actes de torture et d’extorsions.
« Le fait d’appartenir à une formation d’opposition, d’entretenir des liens avec des membres de celle-ci, de refuser d’adhérer au parti au pouvoir ou simplement d’essayer de quitter le pays suffit à éveiller les soupçons et à vous exposer à une arrestation ou pire encore », a souligné Rachel Nicholson.
« Dans ces circonstances, la Tanzanie et l’Ouganda doivent absolument continuer d’accorder l’asile aux réfugiés burundais, conformément au droit international. » « Si vous n’appartenez pas au CNDD-FDD, vous êtes considéré comme leur ennemi », a déclaré un jeune homme à Amnesty International.
Seize personnes ont dit à Amnesty International qu’elles avaient été torturées ou maltraitées en détention. L’une d’entre elles, un jeune homme qui a passé une semaine en détention en mai dernier dans la province de Kirundo, dans le nord du Burundi, nous a raconté qu’il avait été placé dans une petite pièce sans éclairage, en compagnie de trois autres personnes, frappé à plusieurs reprises à coups de matraque et contraint de manger ses repas dans les toilettes situées juste à côté. « Ils nous ont torturés pour nous faire avouer que nous collaborions avec les rebelles. Un jour, ils nous ont soumis à une torture atroce. Ils nous ont pendu une bouteille remplie de sable aux testicules », a-t-il expliqué.
Une jeune femme a déclaré à Amnesty International qu’elle avait été violée par deux membres des Imbonerakure, chez elle et en présence de ses deux enfants. « Je voulais juste m’échapper, partir à l’étranger. Je savais que je n’étais pas en sécurité. »
« De nombreux réfugiés restent traumatisés par les atteintes aux droits humains dont ils ont été victimes ou témoins. Les pays voisins doivent continuer de les accueillir et de les protéger. La communauté internationale doit également renforcer son action et apporter un soutien financier suffisant au plan d’action régional pour les réfugiés du Burundi, qui manque cruellement de moyens », a souligné Rachel Nicholson.
Ce nouveau rapport paraît le jour même où le Conseil des droits de l’homme des Nations unies doit décider de renouveler ou non le mandat de la Commission d’enquête sur le Burundi. Dans un rapport publié début septembre, la Commission disait disposer d’éléments convaincants, laissant penser que des crimes contre l’humanité avaient été commis au Burundi. Amnesty International demande au Conseil des droits de l’homme des Nations unies de renouveler le mandat de la Commission.
« Les autorités du Burundi aimeraient que les regards de la communauté internationale se détournent des atteintes aux droits humains perpétrées dans le pays. Le Conseil des droits de l’homme doit s’y opposer », a déclaré Rachel Nicholson.
Complément d’information
Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 400 000 personnes ont fui le Burundi depuis le début du conflit, en avril 2015. Elles ont trouvé refuge, pour la grande majorité d’entre elles, en Tanzanie, en Ouganda, au Rwanda et en République démocratique du Congo. Pour l’instant seuls 6 % du financement nécessaire au plan d’action régional 2017 pour les réfugiés du Burundi ont été reçus.
Au Burundi même, plus de 200 000 personnes (soit environ 2 % de la population) sont actuellement déplacées à l’intérieur de leur propre pays.