Belarus.Oser etre independant

Luxembourg, 18 avril 2013. La société civile bélarussienne est muselée par un gouvernement répressif qui ne tolère aucune forme de critique, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public jeudi 18 avril.

Ce document, intitulé What is not permitted is prohibited: Silencing civil society in Belarus, montre comment les autorités bélarussiennes bafouent régulièrement les droits à la liberté de réunion, d’association et d’expression pacifiques, en empêchant les citoyens de s’exprimer haut et fort, de manifester ou de créer des organisations de la société civile. Des manifestants non violents sont régulièrement condamnés à des amendes, voire des peines de prison.
« Ces 20 dernières années, le gouvernement bélarussien a peu à peu verrouillé tous les aspects de l’action de la société civile, privant les membres de celle-ci d’occasions d’exprimer leurs opinions, de contribuer au débat public et au bout du compte d’agir comme contre-pouvoir », a expliqué Heather McGill, spécialiste du Bélarus à Amnesty International.
Le rapport d’Amnesty International analyse la législation régissant la liberté de réunion et d’association pacifiques, et fournit des informations sur les violations de ces droits dont sont victimes les défenseurs des droits humains, les syndicats, les militants écologistes et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres.
Les personnes essayant de procéder à l’enregistrement d’organisations indépendantes de quelque genre que ce soit se trouvent aux prises avec des lois restrictives, que les fonctionnaires appliquent d’une manière limitant encore davantage la liberté d’association. Les militants qui opèrent sans être enregistrés risquent des poursuites pour agissement au nom d’une organisation non immatriculée.
Pas un seul nouveau parti politique n’a été enregistré au Bélarus depuis 2000, en raison des critères très stricts fixés par la législation, et les membres de syndicats indépendants subissent des discriminations au travail.
Ales Bialiatski, prisonnier d’opinion et président du Centre pour les droits humains Viasna, une organisation dont l’enregistrement a été révoqué en 2003, a été condamné à quatre ans et demi d’emprisonnement en 2011 parce que des fonds avaient été versés sur ses comptes en banque personnels en Pologne et en Lituanie afin de financer les activités de Viasna, cette organisation ayant été empêchée d’ouvrir un compte en banque au Bélarus.
Aleh Stakhaïevitch, chauffeur employé par la carrière de gravier de l’entreprise Granit dans le sud-ouest du Bélarus, a été élu président d’un syndicat indépendant fondé en décembre 2011. Conformément à la législation en vigueur, les travailleurs ont informé leur employeur de la création du syndicat et lui ont demandé une adresse juridique. L’entreprise a refusé et a harcelé ceux qui ont essayé de rejoindre le syndicat.

Aleh Stakhaïevitch a été poursuivi pour AMNESTY INTERNATIONAL LUXEMBOURG a.s.b.l. reconnue d’utilité publique 23, rue des Etats-Unis B.P. 1914 L-1019 Luxembourg T: +352 48 16 87 F: +352 48 36 80 E: e-mail@amnesty.lu W: www.amnesty.lu CCPL LU08 1111 0000 3333 0000
COMMUNIQUE DE PRESSE
négligence au volant d’un véhicule, puis licencié. Il affirme qu’il s’agit là d’accusations fabriquées de toutes pièces. À ce jour, quatre membres de ce syndicat indépendant ont été remerciés tandis que d’autres ont été visés par des manoeuvres d’intimidation et ont quitté le syndicat de peur de perdre leur emploi.
Lorsque des membres bélarussiens d’Amnesty International ont essayé de faire enregistrer leur groupe en tant qu’organisation internationale en 2003, il leur a été expliqué que l’utilisation du logo posait problème. Quand ils ont tenté de procéder à un enregistrement en tant que fondation locale en 2005, on leur a répliqué qu’ils pourraient le faire s’ils convenaient à l’avance avec des organes officiels de l’ensemble de leurs activités. Comme cela compromettait leur capacité à fonctionner de manière indépendante, ils ont décidé de renoncer.
Au fil des années, Amnesty International a recensé de nombreux cas d’arrestation et d’incarcération de participants à des manifestations non autorisées ; ces personnes ont parfois été frappées par la police.
En 2011, des participants à des « manifestations silencieuses » hebdomadaires qui se sont tenues à travers le pays, durant lesquelles des groupes de personnes marchaient sans rien dire, et applaudissaient ou utilisaient l’alarme de leur téléphone simultanément, ont été roués de coups ou condamnés à une peine de détention administrative ou à une amende.
La manifestation la plus suivie de l’histoire récente du pays, qui s’est déroulée à la suite de l’élection présidentielle de décembre 2010, a été réprimée avec une violence sans précédent. Quand la police est arrivée pour disperser la foule dans le centre de Minsk, la capitale, plus de 700 individus ont été appréhendés et beaucoup, y compris des passants, ont été frappés et blessés. Quatre prisonniers d’opinion, Nikolaï Statkevitch, Pavel Sevyarynets, Edouard Lobau et Zmitser Dachkevitch, se trouvent toujours en détention en relation avec cette manifestation.
La Loi sur les événements de grande ampleur porte atteinte au droit fondamental des Bélarussiens de manifester.
« Même si une seule personne défile ou mène une action de protestation, cela est considéré comme une violation de la loi sur les événements de grande ampleur. Les manifestants peuvent être poursuivis pour ce genre de défilé individuel ou même être condamnés à une amende pour présentation d’un cadeau en public », a souligné Heather McGill.
Des manifestants pacifiques sont fréquemment condamnés à des amendes ou à de courtes peines d’emprisonnement pour avoir enfreint la Loi sur les événements de grande ampleur ou pour des infractions mineures comme le fait de proférer des jurons en public. Pavel Vinahradau, membre du mouvement de jeunesse Zmena (Changement), a passé en tout 66 jours en détention entre le 30 décembre 2011 et le 12 décembre 2012 dans le cadre de huit condamnations administratives distinctes, toutes prononcées pour des infractions mineures telles que le fait de proférer des jurons ou de n’avoir pas respecté la réglementation relative aux rassemblements publics et aux grèves.
« Le Bélarus doit autoriser ses citoyens à s’exprimer librement sans avoir à craindre de faire l’objet d’opérations de répression. Les autorités bélarussiennes doivent réexaminer l’ensemble des décrets présidentiels et textes de loi relatifs à l’enregistrement et aux activités des organisations non gouvernementales, et veiller à ce que les représentants de l’État respectent le droit à la liberté d’association et de réunion. »
Contact presse : Amnesty International Luxembourg, Tél : 48 16 87, presse@amnesty.lu