La probabilité que plus de 50 personnes soient exécutées sous peu s’accroit, des médias nationaux proches des autorités saoudiennes ayant affirmé qu’ils seraient bientôt tous mis à mort le même jour, a déclaré Amnesty International.
Les mères de cinq militants chiites figurant parmi ces prisonniers ont imploré le roi Salman de faire preuve de clémence, après avoir eu vent de préparatifs pouvant être en relation avec des exécutions imminentes.
« La forte augmentation du nombre d’exécutions observée cette année en Arabie saoudite, associée à la nature secrète et arbitraire des décisions de justice et des exécutions dans le royaume ne nous laissent pas d’autre choix que de prendre très au sérieux ces signes récents », a déclaré James Lynch, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« L’Arabie saoudite ne doit pas procéder à ces exécutions, et doit lever le secret entourant les condamnations à la peine capitale, dans le cadre d’une refonte de grande ampleur de son système judiciaire. »
Parmi les cinq militants nommés dans l’appel des mères de condamnés figurent des mineurs délinquants : Ali al Nimr, Abdullah al Zaher et Hussein al Marhoon. Amnesty International s’est mobilisée pour demander que leurs condamnations à mort soient annulées, en raison d’allégations crédibles selon lesquelles ils ont été torturés et fait l’objet de procès iniques devant le Tribunal pénal spécial, qui est saisi des affaires en relation avec le terrorisme. Le droit international prohibe le recours à la peine de mort contre les personnes âgées de moins de 18 ans.
Parallèlement à l’action menée par Amnesty International en leur faveur, un groupe d’experts des Nations unies et le Parlement européen ont tous deux exhorté l’Arabie saoudite à s’abstenir d’exécuter Ali al Nimr. Philip Hammond, le secrétaire d’État britannique, a déclaré publiquement qu’il ne pensait pas qu’Ali al Nimr serait mis à mort.
Ali al Nimr et son oncle, Nimr al Nimr, un dignitaire religeux chiite, faisaient partie de six militants arrêtés après des manifestations réclamant une réforme politique, qui avaient débuté dans la province de l’Est, majoritairement chiite, en 2011.
« Parmi ceux qui risquent d’être exécutés sous peu figurent six militants chiites qui ont été déclarés coupables au terme de procès iniques. Il apparaît clairement que les autorités saoudiennes utilisent le prétexte de la lutte contre le terrorisme pour régler des comptes politiques », a déclaré James Lynch.
« Trois de ces six militants ont été condamnés pour des "infractions" commises alors qu’ils étaient mineurs, et ont affirmé qu’on les avait torturés afin de leur arracher des aveux. Compte tenu de ce que nous savons des profondes failles du système pénal saoudien, l’équité des procès de personnes passibles de la peine de mort dans ce pays nous inspire de sérieux doutes. »
Les mères de condamnés ont publiquement fait état de leurs craintes, après avoir appris cette semaine que leurs fils avaient été soumis à un examen médical « inopiné » en prison, qu’elles considèrent comme un signe pouvant annoncer une exécution imminente. Quatre de ces cinq hommes sont détenus à l’isolement dans un quartier carcéral accueillant des condamnés à mort, depuis leur transfert à la prison d’al Hair à Riyadh début octobre.
Dans leur lettre, les mères demandent l’annulation de la condamnation de leurs fils, et l’organisation de nouveaux procès se déroulant en public et respectant les normes internationales d’équité en la matière, et autorisant la présence d’observateurs indépendants.
Cette semaine, plusieurs journaux saoudiens proches des autorités ont indiqué que 55 « terroristes d’al Qaïda et d’al Awamiyya » seront exécutés « dans les jours à venir ». Al Awamiyya est une zone majoritairement chiite de la province de l’Est, où des manifestations ont eu lieu en 2011.
« Exécuter par décapitation ou par une autre méthode des dizaines de personnes en un seul jour serait une nouvelle régression vertigineuse pour l’Arabie saoudite, dont les autorités continuent à faire preuve d’un cynisme implacable et même d’une défiance ouverte lorsque des gouvernements et des citoyens du monde entier remettent en question leur recours à la peine de mort », a déclaré James Lynch.
L’Arabie saoudite fait depuis longtemps partie des pays procédant au plus grand nombre d’exécutions dans le monde, et ce bilan s’est encore alourdi récemment à la suite d’une forte augmentation du nombre d’exécutions.
Amnesty International publiera début 2016 son rapport annuel sur les condamnations à mort et exécutions recensées dans le monde.
L’organisation est opposée à ce châtiment en toutes circonstances, indépendamment des questions relatives à la culpabilité ou à l’innocence et quels que soient l’accusé, le crime commis et la méthode d’exécution.