La condamnation scandaleuse à huit années de prison prononcée en Arabie saoudite contre un religieux chiite accusé d’avoir critiqué les dirigeants est le dernier exemple en date attestant l’existence d’une politique inquiétante de harcèlement et de discrimination visant la communauté chiite du pays, a déclaré Amnesty International.
Le cheikh Tawfiq al Amr, un religieux chiite du gouvernorat d’al Ahsa, a été condamné à une peine de huit années de prison, suivies d’une interdiction de voyager d’une durée de 10 ans et assorties d’une interdiction de délivrer des sermons religieux.
Mercredi 13 août, il a été déclaré coupable par le tribunal pénal spécial d’avoir tenu des propos diffamatoires envers le régime dirigeant, tourné en ridicule la mentalité de ses dignitaires religieux, appelé au changement et désobéi au dirigeant. Ces chefs d’accusation sont en relation avec plusieurs discours publics qu’il a prononcés depuis 2011.
» Le cheikh Tawfiq al Amr est le dernier dignitaire religieux en date à payer un prix très élevé pour avoir refusé qu’on le réduise au silence » a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Oser critiquer pacifiquement les dirigeants saoudiens n’est pas une raison suffisante pour finir derrière les barreaux. Il doit être libéré immédiatement en relation avec ces charges. »
Tawfiq al Amr a initialement été arrêté en août 2011. Il était prévu qu’il soit libéré en décembre 2012 mais il a été condamné à trois ans de prison lorsqu’il a refusé de signer un texte selon lequel il s’engageait à cesser de délivrer des sermons religieux.
Les avocats de Tawfiq al Amr et le parquet ont formé un recours contre cette condamnation. Le juge d’appel aurait demandé à deux reprises l’imposition d’une peine plus sévère. Lorsque le juge chargé d’examiner l’affaire a refusé de s’exécuter, il a été remplacé par le magistrat qui a prononcé la condamnation du 13 août.
» La condamnation de Tawfiq al Amr par un tribunal pénal spécial et antiterroriste révèle à quel point le système judiciaire saoudien est arbitraire et injuste. Si cet homme avait signé le texte l’engageant à ne plus délivrer de sermons, il serait actuellement en liberté. Et pourtant, les autorités semblaient préoccupées par une seule chose, à savoir comment le punir plus sévèrement pour ne pas leur avoir obéi « , a déclaré Said Boumedoua.
Des dizaines de militants chiites ont été arrêtés, emprisonnés et harcelés à travers l’Arabie saoudite depuis 2011, principalement pour avoir appelé de leurs vœux des réformes politiques.
Beaucoup ont été inculpés uniquement pour avoir participé à des manifestations pacifiques et ont été condamnés à de lourdes peines allant de huit à 25 ans de prison.
Entre mai et juin 2014, au moins cinq chiites ont été condamnés à mort sur la base de charges forgées de toutes pièces en rapport avec leur militantisme politique. L’un d’entre eux avait 17 ans au moment des faits qu’on lui reproche.