L’homicide en public d’une femme en Afghanistan prouve encore une fois que les autorités ne parviennent toujours pas à lutter contre le niveau particulièrement élevé de violences liées au genre dans le pays, a déclaré Amnesty International mardi 30 avril 2013.
Halima, mère de deux enfants, a été abattue lundi 22 avril par son père devant environ 300 personnes au village de Kookchaheel, dans le district d’Aabkamari (province de Badghis, nord-ouest de l’Afghanistan).
La jeune femme, qui aurait été âgée de 18 à 20 ans, était accusée de s’être enfuie avec un cousin pendant que son mari était en Iran. Son cousin l’a ramenée à ses proches 10 jours après s’être enfui avec elle. On ignore où il se trouve actuellement.
« La violence contre les femmes reste endémique en Afghanistan et les responsables sont très rarement traduits en justice », a expliqué Horia Mosadiq, spécialiste de l’Afghanistan à Amnesty International.
Cet homicide a eu lieu après que trois des dirigeants religieux du village, auprès desquels le père d’Halima était allé demander conseil à propos de la fugue de sa fille et qui seraient liés aux Talibans, ont émis une fatwa (un édit religieux) stipulant que la jeune femme devait être tuée en public.
« Non seulement les femmes sont victimes de violences aux mains de membres de leur famille sous prétexte qu’il faut préserver un prétendu “honneur”, mais en plus elles sont souvent exposées à des violations de leurs droits fondamentaux à la suite de verdicts rendus par des systèmes de justice traditionnels informels », a déclaré Horia Mosadiq. « Ces systèmes doivent être réformés et la police doit empêcher de tels verdicts d’être mis à exécution. »
Le père d’Halima et les trois membres du conseil religieux auteurs de la fatwa seraient entrés dans la clandestinité. La police locale affirme enquêter mais personne n’a été arrêté en lien avec cet homicide.
« Les autorités dans tout l’Afghanistan doivent veiller à ce que les auteurs de violences contre des femmes soient traduits en justice. Les pratiques profondément choquantes qui consistent à soumettre des femmes à des “châtiments” violents, en particulier à les tuer, que ce soit en public ou en privé, doivent cesser », a affirmé Horia Mosadiq.
La Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan a recensé plus de 4 000 cas de violence contre des femmes entre le 21 mars et le 21 octobre 2012, soit une augmentation de 28 % par rapport à la même période de l’année précédente.
La Commission a également critiqué la police afghane de Badghis pour avoir recruté des auteurs présumés de violences de ce type, notamment un commandant taliban et ses 20 hommes, impliqués dans la lapidation de Bibi Sanuber, une veuve de 45 ans mise à mort pour adultère présumé en 2010. « Un mépris aussi flagrant pour les droits des femmes ridiculise la justice », a déclaré Horia Mosadiq.
En août 2009, l’Afghanistan a adopté la loi relative à l’élimination de la violence contre les femmes, qui érige en infractions le mariage forcé, le viol, les passages à tabac et d’autres actes de violence envers des femmes.
« La loi afghane sur l’élimination de la violence contre les femmes est une avancée très positive, mais elle ne sert à rien si elle n’est pas appliquée – ce qui n’est toujours pas le cas », a fait remarquer Horia Mosadiq.
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