10 DÉCEMBRE : LE MONDE A PLUS QUE JAMAIS BESOIN DES DROITS HUMAINS

Luxembourg, le 8 décembre 2015. A l’occasion de la journée internationale des droits humains, Amnesty International Luxembourg appelle les dirigeants européens ainsi que le gouvernement luxembourgeois à protéger les civils des violences perpétrées par des États et des groupes armés en respectant leurs obligations internationales en matière de droits humains. Alors qu’au niveau mondial, le continent européen est souvent cité comme un exemple à suivre dans le domaine des droits humains, Amnesty International dénonce des années de transferts irresponsables d’armes vers l’Irak par des États européens, une partie importante de ces armes étant actuellement aux mains du groupe qui se fait appeler État islamique. Amnesty International s’inquiète également des violations par certains de ces États européens des droits de réfugiés fuyant des conflits violents. En outre, Amnesty International s’inquiète de certaines mesures prises pour lutter contre le terrorisme et menaçant la liberté d’expression. Malgré un tableau sombre, grâce à l’action de centaines de milliers de personnes ordinaires partout dans le monde en 2015, des prisonniers d’opinion ont été libérés, des avancées importantes ont été réalisées en matière d’abolition de la peine de mort et des victimes de violations des droits humains ont réussi à obtenir justice.

" Au début de l’année, lors du lancement du Rapport annuel d’Amnesty International, nous avions déjà présenté un tableau très noir de la situation des droits humains dans le monde en appelant les dirigeants mondiaux à agir vite face aux défis actuels. Malheureusement, en raison de leur inaction, nos sombres prévisions pour 2015 sont en train de se réaliser ", a déclaré David Pereira, Président d’Amnesty International Luxembourg.

L’Europe contribue à l’armement de groupes armés violents

La terreur semée par de groupes armés tels que le groupe armé se désignant sous le nom d’Etat islamique est en train de se répandre sur un vaste territoire en Irak et en Syrie et a même réussi à atteindre le cœur de l’Europe il y a quelques semaines. Aujourd’hui, Amnesty International rend public un nouveau rapport qui démontre comment les transferts d’armes peu réglementés à destination de l’Irak, ainsi que les contrôles poreux sur le terrain, depuis des décennies, ont permis au groupe armé État islamique de se procurer un vaste arsenal qu’il utilise pour commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à grande échelle en Irak et en Syrie.

S’appuyant sur les analyses d’experts de milliers de vidéos et d’images vérifiées, ce document intitulé Les stocks sont pleins – L’armement de l’État islamique dresse la liste des armes qu’utilisent les combattants de l’EI. Ces armements, majoritairement pillés dans les stocks militaires irakiens, ont été fabriqués et conçus dans au moins 25 pays différents, dont la Russie, la Chine, les États-Unis et plusieurs États européens (Albanie, Allemagne, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, République tchèque, France, Hongrie, Italie, Pologne, Roumanie, Royaume Uni, Serbie, Slovaquie).

L’EI a utilisé ces armes pour mener une campagne de terribles violences. Homicides sommaires, viols, actes de torture, enlèvements et prises d’otages – bien souvent perpétrés sous la menace des armes – ont contraint des centaines de milliers de personnes à se déplacer à l’intérieur de leur pays ou à chercher refuge à l’étranger.

Afin de mettre fin à l’armement de l’EI, Amnesty International demande à tous les États d’adopter un embargo total sur les armes destinées aux forces gouvernementales syriennes, ainsi qu’aux groupes armés d’opposition impliqués dans des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et d’autres graves violations des droits humains.

Réfugiés : l’hypocrisie de l’Europe

Alors que selon ce rapport, des armes provenant entre autres de la Hongrie, la République tchèque, la Serbie, la Bulgarie, la Slovaquie et la Croatie sont utilisées par le groupe armé Etat islamique pour commettre des atrocités contre les civils, ces pays européens sont réticents à accueillir et protéger les réfugiés fuyant les violences commises avec ces armes.

" Tant qu’il y aura des violences et la guerre, les gens continueront de venir, et l’Europe doit trouver de meilleurs moyens de les protéger. Les Etats européens qui se trouvent en première ligne doivent réfléchir de toute urgence à la façon dont ils peuvent proposer un accès sûr et légal à l’UE, tant à ses frontières extérieures que dans les pays d’origine et de transit. Cela peut être accompli par le biais d’un recours accru à la réinstallation, au regroupement familial et aux visas humanitaires. " a expliqué Stan Brabant, directeur d’Amnesty International Luxembourg.

" Par ailleurs, utiliser les attentats à Paris comme un argument pour suspendre l’accueil des réfugiés est inacceptable pour nous. N’oublions pas que nombre de ceux qui partent en quête de sécurité fuient les violences, la peur et les conflits, bien souvent imputables à ce même groupe qui se fait appeler État islamique. "

Renforcement des mesures de sécurité en Europe

Suite aux attaques à Paris, Amnesty International observe de nombreux développements à tous les niveaux en matière de lutte contre le terrorisme et notamment une vague de mesures de renforcement de la sécurité partout en Europe. Actuellement, l’organisation est en train de suivre la mise en œuvre des mesures de l’état d’urgence en France et constate déjà un usage disproportionné de la législation.

En France, en application de l’état d’urgence instauré dans tout le pays et à la demande du gouvernement, les préfets peuvent interdire " toute réunion ou manifestation de nature à provoquer ou entretenir le désordre ou de nature à représenter un risque pour les participants " à l’exception des hommages aux victimes des attentats. La mesure annoncée a notamment entraîné l’interdiction de très nombreuses marches prévues en marge de la conférence internationale sur le Climat COP21 du 28 novembre au 30 novembre. Ces restrictions répondent certes à l’objectif légitime de la protection de la sécurité publique mais il est important de s’interroger sur leur nécessité et proportionnalité au regard de la liberté d’expression et de rassemblement. Le caractère systématique des interdictions des manifestations COP21 n’est pas compatible avec l’exigence de respect du droit d’expression de la société civile.

Le 3 décembre dernier, le gouvernement luxembourgeois a également déposé un projet de loi portant adaptation de la législation nationale en matière de terrorisme.

" Nous appelons le Luxembourg à respecter les droits humains dans sa lutte contre le terrorisme. Si l’Etat a l’obligation d’assurer la sécurité de ses citoyens, nous demandons néanmoins que le gouvernement s’assure que les mesures prises le soient en concordance avec les principes fondamentaux et dans le respect du droit international ", a déclaré David Pereira, Président d’Amnesty International Luxembourg.

" Les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le terrorisme ne seront légitimes que si elles sont proportionnelles aux objectifs fixés, si elles sont appliquées de façon non discriminatoires et dans le respect des limites prévues par la loi, " a ajouté David Pereira.

Plus de 40 succès en matière de droits humains en 2015

La Journée internationale des droits humains est également l’occasion de rendre hommage à la mobilisation de centaines de milliers de personnes partout dans le monde grâce à laquelle de nombreuses avancées en matière de droits humains ont été réalisées en 2015. Parmi les évènements les plus importants, on peut citer l’abolition de la peine de mort dans 4 États (le Madagascar, le Fiji, le Suriname et la Mongolie), la décision historique d’une cour britannique ordonnant à Shell de payer une indemnisation aux victimes des fuites de pétrole dans le delta du Niger, ainsi que l’amélioration de la situation de nombreuses victimes de torture grâce aux actions menées dans le cadre de la campagne STOP TORTURE.

" Même si les temps sont très difficiles pour les défenseurs des droits humains, nous avons tout de même réussi à progresser dans de nombreux pays. C’est pourquoi il faut garder espoir et continuer à faire avancer les droits humains, " a conclu David Pereira.

Amnesty International Luxembourg invite le public du Grand-duché à se joindre à sa traditionnelle marche aux flambeaux le 10 décembre afin de célébrer ensemble cette journée symbolique et rendre hommage aux jeunes victimes de violations des droits humains partout dans le monde. Le lieu de rendez-vous est donné devant le Cercle Cité à la place d’Armes, en ville, à 18h15. La marche se terminera au Konrad Café au 7, rue du Nord avec une soirée d’écriture de lettres en soutien à 5 jeunes victimes de violations des droits humains.