Fin juillet 2021, le Projet Pegasus a dévoilé un scandale de surveillance numérique ciblée mondiale. Grace à cette enquête menée par le réseau de journalistes Forbidden Stories avec le soutien technique d’Amnesty International, nous avons découvert l’ampleur de la surveillance illégale orchestrée par certains États : 50 000 téléphones potentiellement visés par le logiciel Pegasus, 11 pays ciblant notamment des journalistes ou des défenseur·e·s des droits humains et au moins 180 journalistes victimes de surveillance ciblée.

Le logiciel Pegasus est vendu par la société israélienne NSO Group. Cet outil est théoriquement prévu pour la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, mais il est détourné pour espionner la société civile. Parmi les clients de NSO Group figurent des États comme l’Arabie saoudite, la Hongrie, le Mexique ou encore le Maroc, dont les bilans en matière de droits humains sont extrêmement préoccupants.

LES AFFAIRES RÉVÉLÉES

Ce n’est pas la première fois que nous enquêtons sur les activités de NSO Group.

Dans le cadre du projet Pegasus, certaines personnes prises pour cible par cette pratique malveillante ont partagé leur histoire sur la plateforme Digital Violence, créée par Forensic Architecture avec le soutien de Citizen Lab et Amnesty International. Voici ci-dessous quelques extraits.

© 2015-Secretaria-de-Cultura-GDF

Carmen Aristegui est rédactrice en chef à Aristegui Noticias, un journal mexicain qui expose des affaires de corruption et de crimes d’État. En 2015, son téléphone a été visé par des attaques du logiciel espion Pegasus. Peu après, le ciblage s’est répandu au sein de son réseau. Ses collègues, son fils et des journalistes d’investigation de son entourage ont été visés. Ces piratages ont eu lieu un mois après que l’équipe du journal a eu révélé une affaire de corruption concernant le président.

« Savoir qu’un enfant qui ne fait que vivre sa vie et aller à l’école, puisse être surveillé par le gouvernement nous en dit beaucoup sur le niveau d’abus qu’un État peut détenir ».

© Elina Kansikas for Index on Censorship

Maati Monjib est un historien marocain, défenseur des droits humains et président du Comité de Protection de la Liberté de Presse et d’Expression au Maroc. En 2019, des analyses d’Amnesty ont montré que le gouvernement marocain utilisait la technologie du groupe NSO pour l’espionner électroniquement.

A cause de la pression de cette surveillance numérique, Maati était terrorisé : « Les autorités savaient tout ce que j’avais dit, tout ce que j’avais fait, je savais que j’étais en réel danger ».  Maati est aussi inquiet pour sa famille, il pense que les informations obtenues mettent sa fille en danger, le gouvernement a notamment dévoilé publiquement l’adresse de l’endroit où elle vit. « Parfois, j’ai l’envie de quitter le Maroc mais même en dehors du Maroc, ils me suivront ».

© Marieke Wijntjes. Amnesty International

Yahya Assiri est exilé au Royaume-Uni et directeur d’ALQST, une organisation de défense des droits humains en Arabie saoudite. En 2017, un mois après l’achat de Pegasus par l’Arabie saoudite, le prince Mohammed ben Salmane a lancé une campagne de répression contre les dissident·e·s des droits humains.

Les appareils mobiles de Yahya ont été infectés et de nombreux défenseur·e·s des droits humains qui étaient en contact avec lui ont été arrêté·e·s en Arabie saoudite.

Yahya ne se laisse pas abattre : « C’est très important de se rendre compte que ce que l’on fait est extrêmement dangereux, nous sommes obligés de prendre des risques pour faire notre travail. Nous devons relever ce défi, sinon les autorités continueront de violer les droits humains sans que personne ne s’y oppose ».


Empêchez que d’autres défenseur·e·s des droits humains ne subissent le même sort que Carmen, Maati et Yahya

Les attaques numériques contre les défenseur·e·s des droits humains, journalistes et citoyen·ne·s augmentent. Les révélations du Projet Pegasus en sont un exemple flagrant. Il est temps de mettre fin à cette surveillance illégale ciblée !

NSO GROUP, UNE ENTREPRISE ISRAÉLIENNE TRÈS OPAQUE

Le business de la surveillance numérique est en plein essor. Parmi les acteurs phares de ce secteur, très discret mais extrêmement rentable, une société israélienne : NSO Group. 

Fondée en 2010, NSO Group est aujourd’hui un acteur majeur de l’industrie opaque de la surveillance. Elle est à l’origine d’attaques numériques dans au moins 45 pays, selon Citizen Lab. La société NSO affirme que ses logiciels de pointe sont destinés à aider les États à lutter contre le terrorisme ou la cybercriminalité. En réalité, on constate de graves abus : NSO vend ses logiciels à des États qui cherchent à espionner les dissident·e·s et les journalistes.  

Une partie de la structure de la compagnie NSO se trouve au Luxembourg. La complexité de la structure NSO ainsi que le manque de transparence du groupe rendent très difficile de préciser le rôle de ces entités.

NOTRE APPEL À UN MORATOIRE

La cybersurveillance secrète contribue à de graves violations des droits humains. Pour empêcher que ces violations perdurent, il est urgent que ce secteur soit contrôlé de manière adéquate.

Nous appelons à un moratoire mondial sur l’exportation, la vente, le transfert et l’utilisation des technologies de surveillance et cela, jusqu’à ce que soit mis en place un cadre réglementaire conforme aux droits humains. 


Demandez la fin de la surveillance ciblée des défenseur·e·s des droits humains