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Égypte. Il faut libérer les prisonniers d’opinion et d’autres prisonniers exposés au risque de propagation du coronavirus

Dans le contexte des craintes croissantes concernant la propagation du coronavirus (COVID-19) dans les prisons surpeuplées d’Égypte, les autorités doivent libérer immédiatement et sans condition tous les militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains détenus pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions, a déclaré Amnesty International le 20 mars 2020.   Elles doivent aussi envisager de libérer les personnes placées en détention avant leur procès et celles qui sont particulièrement vulnérables à la maladie, notamment celles qui souffrent de pathologies sous-jacentes ou sont âgées, en vue de réduire la population carcérale et de prévenir la propagation. Une autre option consiste à adopter des mesures non privatives de liberté pour les personnes accusées d’infractions non violentes.   « Le risque que le COVID-19 se propage dans les prisons doit inciter les autorités égyptiennes à s’acquitter de leurs obligations internationales et à libérer les milliers de militant·e·s, de défenseur·e·s des droits humains, de journalistes et de détracteurs pacifiques détenus pour avoir exprimé leurs opinions ou manifesté pacifiquement. Ces personnes n’auraient jamais dû être incarcérées au départ, a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.   « De nombreux éléments viennent étayer le fait que les prisons égyptiennes sont surpeuplées, manquent de soins médicaux et présentent de piètres conditions d’hygiène et sanitaires. Aussi les autorités doivent-elles envisager de libérer les détenus placés en détention provisoire et les détenus particulièrement vulnérables à la maladie, notamment ceux qui souffrent de pathologies sous-jacentes et ceux qui sont âgés. Elles sont tenues de veiller à ce que toutes les personnes en détention bénéficient de soins médicaux adéquats. »   Des groupes de campagne au niveau national, comme Free Zyad Elelaimy et Free Ramy Shaath, réclament la libération des personnes placées en détention provisoire avant leur procès, incarcérées pour des infractions non violentes ou souffrant de problèmes de santé.   Selon le  Comité international de la Croix-Rouge, les populations carcérales sont particulièrement exposées aux maladies infectieuses comme le COVID-19 et les conditions de détention peuvent exacerber les risques, notamment un risque accru de transmission de maladies, particulièrement dans les prisons où la surpopulation est forte et où les services de santé disponibles sont moins développés que ceux qui existent à l’extérieur. Amnesty International a déjà dénoncé les conditions de détention inhumaines dans plusieurs prisons égyptiennes, notamment le manque de soins médicaux adaptés.   Le 18 mars, quatre femmes – Laila Soueif, Ahdaf Soueif, Mona Seif et Rabab el Mahdi – ont été arrêtées par les  services de sécurité devant le siège du gouvernement au Caire. Elles ont été accusées d’« incitation à manifester », de « diffusion de fausses informations » et de « possession de documents diffusant de fausses informations ». Le procureur a ensuite ordonné leur remise en liberté dans l’attente des conclusions de l’enquête contre une caution de 5 000 livres égyptiennes (environ 295 euros). Bien qu’elles aient versé la caution ce même jour, elles ont été maintenues en détention jusqu’au lendemain, sans aucun fondement juridique. Le 19 mars, Laila Soueif a été transférée dans les locaux du service du procureur général de la sûreté de l’État, au Nouveau Caire, où un procureur a ordonné sa libération contre une caution de 3 000 livres égyptiennes (environ 175 euros). Les quatre femmes ont ensuite été libérées dans la soirée.   Le même jour, le bureau du procureur général de la sûreté de l’État a ordonné la libération de 15 responsables politiques et militants qui étaient détenus arbitrairement depuis des mois.   Ces six dernières années, des milliers de personnes ont été arbitrairement placées en détention provisoire pendant de longues périodes, qui excèdent bien souvent la limite légale fixée à deux ans par le droit égyptien. Dans un récent rapport sur le bureau du procureur général de la sûreté de l’État, Amnesty International a révélé que la détention provisoire a remplacé la détention administrative et sert à enfermer des milliers d’opposants et de détracteurs.   Aux termes du droit international relatif aux droits humains, la détention provisoire doit avoir un caractère exceptionnel et n’être utilisée qu’en dernier recours, lorsqu’il existe un risque important de fuite, de préjudice pour autrui ou d’ingérence dans les éléments de preuve ou dans l’enquête, qui ne peut être réduit par d’autres moyens. La présomption de libération dans l’attente du procès se fonde sur la présomption d’innocence, inscrite dans le droit international et reconnue par la Constitution égyptienne.