Les réformes du Pacte européen sur la migration et l’asile convenues le 20 décembre 2023 par l’Union européenne (UE) entraineront une régression de la législation européenne relative à l’asile dans les décennies à venir et accroîtront les souffrances humaines, a déclaré Amnesty International.
L’accord politique conclu le 20 décembre sur un ensemble de propositions législatives réformera la politique européenne en matière de migration et d’asile par un ensemble de réglementations régissant la réponse des États à l’arrivée de personnes en Europe. Il semble que l’accord conclu le 18 décembre 2023 par la Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen restreindra les droits des personnes en mouvement.
« Cet accord entrainera une régression de la législation européenne relative à l’asile dans les décennies à venir. Il aura pour conséquence probable des souffrances accrues à chaque étape du parcours des personnes cherchant à obtenir l’asile au sein de l’UE. Du traitement qui leur est réservé dans les pays en dehors de l’UE, à leur accès à l’asile et à une assistance juridique aux frontières de l’UE, et jusqu’à leur accueil au sein de l’UE, cet accord est conçu pour entraver davantage l’accès de ces personnes à la sécurité », a déclaré Eve Geddie, directrice du Bureau d’Amnesty International auprès des institutions européennes.
« Le Pacte entrainera certainement une augmentation du nombre de personnes, dont des familles avec enfants et des personnes en situation de vulnérabilité, placées en détention de fait aux frontières de l’UE. Les protections pour les personnes cherchant à obtenir l’asile au sein de l’UE seront réduites et de plus nombreuses personnes transiteront par des procédures d’asile à la frontière de second ordre au lieu de bénéficier d’une évaluation juste et complète de leur demande d’asile. »
« Le Pacte sur la migration ne prévoit en outre pas de soutien concret aux pays de première entrée dans l’UE de ces personnes, notamment l’Italie, l’Espagne ou la Grèce. Au lieu de donner la priorité à la solidarité par des réinstallations et un renforcement des systèmes de protection, les États pourront simplement payer pour renforcer leurs frontières extérieures ou financer des pays hors de l’UE pour qu’ils empêchent les personnes d’atteindre l’Europe. »
L’accord conclu permet également aux États d’être exemptés d’un large éventail de réglementations européennes en matière d’asile en période de hausse soudaine des arrivées, ainsi que dans les cas d’« instrumentalisation » des migrant·e·s ou de « force majeure ». Ces exemptions risquent, dans les faits, d’être contraires aux obligations internationales au regard du droit international relatif aux personnes réfugiées et aux droits humains. Elles empêchent d’apporter une réponse commune et humaine aux personnes ayant besoin d’une protection, font encourir à ces personnes le risque de subir de graves violations des droits humains, et risquent de normaliser les mesures d’urgence disproportionnées aux frontières européennes, ce qui créerait un dangereux précédent pour le droit d’asile dans le monde entier.
Parallèlement, cet accord renforce la dépendance de l’UE vis-à-vis d’États au-delà de ses frontières pour la gestion de la migration, s’appuyant sur de récents accords avec l’Albanie, la Libye, la Tunisie et la Turquie. Au lieu d’investir dans un accueil digne au sein de l’UE et d’élargir les voies sûres et légales pour permettre aux personnes d’obtenir une protection en Europe sans recourir à des parcours dangereux, cet accord constitue un pas de plus vers l’externalisation du contrôle des frontières et un moyen pour l’Europe de se soustraire à ses responsabilités en matière de protection des personnes réfugiées.
« Amnesty International appelle depuis longtemps les institutions européennes et les États membres de l’UE à placer les droits humains au cœur de leurs négociations sur les réformes relatives à l’asile dans l’UE. Cependant, après des années de négociations complexes, l’UE risque maintenant de s’engager les yeux fermés dans un système ayant encore plus besoin d’être réformé que le système actuel. »
« Le Pacte ne résoudra pas les problèmes urgents qui frappent les systèmes d’asile au sein de l’UE, notamment le manque d’investissement dans les systèmes d’asile et d’accueil, les renvois forcés illégaux et souvent violents, les politiques privant des personnes du droit d’asile et l’impunité aux frontières de l’UE. Sans engagement réitéré à appliquer la législation européenne et à assurer l’obligation de rendre des comptes pour les renvois forcés illégaux et d’autres atteintes aux droits humains, le Pacte ne permettra pas de renforcer les protections des personnes demandeuses d’asile en Europe ou d’améliorer la réponse commune de l’Europe à la migration. Nous continuons d’appeler l’UE à réagir à ces atteintes aux droits humains largement attestées et à prendre des mesures pour assurer une réponse respectueuse des droits humains, durable et dotée de moyens suffisants pour les personnes se présentant aux frontières de l’UE. »
Complément d’information
Le 20 décembre 2023, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne sont parvenus à un accord politique sur plusieurs dossiers clés du Nouveau Pacte sur la migration et l’asile, notamment le règlement sur les procédures d’asile, le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, le règlement sur le filtrage, le règlement régissant les situations de crise migratoire et les cas de force majeure et le règlement Eurodac.
Cependant, les négociations se poursuivront au niveau technique jusqu’à février 2024, une adoption officielle étant attendue avant les élections parlementaires européennes de juin 2024.