Ukraine. Des civils tués lors de frappes menées sans discernement sur la ville de Soumy.

  • Au moins sept civils ont été tués et des dizaines d’autres blessés lors d’une frappe le 3 juin
  • Les attaques utilisant des roquettes Grad non guidées doivent faire l’objet d’une enquête pour crimes de guerre
  • « Il ne faut pas utiliser d’armes imprécises par nature contre des zones civiles » – Brian Castner

Les civils de la ville de Soumy, en Ukraine, subissent de plus en plus d’attaques illégales tandis que l’armée russe multiplie les frappes dans la région, a déclaré Amnesty International mardi 24 juin.

Au début du mois à Soumy, les forces russes ont tiré des roquettes Grad de 122 mm non guidées à partir d’un système de lancement de roquettes multiples, tuant au moins sept civils et en blessant des dizaines d’autres. Ces munitions non guidées sont par nature imprécises et ont un large rayon d’impact. Elles ne devraient donc jamais être utilisées dans des zones peuplées de civils.

Environ 200 000 personnes résident dans le centre-ville de Soumy, situé à environ 40 kilomètres de la frontière avec la Russie. Il s’agit en grande majorité de civils ayant continué à y vivre depuis le début de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. Ces dernières semaines, la Russie s’est emparée de plusieurs agglomérations dans la région. La ville de Soumy semble désormais à portée de l’artillerie de l’armée russe, tandis que celle-ci tente de gagner de nouveaux territoires.

Les services d’urgence après la frappe sur l’avenue Chevtchenko.

« Nos recherches ont montré que des roquettes Grad ont semé la mort et la destruction dans une zone étendue de la ville de Soumy. Ces attaques aveugles doivent donner lieu à une enquête pour crimes de guerre », a déclaré Brian Castner, responsable de la recherche sur les crises à Amnesty International.

« La poursuite de la guerre d’agression menée par la Russie a dévasté la vie de civils en Ukraine. Il ne faut pas utiliser d’armes imprécises par nature contre des zones civiles.

« Alors que l’armée russe semble multiplier les attaques contre Soumy et d’autres zones en Ukraine, nous demandons une nouvelle fois que le droit international humanitaire soit respecté. Les civils ne sont pas des cibles. »

Il ne faut pas utiliser d’armes imprécises par nature contre des zones civiles

Brian Castner, responsable de la recherche sur les crises à Amnesty International

Amnesty International a recueilli à distance les témoignages de neuf personnes qui étaient présentes lors des frappes à Soumy le 3 juin 2025. L’organisation a également analysé des dizaines de photos, de vidéos et de messages publiés sur les réseaux sociaux, notamment des séquences filmées immédiatement après les frappes et des photos de fragments d’armes confirmant l’utilisation de roquettes Grad de 122 mm. Amnesty International s’est rendue sur cinq des sept lieux d’impact signalés afin de déterminer où et quand une frappe a eu lieu.

Selon des données récentes rendues publiques par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, le nombre de victimes des attaques russes a considérablement augmenté en Ukraine ces derniers mois, en particulier dans les régions les plus proches des lignes de front. Selon les autorités ukrainiennes, les soldats russes effectuent entre 80 et 120 tirs d’obus par jour dans la région administrative de Soumy.

« C’est dangereux partout »

Le 3 juin, au moins cinq roquettes non guidées ont frappé la ville de Soumy vers 9 h 15 du matin. Ces munitions se sont abattues sur des zones civiles densément peuplées, faisant au moins sept mort·e·s et des dizaines de blessé·e·s. Des photos et des témoignages indiquent que ces frappes ont été menées à peu près au même moment et avec la même arme, ce qui suggère qu’elles faisaient partie de la même salve de roquettes Grad.

Les roquettes Grad ne peuvent pas être envoyées avec précision, et les salves tirées par des lance-roquettes multiples tombent souvent à l’intérieur d’une vaste zone. En tant que telles, leur utilisation dans des zones où les civils sont concentrés constitue une attaque aveugle, car ces armes ne font pas la différence entre les cibles militaires d’une part, et les civils et les biens de caractère civil d’autre part. Une attaque sans discernement qui tue ou blesse des civils peut constituer un crime de guerre.

Serhi Korotenko, 63 ans, ingénieur à la retraite, se trouvait dans sa voiture et se rendait au marché local. Il a été tué lorsqu’une munition s’est abattue sur un croisement près de sa voiture sur l’avenue Shevchenko.

Son fils, Andri, se trouvait à son bureau, à environ 400 mètres des lieux, lorsqu’il a entendu des explosions. Il s’est immédiatement rendu sur les lieux de la frappe. Il a décrit ainsi la scène à Amnesty International : « Quand je suis arrivé, il y avait déjà des camions de pompiers et des pompiers, beaucoup de fumée, beaucoup de monde. Il n’y avait plus de fenêtres dans le magasin. C’était la panique totale, nous courions dans tous les sens. »

La zone a été bouclée par les services d’urgence et la police, et des voitures brûlaient près du croisement. Plus tard, lorsqu’Andri a vu des photos du lieu de la frappe sur l’application de messagerie Telegram, il s’est rendu compte que le corps de son père se trouvait au sol, près de l’endroit où la roquette avait frappé.

Des témoins, notamment des professionnel·le·s de la santé, ont déclaré que quatre ou cinq personnes grièvement blessées gisaient au sol après l’explosion. Des dizaines de personnes ont été blessées par des fragments et des éclats de verre à ce croisement où se trouvent des cafés, des pharmacies et des magasins.

Les autorités de Soumy ont fait état de quatre morts le jour de l’attaque. Dans les jours qui ont suivi, une femme de 86 ans et un garçon de 17 ans ont succombé à leurs blessures, portant à six le nombre total de personnes tuées sur l’avenue Chevtchenko.

Olena Choulga, qui vit dans l’immeuble surplombant les lieux, a évité de justesse les deux explosions. Elle a déclaré à Amnesty International : « J’essaie [depuis le début de la guerre] de ne pas me rendre dans des endroits dangereux à des heures dangereuses […] Il s’avère maintenant qu’il n’y a pas d’endroits sûrs, que c’est dangereux partout et que personne ne peut prédire à quel croisement il ou elle va mourir. »

Hôpital et habitations attaqués

Dans la rue Horova, à environ trois kilomètres de l’avenue Chevtchenko, un homme de 35 ans a été tué sur le coup lorsqu’une roquette est tombée à proximité. Quand Amnesty International s’est rendue sur les lieux, des taches de sang et des fragments étaient encore visibles.

Une roquette Grad est également tombée sur une plate-bande fleurie devant un immeuble d’habitation situé dans la rue Metalourhiv, non loin de là, et a criblé de fragments les deux premiers étages. Amnesty International est allée sur place pour constater les dégâts. Svitlana Hovoroun, 72 ans, et son époux ont échappé de peu à des blessures alors qu’ils étaient dans leur appartement. Elle a déclaré : « C’est un hasard que nous soyons encore en vie. »

L’hôpital clinique Numéro Quatre de la ville de Soumy, également situé dans la rue Metalourhiv, a été atteint au même moment. Le directeur de l’hôpital a indiqué à Amnesty International qu’environ 160 patient·e·s étaient hospitalisés ce jour-là. Heureusement, la sirène d’alerte aérienne ayant retenti, les patient·e·s et la plupart des membres du personnel se trouvaient dans l’abri antiatomique de l’hôpital au moment de l’attaque.

Il a déclaré : « C’est de notre unité de soins palliatifs que l’obus est tombé le plus près […] Il s’agit de personnes qui ont besoin de soins jour et nuit, qui ne peuvent pas marcher de façon autonome. »

Un chauffeur, qui déplaçait une ambulance à ce moment-là, a été touché par des fragments et a été blessé à l’avant-bras. Les fenêtres de l’hôpital ont été soufflées, et la façade et le toit du bâtiment ont été endommagés.

En vertu du droit international humanitaire, les hôpitaux et les services médicaux font l’objet d’une protection particulière. Les parties à un conflit armé doivent prendre toutes les précautions possibles pour réduire au maximum les préjudices causés aux patient·e·s, au personnel et aux installations pendant les hostilités.

Complément d’information

Les forces russes commettent des atrocités contre les civils ukrainiens depuis l’occupation de la Crimée en février 2014. Depuis l’invasion à grande échelle [6] de l’Ukraine par la Russie en 2022, qui a entraîné des violations généralisées du droit international humanitaire et relatif aux droits humains, la Cour pénale internationale (CPI) a délivré des mandats d’arrêt contre six hauts responsables russes, dont Vladimir Poutine, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Amnesty International a précédemment recueilli des informations sur des attaques menées sans discernement et des attaques directes contre la population civile, qui doivent faire l’objet d’une enquête pour crimes de guerre à Tchernihiv, Izioum, dans la région de Kiev, à Marioupol et dans toute l’Ukraine.

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