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RDC. Dans l’est du pays, des factions belligérantes commettent des atrocités, notamment des viols collectifs, des exécutions sommaires et des enlèvements

Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu par le Rwanda, et les Wazalendo, une coalition flottante de groupes armés bénéficiant de l’appui de l’armée congolaise, ont infligé des viols collectifs à des femmes et fait subir à des civil·e·s des atteintes aux droits humains généralisées qui bafouent le droit international humanitaire et pourraient s’apparenter à des crimes de guerre, a déclaré Amnesty International dans un nouveau rapport.

Ce rapport, intitulé RDC. « Ils nous ont dit qu’on allait mourir » – Les exactions du M23 et des Wazalendo dans l’est de la RDC, montre que des combattants du M23 se sont livrés à des exécutions sommaires de civil·e·s congolais, ont attaqué des hôpitaux et enlevé des patient·e·s, et ont torturé et fait disparaître de force des membres de la société civile. Par ailleurs, il décrit dans le détail la militarisation croissante dans l’est de la RDC, le M23 ayant pris le contrôle de vastes zones de la région et les Wazalendo ayant reçu de grandes quantités de munitions et d’armes fournies par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).

« La brutalité des parties belligérantes ne connaît aucune limite. Ces atrocités visent à punir, intimider et humilier les civil·e·s, alors que chaque côté tente d’asseoir son contrôle, a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.

« Le Rwanda et la RDC ne peuvent continuer à fuir leurs responsabilités, ils doivent amener tous les auteurs présumés à répondre de leurs actes, ajouté Tigere Chagutah. Il est temps que le président de la RDC, Félix Tshisekedi, honore son engagement à l’égard de la justice et de l’obligation de rendre des comptes et fasse en sorte que les combattants wazalendo qui commettent des crimes soient traduits en justice et que les autres soient démobilisés et réintégrés dans la vie civile. En tant que partie au conflit, le Rwanda doit faire en sorte que tous les membres des Forces rwandaises de défense présents en RDC respectent le droit international humanitaire. »

Amnesty International s’est entretenue avec plus de 53 victimes et témoins, notamment des survivantes de viols collectifs, des victimes d’autres violences, des proches de personnes tuées ou placées en détention en toute illégalité ou victimes de disparitions forcées, des professionnel·le·s de la santé, des membres de la société civile, des défenseur·e·s des droits humains, des avocats, des humanitaires et des journalistes. L’organisation s’est également penchée sur les déclarations officielles du M23, sur des éléments audiovisuels et sur des informations diffusées par la presse locale et internationale ou par d’autres organisations de défense des droits fondamentaux.

Le 18 juillet, Amnesty International a demandé des informations aux FARDC au sujet du comportement de leurs soldats, ainsi qu’à des représentants du M23 à propos d’allégations précises d’atteintes aux droits humains. Au moment de la publication, l’organisation n’avait pas reçu de réponse des FARDC ni du M23.

« Si tu veux pas, on te tue. »

Sur les 14 survivantes de violences sexuelles du Nord-Kivu et du Sud-Kivu avec lesquelles Amnesty International s’est entretenue, huit ont affirmé avoir été violées en réunion par des combattants du M23, cinq par des Wazalendo et une par des soldats des FARDC.

Toutes les victimes de viols collectifs commis par des combattants du M23 ont expliqué que les auteurs des agressions portaient des uniformes ressemblant à ceux du M23 et s’exprimaient en kinyarwanda, langue parlée par certains combattants du M23. Les viols collectifs perpétrés par des combattants du M23 se sont déroulés entre mars et mai 2025, période durant laquelle le M23 contrôlait Goma et Bukavu, dans l’est de la RDC. Cinq victimes ont déclaré avoir subi ces viols par des combattants du M23 sur des sites militaires du M23.

À Bukavu, cinq combattants du M23 ont infligé un viol collectif à Béatrice* dans un camp militaire du M23. « Quand je vois quelqu’un en tenue militaire, je suis traumatisée. Depuis ce jour-là, je ne sors plus. Quand je les vois, ça me fait mal au cœur. J’ai comme des palpitations », a-t-elle déclaré.

Dans les territoires de Rutshuru et de Masisi (province du Nord-Kivu), ainsi que dans le territoire de Kalehe (province du Sud-Kivu), des groupes de Wazalendo ont violé des femmes et des filles. Une femme a été soumise à un viol collectif fin mars 2025. Dans le territoire de Masisi, quatre autres femmes ont été violées par des combattants wazalendo, deux en janvier 2024 et deux en février et avril 2025. Par ailleurs, Amnesty International a recueilli des informations fiables selon lesquelles une jeune femme avait été violée en réunion par des combattants wazalendo à Rutshuru au mois de mars 2025.

Une autre femme était attachée entre deux arbres pendant que six Wazalendo la violaient. « Qu’ils soient punis pour qu’ils ne puissent pas faire la même chose à quelqu’un d’autre », a-t-elle déclaré.

Une autre encore a expliqué avoir été accusée de soutenir le M23 par ses violeurs, des hommes parlant kinyarwanda, vraisemblablement des combattants wazalendo du groupe armé Nyatura, essentiellement composé de Hutu. Ses agresseurs lui auraient dit : « Toutes les femmes qui viennent dans le champ, nous les violerons toujours. »

Une femme a indiqué qu’elle était enceinte lorsque deux soldats des FARDC l’avaient violée à Bukavu en février 2025, avant la chute de la ville, au moment où les FARDC fuyaient. Pendant le viol, sa fille de 14 ans, qui se trouvait dans une chambre, s’est mise à crier. Le soldat a dit : « Si elle ne retourne pas dans la chambre, je vais la tuer. »

Tigere Chagutah a déclaré : « Dans l’est de la RDC, les femmes ne sont en sécurité nulle part : elles sont violées chez elles, dans des champs ou dans les camps où elles cherchent refuge. Il faut que le monde dise “stop”. Toutes les parties belligérantes doivent accorder la priorité à la protection des civil·e·s, notamment des femmes et des filles, qui continuent de payer le plus lourd tribut à ce conflit. »

Atteintes aux droits humains commises par le M23

Des combattants du M23 se sont également livrés à des atteintes aux droits humains contre des membres de la société civile, des journalistes et des avocats. Amnesty International a pu s’entretenir avec 12 acteurs et actrices de la société civile, défenseur·e·s des droits humains et journalistes, qui ont témoigné des actes de torture, des disparitions forcées, des arrestations arbitraires et des menaces dont ils avaient fait l’objet de la part de M23.

Un acteur de la société civile arrêté en mars 2025 a déclaré qu’un combattant du M23 lui avait posé des questions précises au sujet des thèmes qu’il avait abordés par le passé. « C’était comme s’ils savaient tout de nous », a-t-il déclaré. Les combattants du M23 l’ont fouetté les deux nuits de sa détention. « Ils m’ont vraiment roué de coups. Ils avaient des fouets. Ils m’ont frappé aux fesses. Ils m’ont giflé sur les oreilles, ce qui m’a fait saigner du nez. »

En mai, Aloys Bigirumwami, un membre du mouvement de jeunes Lutte pour le changement (LUCHA), et cinq autres personnes ont été emmenés à bord d’un véhicule, et cet homme n’a pas été revu depuis.

Amnesty International dispose d’éléments montrant que le M23 s’est rendu coupable de cinq exécutions sommaires : celles de trois hommes à Goma et celles d’un père et son fils dans le Sud-Kivu. Tous ces hommes ont été abattus ou ont eu la gorge tranchée par des combattants du M23 entre février et mai 2025. Des combattants du M23 ont aussi attaqué des hôpitaux de Goma à six reprises pendant la même période ; ils ont enlevé ou arrêté des patient·e·s et des garde-malades, y compris des soldats des FARDC qui avaient été blessés ou avaient toujours besoin de soins, ou encore qui se cachaient dans l’hôpital.

Le 19 juillet 2025, des représentant·e·s de la RDC et du M23 ont signé à Doha, au Qatar, avec l’aide de cet État, une « déclaration de principes » dans laquelle les deux parties s’engageaient à négocier un accord de paix final devant se situer dans la droite ligne de l’accord de paix conclu à Washington entre la RDC et le Rwanda le 27 juin 2025.

« Alors que les efforts diplomatiques se poursuivent, Amnesty International appelle le Qatar à faire pression sur le M23 pour qu’il cesse de se livrer à des enlèvements et des disparitions forcées. En outre, les États-Unis doivent exhorter l’État congolais à mettre en application un mécanisme de contrôle permettant d’identifier tout combattant de groupe armé et tout membre des forces de sécurité susceptible d’être impliqué dans des violations des droits humains ou atteintes à ces droits », a déclaré Tigere Chagutah.

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