© Ema Anis/ Amnesty International

Pakistan. Les manifestations des familles de personnes disparues se heurtent à des actes d’intimidation, de harcèlement et à des violences

Les autorités pakistanaises doivent mettre un terme à leur répression scandaleuse des manifestations pacifiques de familles cherchant à obtenir justice pour la disparition forcée de leurs proches, a déclaré Amnesty International le 11 août 2022, dans une nouvelle synthèse présentant les atteintes au droit de manifester pacifiquement perpétrées par l’État.

Intitulée Braving the Storm: Enforced Disappearances and the Right to Protest, la synthèse présente le recours de l’État au harcèlement, à l’intimidation et même à la violence en vue de réprimer les manifestations des familles de personnes disparues. De nombreuses familles ont eu recours aux manifestations pacifiques pour faire pression sur les autorités afin qu’elles libèrent leurs proches ou révèlent où ils se trouvent, après avoir épuisé toutes les voies de recours du système judiciaire.

« Les autorités manquent systématiquement à leur devoir envers les familles des personnes disparues, qui sont confrontées à un accès insuffisant à la justice, à l’incompétence de la Commission d’enquête sur les disparitions forcées (COIED) et à l’incapacité des institutions étatiques à amener les responsables de ces agissements à rendre des comptes ou même simplement à leur demander des réponses », a déclaré Dinushika Dissanayake, directrice régionale adjointe pour l’Asie du Sud à Amnesty International.

« Cette injustice est aggravée par le traitement cruel et injuste réservé à ces familles lorsqu’elles manifestent. La répression du droit de manifester pacifiquement doit cesser immédiatement. »

La disparition forcée constitue un crime au regard du droit international et une grave violation de plusieurs droits humains. Cependant, les services de renseignement pakistanais ont régulièrement recours à des disparitions forcées pour prendre pour cible des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s politiques, des étudiant·e·s et des journalistes, et le sort réservé à des centaines de personnes reste inconnu.

Intimidation et arrestations et détentions arbitraires

Gul Naaz, qui fait campagne pour demander le retour de son frère depuis sa disparition de la ville de Mingora en 2009, a déclaré à Amnesty International que la police s’était présentée chez elle, avait interrogé des membres de sa famille et les avait même soumis à des pressions pour leur interdire de manifester.

Une autre personne avec qui Amnesty International s’est entretenue a déclaré que 40 à 50 policiers étaient venus à une manifestation pacifique à Peshawar en 2021 et avaient prévenu les manifestant·e·s que s’ils ne se dispersaient pas immédiatement, la police « leur ferait quelque chose dont ils se souviendraient pour toujours ».

Amina Masood Janjua, qui fait campagne contre les disparitions forcées depuis la disparition de son mari en 2005, a déclaré à Amnesty International qu’elle avait reçu des appels téléphoniques de menaces de numéros inconnus. « J’ai reçu des appels disant “Vos obsèques sont prêtes, vous allez être tuée”. Quand j’ai demandé pourquoi j’allais être tuée, ils ont dit “À cause de vos campagnes” ».

Dans certains cas, les autorités ont même eu recours à des arrestations et des détentions arbitraires pour dissuader les manifestations pacifiques et empêcher des personnes de se rassembler pour exercer leur droit à la liberté de réunion.

Gul Naaz a déclaré que la police avait arrêté des véhicules qui transportaient des manifestant·e·s qui se rendaient à un rassemblement. « Si nous insistions pour y aller malgré tout, ils appelaient des femmes policières qui nous sortaient [des véhicules] et nous empêchaient d’y aller », a-t-elle déclaré à Amnesty International.

L’organisation a aussi recensé des accusations illégales contre des manifestant·e·s pour « blocage de route » ou « infraction à la loi » pour avoir participé à une manifestation pacifique, destinées à les décourager de faire campagne.

Violence

Le 13 juin, la police de la province du Sind a eu recours à une force injustifiée et illégale pour disperser une manifestation pacifique à Karachi rassemblant des proches de personnes disparues et des membres de la société civile qui manifestaient contre la disparition de deux étudiants baloutches, Doda Ellahi Baloch et Ghamshad Baloch.

Fawad Hasan, un journaliste qui couvrait le sit-it, a déclaré à Amnesty International qu’il avait vu la police gifler des manifestantes, frapper des manifestants avec des matraques et des bâtons et frapper une femme enceinte au ventre.

« Les images terrifiantes de la violente répression de la manifestation de la ville de Karachi sont emblématiques de la résistance virulente de l’État à laquelle les familles de personnes disparues se heurtent chaque jour. Les disparitions forcées doivent être un crime, pas les manifestations pacifiques », a déclaré Dinushika Dissanayake.

Les événements décrits à Amnesty International indiquent que la police et les agents des renseignements ont eu recours à une force injustifiée pour disperser les manifestations pacifiques, bafouant le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière. La décision de disperser un rassemblement ne doit être prise qu’en dernier recours et dans le strict respect des principes de nécessité et de proportionnalité. 

« Tous les responsables de l’application des lois doivent respecter et faciliter les rassemblements pacifiques et toutes les allégations d’intimidation par des représentants de l’État doivent faire rapidement l’objet d’une enquête efficace et impartiale », a déclaré Dinushika Dissanayake. « Amnesty International réitère également son appel de longue date exhortant le gouvernement du Pakistan à mettre un terme à la pratique de recours aux disparitions forcées et à les ériger en infraction. Le Pakistan doit également ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. »

* La Commission d’enquête sur les disparitions forcées (COIED) est un organe national chargé du « recensement, des investigations, de l’examen et des enquêtes » sur les cas de disparitions.

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