Myanmar. Quatre ans après le coup d’État, les responsables d’atrocités doivent répondre de leurs actes.

2025 marque une étape cruciale pour l’obligation de rendre des comptes au Myanmar. Bien que l’armée soit toujours au pouvoir, elle perd progressivement du terrain dans de nombreuses régions. Dans ce contexte de changements rapides, tant sur le terrain qu’au niveau politique, il est impératif de renforcer les efforts pour que justice soit rendue et garantir un avenir basé sur le respect des droits humains.

Myanmar : Le mandat d’arrêt de la CPI contre le leader de la junte, une avancée contre l’impunité

Depuis le coup d’État de 2021, la junte militaire birmane a tué plus de 6 000 personnes, emprisonné arbitrairement plus de 20 000 individus, et rétabli les exécutions judiciaires. Près de 3,5 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. Les ONG ont documenté des actes de torture, des mauvais traitements envers les détenus, des attaques indiscriminées et des blocages d’aide humanitaire – des violations graves qui pourraient constituer des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.

Des violences sans précédent contre la communauté rohingya

L’année 2024 a été la plus violente pour la communauté rohingya depuis 2017. De nombreuses victimes, y compris des femmes et des enfants, ont perdu la vie dans des bombardements alors qu’elles étaient piégées entre l’armée birmane et l’Armée d’Arakan, un groupe armé actif dans l’État d’Arakan.

Parallèlement, la junte a connu des pertes de territoire historiques, avec des groupes armés ethniques qui ont pris le contrôle de plusieurs régions, villes et points de passage. Ces groupes sont également accusés de violations des droits humains, bien qu’ils aient exprimé leur volonté de rendre des comptes.

L’année 2024 fut la plus terrible en termes de violences visant la communauté rohingya depuis 2017

Dans les zones contrôlées par ces groupes ou par le gouvernement d’unité nationale (formé par des législateurs et fonctionnaires démocratiquement élus), de nouvelles structures locales voient le jour, telles que des écoles, hôpitaux, bureaux administratifs, et même des tribunaux et des postes de police.

Les organisations signataires appellent toutes les parties au conflit à respecter le droit international humanitaire et à coopérer pleinement avec les mécanismes de justice internationaux, notamment le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar. La pression internationale sur la junte doit être renforcée, avec l’interdiction des livraisons d’armes, la suspension des exportations de carburant d’aviation, et l’appui aux mécanismes judiciaires internationaux. L’ANASE doit dépasser son Consensus en cinq points et adopter des mesures décisives pour contraindre la junte à rendre des comptes.

Des progrès en matière de justice internationale

Des avancées notables en matière de justice internationale se dessinent. En novembre 2024, le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé un mandat d’arrêt à l’encontre du général Min Aung Hlaing, chef de la junte militaire, pour les crimes contre l’humanité commis à l’encontre des Rohingyas entre 2017 et 2018, notamment l’expulsion et la persécution. D’autres mandats sont attendus à l’encontre de hauts responsables militaires.

Bien que ce mandat soit un pas en avant, il est limité en termes de portée et de période, ne couvrant que les événements survenus avant 2021. Le procureur de la CPI doit poursuivre ses investigations sur les crimes commis après le coup d’État, pour garantir que l’ensemble des victimes obtiennent justice. Le Conseil de sécurité des Nations unies et les États membres de la CPI doivent saisir la Cour de l’ensemble de la situation au Myanmar, afin d’assurer une réponse judiciaire complète.

Une pression renforcée pour rompre le cycle d’impunité

Les États, donateurs et institutions internationales doivent soutenir des actions variées pour faire face à l’impunité au Myanmar, y compris la mise en place de mécanismes de justice hybride et l’application de la compétence universelle. Un embargo mondial sur les armes et la suspension des exportations de kérosène sont des mesures indispensables pour contraindre la junte. La communauté internationale doit également dialoguer avec toutes les parties prenantes, y compris la société civile et les populations affectées.

La communauté internationale doit imposer un embargo mondial sur les armes, suspendre les exportations de kérosène et dialoguer avec tous les acteurs nationaux concernés

La résolution du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, adoptée en avril 2024, appelle à une coopération renforcée entre le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar et les procédures judiciaires à venir, qu’elles soient nationales ou internationales. Elle insiste sur la nécessité d’un rapport détaillant les actions nécessaires pour répondre aux aspirations du peuple birman en matière de droits humains, de justice, et de gouvernance démocratique.

Un moment clé pour le Myanmar

Le Myanmar sera au cœur des discussions lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. C’est une occasion décisive pour les États membres de l’ONU d’adopter des résolutions audacieuses et novatrices pour briser le cycle d’impunité qui prévaut. La communauté internationale doit également donner davantage de visibilité aux voix des victimes et des militants qui résistent quotidiennement à l’oppression, souvent au prix de sacrifices personnels majeurs.

La crise des droits humains au Myanmar ne débute pas avec le coup d’État de 2021, mais s’inscrit dans un contexte de répression qui dure depuis des décennies. Pour mettre fin à l’impunité, des solutions audacieuses et un engagement politique à long terme sont nécessaires. Le temps d’agir est venu.