Les États doivent de toute urgence mettre en œuvre une action climatique ambitieuse en planifiant une transition juste vers l’abandon progressif des combustibles fossiles dans tous les secteurs, afin d’éviter des atteintes aux droits humains encore plus graves de par le monde, écrit Amnesty International dans une nouvelle synthèse publiée à l’occasion de l’ouverture de la Conférence de Bonn sur les changements climatiques, qui se tient du 16 au 26 juin 2025.
Malgré les défis que pose le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, la multiplication des pratiques autoritaires dans le monde et les dégâts croissants causés à l’environnement du fait de l’escalade des conflits armés dans le territoire palestinien occupé, au Soudan et en Ukraine, entre autres, il n’est pas trop tard pour trouver un terrain d’entente et consolider l’ambition climatique pour la planète et les droits des générations actuelles et futures.
En 2024, pour la première fois, le monde a franchi le seuil de 1,5° C de réchauffement planétaire par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle. Au cours de l’année la plus chaude jamais recensée, des incendies de forêt ont ravagé l’Amérique latine, l’ouragan atlantique de catégorie 5 le plus précoce jamais enregistré a frappé les Caraïbes, tandis que certaines régions d’Europe centrale étaient inondées par l’équivalent de trois mois de pluie en cinq jours, dans un contexte d’aggravation de l’urgence climatique, sous l’effet de l’activité humaine et de la combustion des énergies fossiles.
« Les terribles préjudices pour les droits humains résultant du changement climatique ne cesseront de s’amplifier si le réchauffement planétaire n’est pas maîtrisé. De plus en plus de gens seront plongés dans la pauvreté, perdront leur logement ou souffriront des effets de la sécheresse et de l’insécurité alimentaire. Face à la crise climatique qui s’aggrave, les mesures prises par les gouvernements pour limiter la production et l’utilisation des combustibles fossiles s’avèrent tout à fait insuffisantes, a déclaré Ann Harrison, conseillère pour la Justice climatique à Amnesty International.
« Les gouvernements sont sous la coupe des entreprises de combustibles fossiles qui cherchent à minimiser les effets néfastes sur le climat et à discréditer la science du climat. Ils continuent de leur accorder des subventions, encourageant ainsi le maintien de cette industrie. Chacun a le droit de vivre dans un environnement propre, sain et durable ; pourtant, à mesure que la crise climatique s’intensifie, ce droit, et d’autres, sont de plus en plus menacés. »
Partout dans le monde, des catastrophes non naturelles exacerbées par le changement climatique, telles que les fortes sécheresses et les graves inondations, endommagent les récoltes et provoquent des pénuries de nourriture et d’eau, alimentant ainsi les déplacements, les migrations et les conflits.
Protéger les personnes sur le terrain et les écouter
Les populations marginalisées en première ligne et dans le premier cercle qui utilisent le moins les combustibles fossiles subissent certains des pires impacts du changement climatique. Il s’agit notamment des paysans pratiquant une agriculture de subsistance, des peuples indigènes et des habitants des États insulaires de faible altitude, menacés par l’élévation du niveau des océans et les tempêtes ravageuses, ou vivant à proximité des sites de production et de transport de combustibles fossiles.
Le Pakistan, qui contribue à moins de 1 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre, est l’un des pays les plus exposés aux catastrophes climatiques. Dans un rapport publié le mois dernier, Amnesty International a révélé que les inondations et les vagues de chaleur de plus en plus fréquentes entraînent des décès évitables, en particulier chez les jeunes enfants et les personnes âgées.
Malgré l’urgence de la crise climatique, ceux qui demandent aux autorités d’agir sont harcelés, stigmatisés, attaqués et criminalisés. Partout dans le monde, des défenseur·e·s de l’environnement luttent pour leur droit à la terre et le droit de leurs communautés à un environnement sain au péril de leur vie et de leur liberté, à l’instar des Guerriers de l’Amazonie en Équateur.
La conférence est l’occasion de mettre en lumière la situation en Azerbaïdjan, pays hôte de la COP29, où le défenseur des droits environnementaux Anar Mammadli et la journaliste Nargiz Absalamova, auteurs de reportages sur les questions environnementales, sont toujours derrière les barreaux. D’autres journalistes ayant rendu compte de la situation des droits humains, y compris pendant la COP29, ont été arrêtés par la suite dans le cadre de représailles manifestes. Le Brésil, qui accueillera la COP30, est l’un des pays les plus dangereux pour les défenseur·e·s de l’environnement, victimes d’assassinats, de violences, de menaces et de stigmatisation en raison de leur travail.
« Il est important d’intégrer les voix, les opinions, les connaissances et la sagesse des peuples autochtones, des communautés en première ligne et des défenseur·e·s des droits humains dans les politiques, les plans et les actions en matière de climat, a déclaré Ann Harrison.
« Une fois de plus, des informations font état de badges restreints et de problèmes de visa pour les personnes de la majorité mondiale souhaitant assister à la Conférence de Bonn. En outre, les accords avec les pays hôtes des COP – un outil clé qui doit être renforcé pour garantir la liberté d’expression et de réunion pacifique des participant·e·s – ne sont pas disponibles publiquement de manière courante. »
Il faut s’occuper du financement de l’action climatique
Amnesty International demande également aux États de s’attaquer au financement de l’action climatique. Aujourd’hui, les pays à faible revenu versent davantage pour rembourser la dette qu’ils ne reçoivent pour financer l’action climatique de la part des pays à revenu élevé.
Les pays à revenu élevé, historiquement gros émetteurs de gaz à effet de serre et principaux responsables du changement climatique, esquivent leurs obligations de doter les pays à faible revenu de financements destinés à réduire les émissions et à aider les populations à s’adapter au changement climatique, et d’accorder des réparations pour les pertes et préjudices, ce qui pourrait alléger le fardeau des pays impactés par le changement climatique.
« Taxer les entreprises de combustibles fossiles, les bénéfices exceptionnels des entreprises et les grandes fortunes, cesser de subventionner et d’investir dans les combustibles fossiles, et mettre fin aux fraudes fiscales à l’échelle mondiale, pourrait rapporter plus de 3 000 milliards de dollars par an, ce qui permettrait de couvrir en grande partie le côut de la lutte contre le changement climatique », a déclaré Ann Harrison.
De grands changements sont nécessaires
La Conférence de Bonn sur les changements climatiques est un moment clé pour préparer la conférence annuelle des Nations unies sur le climat, la « COP30 », qui se tiendra plus tard dans l’année au Brésil – pays désireux de se faire le champion de la protection de l’environnement au niveau mondial. Pourtant, en interne, certaines de ses institutions prennent des mesures contraires à ce programme, notamment en allégeant les critères d’autorisation pour des projets destructeurs d’un point de vue environnemental et en augmentant la production de combustibles fossiles.
« Si l’on veut prendre le changement climatique au sérieux et maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5° C par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle, il faut accomplir des progrès concrets, selon un calendrier précis, vers une hausse massive du financement de la lutte contre le changement climatique ; ce financement doit être fondé sur les besoins, en particulier en matière d’adaptation et de pertes et préjudices, sous la forme de subventions et non de prêts, et les principaux responsables des émissions doivent être les premiers contributeurs », a déclaré Ann Harrison.
Amnesty International invite les États à s’engager à l’abandon progressif des énergies fossiles de manière totale, rapide, équitable et dotée de financements dans tous les secteurs par le biais de transitions justes, sans s’appuyer sur des technologies risquées et n’ayant pas été mises à l’épreuve, ni sur des compensations qui n’aboutissent pas à de véritables baisses des émissions. Enfin, elle demande des débats inclusifs sur le changement climatique, impliquant les personnes les plus touchées par ce phénomène, bénéficiant d’une vraie place dans ces négociations de haut niveau, sans discrimination.