« On ne torture pas pour faire parler mais pour faire taire ».
« Le but de la torture est de nous faire taire tous, pas seulement ceux qui sont torturés, mais nous tous, que la torture effraie au point de nous rendre passifs »(Dr. Inge Genefke, Centre International de réhabilitation des victimes de la torture).
Dans la réalité, le plus souvent, les victimes ne sont pas torturées à des fins de renseignement, mais pour les punir, pour les faire taire ou encore pour leur extorquer de faux aveux et ainsi les condamner à l’issue d’un procès inéquitable. Dans la réalité, ces victimes ne sont en général pas de présumés « terroristes », mais des suspects ou des prisonniers de droit commun, des opposants politiques, des intellectuels, des marginaux…
Depuis 2001, les Etats-Unis mènent un programme de détention secrète et d’interrogatoire, géré principalement par la CIA. Dans le cadre de ce programme, des violations des droits humains ont été commises, dont des crimes relevant du droit international, comme la torture et les disparitions forcées. Les informations sur les lieux où elles ont été détenues et la manière dont elles ont été traitées demeurent ultrasecrètes. Parmi les techniques d’interrogatoires on peut citer le « waterboarding » ou simulacre de noyade, la nudité forcée, le maintien dans des positions pénibles, l’aspersion avec de l’eau froide, la privation de nourriture solide et l’enfermement dans de petits espaces confinés sans lumières. Le décret « Garantir la légalité des interrogatoires » signé par le président Barack Obama, le 22 janvier 2009 est un pas important vers l’arrêt de ce programme et des violations qui y sont associées. Il annule le décret du président George W. Bush. Cependant la situation reste préoccupante à plusieurs égards. Le décret laisse à la CIA la possibilité de détenir des personnes « de manière brève et transitoire » et autorise également des techniques comme la privation de sommeil et l’isolement. Par ailleurs, si le décret fait bien référence à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, il ne mentionne pas le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni aucune autre norme relative aux droits humains. Il est important de noter que le nouveau gouvernement reconnaît que l’approche de ses prédécesseurs était intolérable. Cependant ces changements encourageants ne doivent pas faire oublier que plus de 240 hommes restent illégalement détenus à Guantanamo, que des centaines d’autres dépérissent en détention aux mains des autorités américaines en Afghanistan sans pouvoir contester la légalité de leur détention, et que les Etats-Unis continuent de se réserver le droit d’avoir recours aux « restitutions » et d’autoriser la CIA à détenir provisoirement des personnes pour de courtes périodes. Ces évolutions ne peuvent pas non plus masquer le fait que le gouvernement américain continue d’invoquer le spectre d’une « guerre » et qu’il semble revendiquer le droit de détenir des personnes dans le cadre de cette « guerre ». Les gestes symboliques et les demi-mesures ne suffisent pas.
Dans la réalité, c’est bien au delà de « la guerre contre le terrorisme » que la torture est pratiquée tous les jours. Dans la réalité, on ne torture pas un unique individu pour obtenir des renseignements. Dans la réalité, on torture – souvent systématiquement – les membres d’une communauté afin de semer la terreur dans cette communauté et progressivement, de la réduire au silence. Lorsqu’un Etat a recours à la torture, non seulement il transgresse un interdit absolu et impératif du droit international, mais surtout il trahit la confiance que chaque citoyen est censé pouvoir placer en lui.
A l’occasion de la Journée mondiale du soutien aux victimes de la torture du 26 Juin 2009, Amnesty International Luxembourg tiendra un stand sur la place Piquet afin d’attirer l’attention de l’opinion publique sur l’utilisation de la torture et des détentions secrètes. Par définition, les lieux où se pratique la torture sont des lieux secrets, invisibles, des « sites noirs », des lieux en dehors du droit commun. Le contraire de l’Etat de Droit. C’est ainsi que la section luxembourgeoise proposera au public de participer à une action carte postale (action suivie par d’autres sections d’Amnesty International dans le monde), destinée au premier ministre polonais Donald Tusk afin de favoriser une enquête transparente sur l’existence d’un « site noir » de la CIA en Pologne. En mars 2008, les services du procureur de Varsovie ont ouvert une enquête sur des allégations déjà anciennes selon lesquelles la Pologne a accueilli entre 2003 et 2005 un centre de détention secret dirigé par l’Agence centrale du renseignement (CIA) des États-Unis. Des personnes détenues clandestinement par la CIA ont été victimes d’actes de torture et de disparition forcée, et si l’enquête prouve l’existence d’un « site noir » de la CIA en Pologne, il est possible que des représentants des autorités polonaises soient impliqués dans certains de ces crimes. En juin 2008, l’enquête a été confiée au parquet général et est devenue prioritaire. Par cette action Amnesty International veut inciter le gouvernement polonais à veiller à ce que l’enquête du ministère public soit rigoureuse, indépendante et transparente.