Réagissant à la décision rendue vendredi 1er août par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), selon laquelle les règles suivies par l’Italie afin de désigner certains pays d’origine comme « sûrs » pour les personnes en quête d’asile sont incompatibles avec le droit européen, Adriana Tidona, spécialiste des questions migratoires à Amnesty International, a déclaré :
« La décision importante rendue vendredi 1er août compromet l’accord migratoire dangereux conclu entre l’Italie et l’Albanie, visant à transférer le traitement des demandes d’asile vers des camps situés en Albanie. La Cour a estimé que la désignation d’un pays comme sûr doit prévoir la possibilité d’un véritable réexamen judiciaire transparent, et s’appuyer sur des sources d’information accessibles, ce que l’Italie ne garantit pas actuellement. Si l’Italie ne respecte pas cette décision dans sa législation et dans la pratique, les transferts vers l’Albanie fondés sur le concept de « pays d’origine sûr » ne seraient pas conformes au droit européen.
« La décision de la CJUE est un avertissement bienvenu pour les États membres de l’UE qui cherchent à renforcer le contrôle des migrations au détriment des droits des migrant·e·s et des réfugié·e·s. Elle établit des garanties essentielles en faveur des personnes effectuant une demande d’asile, qui devraient servir de référence non seulement pour l’Italie, mais aussi pour la mise en œuvre du Pacte européen sur la migration et l’asile.
« Indépendamment de cette évolution positive, nous devons garder à l’esprit que l’accord entre l’Italie et l’Albanie dans son ensemble bafoue les obligations de l’Italie en vertu du droit italien, international et européen. Il repose essentiellement sur la détention automatique, qui est arbitraire et illégale au regard du droit international. La décision rendue le 1er août ne fait que renforcer notre appel visant à inciter la Commission européenne à procéder à une analyse juridique approfondie de la conformité de cet accord au droit européen. »
Complément d’information
L’affaire portée devant la CJUE concernait des demandeurs d’asile bangladais qui avaient été transférés en 2024 au centre de détention de Gjadër, en Albanie, en vertu du protocole en vigueur. Leurs demandes d’asile ont ensuite été rejetées car il a été considéré, conformément à la législation italienne, qu’ils venaient d’un « pays d’origine sûr », et ils n’ont pas pu prouver que ce pays était dangereux pour eux. Au titre de la législation italienne, les demandeurs d’asile originaires de pays désignés comme « sûrs » sont susceptibles d’être placés en détention administrative en Italie ou transférés vers les centres de détention en Albanie qui sont financés et gérés par le gouvernement italien.
La CJUE a estimé que les États membres de l’UE ne peuvent pas désigner des pays comme « sûrs » si ceux-ci n’offrent pas une protection suffisante à l’ensemble de la population, contrairement aux règles italiennes qui permettent de désigner des pays comme sûrs avec des exceptions pour certains groupes. La Cour a également déterminé que les États membres doivent veiller à ce que cette désignation puisse faire l’objet d’un examen juridique transparent digne de ce nom, et qu’elle s’appuie sur des sources d’information accessibles aux personnes en quête d’asile et au tribunal chargé d’effectuer cet examen.
En 2024, Amnesty International a établi que les personnes migrantes et demandeuses d’asile se trouvant dans des structures italiennes étaient illégalement privées de liberté.