Israël mène une campagne délibérée visant à affamer la bande de Gaza occupée, détruisant systématiquement la santé, le bien-être et le tissu social de la vie palestinienne, a déclaré Amnesty International lundi 18 août à l’occasion de la publication de nouveaux témoignages terrifiants de civil·e·s déplacés faisant l’expérience de la famine. Leurs récits viennent confirmer les constats répétés de l’organisation selon lesquels le problème cumulé de la faim et de la maladie n’est pas une retombée malencontreuse des opérations militaires israéliennes. Il s’agit du résultat escompté de plans et politiques qu’Israël a conçus et mis en œuvre ces 22 derniers mois, afin d’infliger délibérément aux Palestinien·ne·s de Gaza des conditions de vie visant à entraîner leur destruction physique – ce qui fait partie intégrante du génocide en cours contre les Palestinien·ne·s de Gaza.
« Alors que les autorités menacent de lancer une opération terrestre en vue d’une occupation totale de la ville de Gaza, les témoignages que nous avons recueillis sont bien plus que des récits de souffrances, il s’agit d’une mise en cause cinglante d’un système international ayant donné à Israël l’autorisation de tourmenter les Palestinien·ne·s dans une impunité quasi-totale depuis des décennies », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice générale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International.
« Pour ne serait-ce que commencer à remédier aux conséquences dévastatrices des politiques et actions inhumaines d’Israël, qui ont fait de la famine forcée de masse une sinistre réalité à Gaza, la levée immédiate et sans condition du blocus, et un cessez-le-feu prolongé sont nécessaires. L’impact du blocus imposé par Israël et du génocide en cours sur les civil·e·s, en particulier les enfants, les personnes présentant un handicap, celles qui souffrent de maladies chroniques, les personnes âgées et les femmes enceintes et qui allaitent, est catastrophique et ne peut être annulé par la simple augmentation du nombre de camions d’aide humanitaire ou la reprise du parachutage d’articles humanitaires, méthode inefficace et dangereuse servant à donner le change.
« Les structures proposant des soins de santé doivent recevoir les fournitures et équipements dont elles ont besoin pour fonctionner. Il faut libérer les civil·e·s de la menace constante des déplacements de masse. Des organisations humanitaires de confiance doivent être autorisées à proposer une aide et des abris, en toute sécurité et sans restriction arbitraire, d’une manière qui respecte la dignité et l’humanité de la population civile. Il est en outre extrêmement urgent de renoncer à tout projet visant à entériner l’occupation de Gaza ou à intensifier l’offensive militaire.
« Si des millions de personnes dans le monde continuent à descendre dans la rue en signe de protestation, tandis que nos dirigeant·e·s font des effets de manche, la campagne délibérée et systématique menée par Israël pour affamer une population entière continue à infliger des souffrances insupportables. Des enfants palestiniens dépérissent en raison de l’inaction, ce qui laisse des familles face à un choix impossible : écouter les pleurs de leurs enfants émaciés qui réclament à manger, ou risquer des blessures voire la mort dans une quête désespérée pour obtenir de l’aide. »
Ces dernières semaines, Amnesty International a recueilli les propos de 19 Palestinien·ne·s, qui résident désormais dans trois camps de fortune pour personnes déplacées dans leur propre pays, ainsi que de deux professionnel·le·s de santé soignant des enfants souffrant de malnutrition dans deux hôpitaux de la ville de Gaza.
Au 14 août, le ministère de la Santé de Gaza avait recensé 105 décès d’enfants dûs à des complications liées à la malnutrition. Dans une alerte diffusée le 29 juillet 2025, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire a signalé que divers niveaux de famine avaient été atteints dans la majeure partie de la bande de Gaza, concluant que le pire scénario en termes de famine était devenu réalité et que le nombre de personnes, notamment d’enfants, qui mourront de faim continuera à augmenter. Cette réalité alarmante a été confirmée par les données recueillies par le Nutrition Cluster, selon lesquelles près de 13 000 hospitalisations d’enfants pour malnutrition aiguë ont été enregistrées en juillet, le chiffre mensuel le plus élevé depuis octobre 2023. Au moins 2 800 d’entre eux présentaient une malnutrition aiguë sévère.
Les autorités israéliennes ont exacerbé les conditions inhumaines que leurs politiques ont créées en continuant à entraver le travail de la plupart des principales organisations humanitaires et des organes des Nations unies à l’intérieur de Gaza, notamment en rejetant leurs demandes d’acheminement de fournitures humanitaires vitales jusqu’à Gaza. Ces restrictions arbitraires ont été accompagnées de l’introduction de nouvelles règles relatives à l’enregistrement des ONG internationales qui, si elles sont mises en œuvre, empêcheront complètement ces organisations de fonctionner dans le Territoire palestinien occupé.
« La plupart des familles de Gaza sont au-delà du point de rupture. Elles ont déjà épuisé les quelques rares ressources dont elles disposaient et dépendent entièrement de l’aide humanitaire. Les restrictions imposées par les autorités israéliennes au travail d’organisations humanitaires majeures et leurs menaces de leur interdire d’effectuer leur travail privent de fait ces familles de leur seule source de subsistance », a déclaré Erika Guevara Rosas.
« J’ai le sentiment d’avoir échoué en tant que mère » – L’impact sur les femmes enceintes et les mères qui allaitent
L’impact conjugué des politiques de famine forcée de grande ampleur menées par Israël, de multiples déplacements forcés et de restrictions à l’accès à une aide vitale a été particulièrement dévastateur pour les femmes enceintes ou allaitantes. Sur les 747 femmes enceintes ou allaitantes que Save the Children a examinées dans ses cliniques au cours de la première quinzaine de juillet, 323 (43 %) souffraient de malnutrition.
Les femmes enceintes ou allaitantes dont Amnesty International a recueilli les propos ont parlé de la pénurie extrême d’articles indispensables à leur survie, de la réalité insoutenable de leur grossesse ou de leur nouveau rôle de mère tandis qu’elles vivent sous une tente dans la chaleur estivale suffocante, et le combat quotidien pour trouver de la nourriture, du lait maternisé et de l’eau propre. Elles ont aussi fait part de leur sentiment de culpabilité face à l’impossibilité de subvenir aux besoins de leurs enfants, de leurs craintes lorsqu’elles se demandent qui s’occupera de leurs enfants si elles sont tuées, et de leur anxiété quant à l’impact de la malnutrition sur la croissance et le bien-être de leurs enfants.
S (nous ne fournissons pas son nom entier, à sa demande), une infirmière déplacée de Jabalia au camp d’al Taqwa à Sheikh Radwan, dans la ville de Gaza, a raconté ses difficultés quotidiennes pour s’occuper de son fils de deux ans et de sa fille de sept mois. Elle a fui pour sauver la vie de ses enfants, le choix étant le déplacement ou la mort. Elle a déclaré que la faim est devenue palpable fin avril, la poussant à réserver pour ses enfants les maigres portions de nourriture disponibles, tandis qu’elle se privait. Sa capacité à allaiter a commencé à s’amenuiser fortement à la fin du mois d’avril, et elle a évoqué la douleur physique et émotionnelle ressentie après avoir passé des heures à essayer de nourrir son bébé alors que « le lait ne venait pas », faute de tire-lait et avec un accès très réduit à des compléments maternels. Le repas quotidien de cette famille, lorsque de la nourriture est disponible, est constitué d’une assiette de lentilles ou d’aubergines à partager, avec de l’eau, dont S réserve la plus grande partie à son fils. Ses enfants s’endorment « en pleurant de faim ». Le lait maternisé, difficile à se procurer à travers Gaza, coûte environ 270 shekels (79 dollars des États-Unis) pour trois jours, et est hors de portée. Sa fille de sept mois fait le poids d’un bébé de quatre mois. Même à ce prix exorbitant, les familles décrivent la pénurie de lait maternisé au marché.
Lorsque la cuisine communautaire du camp, leur seule source de nourriture, a cessé de servir des repas pendant trois jours, S pouvait seulement donner de l’eau à ses enfants. Son mari a été blessé alors qu’il était allé chercher des denrées de première nécessité près du point de passage de Zikim, et elle lui a demandé de ne pas y retourner. Son fils, affaibli par la faim, « tombait dès qu’il se mettait à marcher ». « J’ai le sentiment d’avoir échoué en tant que mère. La faim de votre enfant vous donne l’impression d’être une mauvaise mère. »
Les difficultés à se procurer des produits de première nécessité vont au-delà de la nourriture. Les couches pour bébés sont inaccessibles, et S en est réduite à déchirer ses habits pour en fabriquer, mais il est impossible de les laver en raison du manque d’eau propre – résultat de la destruction ou des graves dégâts infligés au réseau d’alimentation en eau et au système d’assainissement de Gaza. La tente où elle vit avec son mari et leurs deux enfants est infestée de rats, de moustiques et de cafards. Sa fille a développé une infection bactérienne cutanée, qu’elle n’est pas en mesure de soigner parce qu’antibiotiques et pommades ne sont pas disponibles.
Des travailleurs humanitaires employés par deux organisations ayant parlé à Amnesty International sous le couvert de l’anonymat ont mentionné que les demandes soumises par leurs organisations afin de faire entrer des antibiotiques à Gaza ont été rejetées par la Coordination des activités gouvernementales dans les territoires, une unité du ministère israélien de la Défense chargée de traiter les requêtes relatives à la coordination et à l’approbation de l’entrée de fournitures.
Le coût mental de la famine, notamment le traumatisme, la culpabilité et la honte, pèse également sur les femmes enceintes auxquelles Amnesty International a parlé. Hadeel, 28 ans, mère de deux enfants et enceinte de quatre mois, a décrit ses craintes pour son fœtus, dont on perçoit à peine les mouvements ou le rythme cardiaque. Elle se sent coupable pour cette grossesse, sachant qu’elle ne peut pas se nourrir : « J’ai peur de faire une fausse couche, mais je pense aussi à mon bébé : je panique juste à l’idée de l’impact potentiel de ma propre faim sur la santé de ce bébé, son poids, les éventuelles [anomalies], et même s’il naît en bonne santé, de la vie qui attend cet enfant, au milieu des déplacements, des bombes, des tentes […] ».
Elle redoute d’avoir à donner naissance dans ces conditions, se souvenant des soins prénataux complets, des vitamines et des examens médicaux que l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) fournissait à l’époque de ses deux précédentes grossesses, ressources désormais totalement indisponibles. Les enfants d’Hadeel lui réclament constamment à manger, un lieu où jouer, et d’aller à l’école. Plusieurs autres femmes interrogées par Amnesty International dans le cadre de précédentes enquêtes et de celle-ci ont expliqué avoir pris la décision de ne pas concevoir, même si elles avaient un fort désir d’enfant, en raison des conditions de vie et des bombardements à Gaza.
Les entretiens d’Amnesty International avec des Palestinien·ne·s déplacés à travers trois camps de la ville de Gaza ont révélé que cette terrible situation affecte uniformément la population. Aucun d’entre eux n’avait consommé d’œufs, de poisson, de viande, de tomates, ni de concombres depuis au moins un mois ; pour la plupart, cela faisait même plusieurs mois. Le manque généralisé d’aliments frais et nutritifs résulte du blocus asphyxiant imposé par Israël et de sa destruction systématique des sources de production de nourriture, notamment de vastes zones agricoles, de fermes d’élevage de volailles et de bétail, lors d’opérations militaires, par le pilonnage, les bombardements ou la destruction par des explosifs installés manuellement. Une évaluation effectuée par le Centre satellitaire des Nations Unies, et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, rendue publique le 31 juillet, a déterminé que 86 % des terres de Gaza où poussaient des cultures permanentes ont connu un déclin considérable en termes de santé et de densité, en raison d’activités liées au conflit, notamment le fait de raser, de bombarder, de pilonner et d’utiliser des engins de chantier.
En mai 2025, Amnesty International a recueilli des informations indiquant que ce qui restait de Khuzaa, à l’est de Khan Younis, zone incluant certaines des terres agraires les plus fertiles de Gaza, avait été totalement rasé. L’absence d’accès à des terres cultivables ou les graves dégâts, voire la destruction, qu’elles ont subis, signifient que les récoltes sont modestes, et les légumes, lorsqu’il y en a, sont désormais vendus à des prix astronomiques, ce qui signifie que les résident·e·s sont entièrement dépendants des articles qu’Israël laisse entrer en quantité très limitée sur le territoire. Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires a noté le 13 août que le prix de nombreuses marchandises continue à fluctuer en fonction de la spéculation plutôt que de la disponibilité réelle. Un kilo de tomates coûtait près de 80 shekels (soit 23 dollars) au 14 août, soit 20 fois plus qu’avant le 7 octobre 2023. Après que les autorités israéliennes ont approuvé un mécanisme permettant l’entrée limitée de certaines marchandises à Gaza, par le biais de négociants autorisés, le prix de certains articles, comme le sucre, les dattes, certaines conserves et la farine, a baissé, mais reste près de 10 fois plus élevé qu’avant le 7 octobre.
Les pêcheurs doivent eux aussi se limiter à une zone étroite et dangereuse près du port, risquant les tirs d’obus ou une arrestation lorsqu’ils sortent pêcher.
« Je suis devenue un fardeau pour ma famille » – Répercussions sur les personnes âgées
Abu Alaa, 62 ans, un homme déplacé résidant dans le camp de réfugiés de Jabalia, a déclaré avoir reçu pour seul repas de la journée de la soupe de lentilles de la cuisine communautaire. Il a ajouté que la distribution de pain a seulement lieu un jour par semaine, ce qui force sa famille à le rationner, et qu’il n’a rien goûté de sucré, même un fruit, depuis des mois. « Moi, je peux tolérer la faim, mais ce n’est pas possible pour les enfants », a-t-il dit.
Abu Alaa souhaiterait que l’UNRWA reprenne la distribution de l’aide humanitaire, car il fait confiance à cette structure pour son système équitable et juste qui s’appuie sur la taille des familles. Il a décrit les dangers liés à la frénésie actuelle pour se procurer des biens de première nécessité : « Par le passé, on se soutenait les uns les autres, surtout les personnes dans le besoin. Même au début de cette guerre. Maintenant, les gens sont animés par un instinct de survie individuel. »
Nahed, 66 ans, a déclaré à Amnesty International que la ruée sur la nourriture près des itinéraires empruntés pour l’aide humanitaire « a privé les gens de leur humanité ». Il a ajouté : « J’ai dû y aller parce que je n’ai personne qui puisse prendre soin de moi. J’ai vu de mes propres yeux des personnes porter des sacs de farine tachés du sang de ceux qui venaient d’être visés par des balles ; même des gens que je connaissais sont presque méconnaissables. L’expérience de la faim et de la guerre a complètement changé Gaza ; cela a changé nos valeurs. »
Les personnes âgées sont aussi parmi celles qui ont été affectées le plus gravement par le déplacement.
Aziza, 75 ans, a évoqué avec Amnesty International son désir de mourir :
« J’ai l’impression d’être devenue un fardeau pour ma famille. Lorsque nous avons été déplacés, ils ont dû me pousser sur un fauteuil roulant. Comme les queues pour aller aux toilettes sont extrêmement longues dans le camp où nous sommes, j’ai besoin de couches pour adultes. J’ai besoin de médicaments pour le diabète, l’hypertension et un trouble cardiaque, et j’ai dû prendre des médicaments ayant dépassé la date d’expiration. Je me dis toujours que ces jeunes enfants, ce sont eux qui méritent de vivre, comme mes petits-enfants. J’ai le sentiment d’être un poids pour eux, pour mon fils. »
« Destructions multidimensionnelles imbriquées » – Le mélange meurtrier de la faim et de la maladie
Un médecin urgentiste de l’hôpital Al Shifa, dans la ville de Gaza, a dressé un tableau très sombre de la situation. Interrogé par Amnesty International le 24 juillet, il a souligné que les personnes les plus vulnérables – les bébés, les enfants ayant des problèmes de santé préexistants, les personnes âgées et les personnes vivant avec un handicap – sont affectées de manière disproportionnée par les effets conjugués du manque de nourriture, de médicaments, d’eau propre et d’hygiène. Ces pénuries sont aggravées par une peur et une détresse constantes.
Ce médecin a indiqué que de nombreux patient·e·s mèneraient des « vies raisonnables » si ce n’était l’« accumulation de la famine, de la destruction et de l’épuisement du système de santé, des conditions insalubres et de nombreux déplacements dans des conditions inhumaines. »
Le manque d’aliments nutritifs spécifiques cause des complications de santé qui pourraient facilement être évitées. Un adolescent ayant reçu une greffe de rein, par exemple, a fait une rechute en raison de la pollution de l’eau et d’une nourriture inadéquate. Des diabétiques qui pourraient maintenir leur état de santé à l’aide d’une alimentation stricte sont désormais confrontés à de graves difficultés, faute d’aliments riches en nutriments, notamment des légumes, du poisson, du poulet et des haricots, et de matériel médical.
Le médecin a déclaré que la famine forcée de grande ampleur a relégué au second plan d’autres urgences de santé, en particulier la multiplication alarmante de cas de maladies infectieuses et véhiculées par l’eau, de méningite et de syndrome de Guillain-Barré. Il a ajouté qu’une grave pénurie d’antibiotiques et l’énorme charge représentée pour son hôpital, qui ne fonctionne que partiellement, ont exacerbé ce qu’il qualifie de « catastrophe invisible », expliquant que la propagation de maladies, ou les maladies chroniques pour lesquelles on pouvait auparavant obtenir un traitement passent souvent inaperçues en raison de la « préoccupation exclusive pour la quantité de nourriture qui nous parvient, sans que la situation ne soit vue dans son ensemble ».
Le syndrome de Guillain-Barré est une maladie neurologique rare et mettant la vie en danger dans laquelle le système immunitaire s’attaque au système nerveux périphérique. Ce syndrome est causé par des infections virales, comme celles provoquant la diarrhée. Il peut toucher tous les systèmes sensoriels, causer une faiblesse musculaire, affecter les rythmes respiratoire et cardiaque, et mener à la paralysie. Selon le ministère de la Santé, 76 cas de syndrome de Guillain-Barré étaient recensés au 12 août 2025, et sont tous apparus en juillet et août. Sur tous ces cas, le syndrome a causé la mort de quatre Palestinien·ne·s, dont deux enfants.
L’injection d’immunoglobulines, le principal médicament utilisé pour soigner le syndrome de Guillain-Barré, n’est actuellement pas possible à Gaza en raison du blocus israélien. Si cette maladie progresse, et notamment si elle s’étend aux muscles des poumons, et cause une faiblesse respiratoire, les patients doivent être intubés. Pour un secteur de la santé presque réduit à néant et déjà submergé du fait d’événements faisant un grand nombre de blessés chaque jour, la capacité à faire face à une situation mêlant faim et maladie est extrêmement limitée.
L’impact sur les patient·e·s comme sur les professionnel·le·s de la santé est très lourd. Les blessures mettent beaucoup plus de temps à guérir, ce qui force des personnes présentant des lésions peu graves à subir des séjours prolongés à l’hôpital parce que leur organisme est trop affaibli par l’absence de nourriture adéquate. Le médecin urgentiste d’Al Shifa a décrit des « destructions multidimensionnelles imbriquées », où un hôpital dévasté, comme celui d’Al Shifa – autrefois le plus grand de Gaza, désormais à peine fonctionnel après avoir été attaqué lors de deux raids israéliens de grande ampleur en novembre 2023 et mars 2024 –, doit faire face à une famine forcée, une infrastructure annihilée, des bombardements constants, et le risque de nouveaux déplacements vers des tentes insalubres. Le médecin a déclaré à Amnesty que le personnel médical est épuisé par cet état constant et généralisé de crise.
« Une situation déjà catastrophique risque de basculer dans une horreur encore plus absolue si Israël met en œuvre son projet de lancer une invasion terrestre de grande ampleur dans la ville de Gaza. Une opération militaire de ce type porterait un coup dévastateur et irréversible aux deux centres de stabilisation pour le traitement de la malnutrition en activité dans la ville, ainsi qu’à des établissements de santé à bout de forces », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
Après que le gouvernement israélien a approuvé le plan visant à confirmer l’occupation de Gaza en lançant une offensive contre la ville de Gaza, une personne déplacée du camp de réfugiés de Jabalia a déclaré : « J’ai déjà été déplacé 14 fois durant cette guerre ; je n’ai pas l’énergie nécessaire pour fuir de nouveau ; je n’ai pas d’argent pour transporter mes deux enfants handicapés ; j’ai mal aux muscles, je suis trop épuisé pour marcher, sans parler de porter mes enfants. S’ils attaquent la ville, nous resterons assis ici à attendre la mort. »
« En sa qualité de puissance occupante, Israël est tenu, en vertu du droit, de protéger les civil·e·s et de répondre aux besoins de la population civile, notamment en favorisant l’entrée sur le territoire de fournitures essentielles à sa survie, la distribution sûre et digne d’une aide humanitaire et un accès sans entrave à la nourriture et à des équipements médicaux à travers Gaza. La famine ne doit jamais être utilisée comme une arme de guerre, et l’UNRWA et d’autres organes des Nations unies, ainsi que des organisations humanitaires doivent se voir donner un accès sûr et sans restriction à l’ensemble de la bande de Gaza.
« Le monde ne peut continuer à féliciter Israël parce qu’il laisse entrer l’aide humanitaire au compte-gouttes et considère que ces mesures de façade constituent une réponse suffisante face à sa destruction calculée de la vie des Palestinien·ne·s de Gaza », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
« Devant les horreurs infligées par Israël à la population palestinienne de Gaza, la communauté internationale, en particulier les alliés d’Israël, dont l’Union européenne et ses membres, doivent honorer l’obligation morale et juridique qui leur est faite de mettre fin au génocide actuellement perpétré par Israël. Les États doivent de toute urgence suspendre tous les transferts d’armes, adopter des sanctions ciblées et mettre un terme à tout engagement avec des entités israéliennes dès lors qu’il contribue au génocide commis par Israël contre la population palestinienne de Gaza. »
Complément d’information
Ces recherches s’appuient sur des informations récemment recueillies par Amnesty International au sujet de l’impact de politiques et pratiques israéliennes spécifiques, notamment le siège total imposé pendant 78 jours entre mars et mai, et le remplacement du système humanitaire piloté de longue date par les Nations unies, par un mécanisme d’aide non neutre, meurtrier et dégradant, opéré par la « Gaza Humanitarian Foundation », soutenue par les États-Unis et Israël, qui n’a fait qu’aggraver les souffrances de la population civile à Gaza.