Communiqué de presse du Collectif Réfugiés Luxembourg (LFR)

Luxembourg, le 18 juin 2020

La Journée Mondiale des Réfugiés, célébrée le 20 juin, est l’occasion de mettre en lumière le droit d’asile en tant que droit fondamental au niveau international, européen et national.

Le Collectif Réfugiés Luxembourg – Lëtzebuerger Flüchtlingsrot profite de l’occasion pour dresser le bilan sur la situation au Luxembourg et faire le rappel de ses actions.

Le Collectif fait part de ses réflexions et revendications avec des avis et échanges avec les différents Ministères et Administrations.

Le Collectif a suivi, pris note et réagi aux mesures exceptionnelles adoptées par le gouvernement du Luxembourg pour faire face à la crise déclenchée par l’épidémie du Covid-19 et notamment des mesures adressées aux demandeurs et bénéficiaires de protection internationale. Le LFR salue le travail du gouvernement dans ce contexte si particulier ainsi que les efforts réalisés pour protéger les personnes vulnérables.

Le LFR a également le plaisir de compter sur la mobilisation de deux nouveaux membres – Fondation de la Maison Porte Ouverte et Ryse Asbl.

Cette année, le Collectif met en avant deux recommandations concrètes à travers une pétition:

1. La mise en œuvre de l’engagement du gouvernement de porter à six mois (minimum) après l’octroi du statut le délai légal pour introduire une demande de regroupement familial

2. Annuler au moins les décisions de transferts Dublin pour toutes les personnes arrivées avant le 15 juin 2020. 

Droit d’asile en Europe : un droit fondamental

Un projet de règlement grand-ducal portant introduction de certaines mesures temporaires relatives à l’application de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration a récemment été déposé. Il a pour objet la prolongation dans le temps des effets de certaines des mesures du règlement grand-ducal du 18 mars 2020 dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, en dérogation de la susmentionnée loi de 2008.

Le collectif se veut rassuré que les personnes désirant solliciter la protection internationale ou pour d’autres raisons humanitaires soient autorisées à entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Il s’agit effectivement d’un droit fondamental et les personnes ne peuvent pas être privées de protection.

Cependant, à l’heure actuelle, le droit d’asile est remis en question aux frontières extérieures de l’Europe. Il est urgent de travailler solidairement avec tous les États volontaires pour préserver et protéger le droit d’asile.

Assurer aux demandeurs de protection internationale logés en Grèce des conditions de vie dignes et une procédure d’asile conforme aux règlements européens

Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, notre premier souhait est que les réfugiés les plus vulnérables soient à l’échelle européenne déplacés vers des logements sûrs en Grèce ou soient transférés vers d’autres États-membres de l’Union Européenne.

Les récentes décisions qui ont permis la relocalisation d’un certain nombre de mineurs non-accompagnés, grâce à la solidarité de quelques pays européens, dont le Grand-Duché de Luxembourg, sont un début prometteur et nous adressons nos vifs remerciements aux pays accueillants.

Dans ce contexte difficile, nous avons expressément sollicité les institutions européennes pour que, sans délai, des mesures soient mises en place, pour tous les réfugiés qui vivent dans des camps insalubres, surpeuplés, afin qu’ils soient déplacés et puissent être logés dans des conditions dignes et appropriées qui permettraient avant tout de protéger leur santé et d’assurer leur sécurité tout en évitant le risque d’un nouveau foyer de contamination sur le territoire européen.

Suspendre les transferts Dublin

Les raisons pour lesquelles les transferts en application du Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, dit « Règlement Dublin III », dit « règlement Dublin » sont actuellement impossibles indépendamment de la volonté des demandeurs.

Le principe de solidarité européenne appelle à la plus grande patience avant un retour à la normale des transferts de personnes vers quelque pays que ce soit. En effet, le risque sanitaire n’est pas derrière nous. Il s’est installé dans nos vies pour une durée indéterminée.

Les personnes en attente d’un éventuel transfert Dublin sont des exilés qui demandent une protection. Derrière un homme assigné à la SHUK, il peut y avoir une femme et des enfants en danger dans leur pays d’origine. Or la suspension des transferts maintient ces personnes dans un sentiment d’insécurité car ils sont durablement tenus à l’écart de la procédure d’asile.

Il ne nous apparait pas justifié de retarder l’accès à la procédure d’asile pour une durée totalement incertaine à ce jour, des mesures de plus en plus restrictives étant adoptées par les États membres, notamment le Grand-Duché, depuis l’aggravation de la pandémie.

Nous demandons et recommandons de mettre fin aux procédures prévues par le règlement Dublin III pour le transfert vers d’autres d’États membres et que le Luxembourg se déclare compétent.

En particulier, le LFR a toujours soutenu que les Demandeurs de Protection Internationale (DPI) sujets au transfert vers un autre État-membre de l’Union européenne soient logés dans des structures plus aptes que la SHUK, dont l’organisation par tentes n’offre pas un accueil digne. Le LFR a voulu réitérer ce point lors de la crise sanitaire au cours de laquelle de nombreuses personnes logés à la SHUK ont été affectées par le Covid-19. Le Collectif a notamment des clarifications à à l’Inspection Nationale Sanitaire (INSA) concernant le rassemblement de plusieurs personnes malades et confinées sous les tentes en plastique de la SHUK, où la respiration est, par définition plus difficile. Le LFR continuera à revendiquer un logement plus apte pour tous les DPI au-delà de la crise sanitaire.

SHUK – Assignation à résidence

Le Collectif prend note que, pendant la période de confinement, de plus en plus de DPI ont été destinataires de mesures d’assignation à résidence, notamment à la SHUK. Nonobstant qu’il soit compréhensible que, dans la situation de crise sanitaire, des mesures spécifiques soient adoptées pour assurer que, parmi les autres, tous les demandeurs soient logés et repérables, le LFR considère que l’assignation à résidence de manière systématique à la SHUK s’avère être une privation de liberté disproportionnée, d’autant plus que les conditions d’accueil à la SHUK sont difficilement conciliables avec des considérations purement sanitaires.

Le LFR réitère sa demande de fermeture de la SHUK et d’un arrêt du recours systématique à une assignation à résidence en cas de doute sur une application du règlement Dublin III, et prône pour une décision motivée de manière individualisée avant toute prise de décision d’assignation à résidence.

Assurer que les traitements médicaux pour le Covid-19 soient accessibles à tous

Dans le contexte de la pandémie de Covid-19 à Luxembourg, le LFR  a recommandé aux Ministres des affaires étrangères et de l’immigration, ainsi que de la santé, que toute personne infectée par le virus, y compris les demandeurs et bénéficiaires de protection internationale, mais aussi les personnes se trouvant à Luxembourg de manière irrégulière, puissent avoir accès aux soins médicaux, et de rendre publique et accessible cette information. Le LFR salue les efforts entrepris par lesdits ministères pour assurer l’accès universel aux soins médicaux en situation de crise, et espère que ce premier pas puisse s’étendre également à tout type de soin médical, quelle que soit la situation de la personne.

En raison du nombre particulièrement important de cas positifs de Covid-19 à la SHUK, et des particularités de cette structure, que le LFR a toujours considéré comme incompatible avec les exigences légales de l’accueil des demandeurs d’asile, le LFR a souhaité aborder avec l’Inspection nationale sanitaire (INSA) une série de questions essentielles, concernant le traitement des malades atteints du Covid-19, à la SHUK ou dans toute structure d’hébergement de demandeurs de protection internationale à Luxembourg. Les plus importantes de ces questions concernent la vérification des conditions pour la mise en isolement des malades, de l’existence d’un espace dédié aux personnes testées positives au Covid-19, d’alternatives au traitement des malades dans les mêmes locaux de la SHUK, d’une adéquate séparation, dans ces conditions, parmi les malades et non malades du Covid-19, des modalités d’application des tests de dépistage, etc.

Intégration : Regroupement familial, allocation mensuelle, PIA et accès au marché de l’emploi

La coalition gouvernementale avait à l’origine présenté un programme ambitieux en matière d’asile et d’intégration. Les années sont passées et nous constatons que, en pratique, les développements dans ces matières sont lents et limités.

Le regroupement familial

L’une des propositions contenue dans l’accord de coalition gouvernementale était d’augmenter les délais de 3 à 6 mois pour qu’une personne ayant obtenu le statut de protection internationale puisse solliciter le regroupement familial des membres de sa famille sans devoir présenter une preuve de logement et des ressources équivalentes au salaire social minimum. Le regroupement familial constitue un droit fondamental, le droit de vivre en famille ! Le Collectif demande que ces délais soient effectivement revus et augmentés à 6 mois.

Allocation mensuelle

Le LFR prône une augmentation des allocations mensuelles pour les DPI, actuellement fixées à 25€/mois, dans le cadre d’un dispositif d’autonomisation des personnes et ceci dès leur arrivée au Luxembourg. Effectivement une telle somme ne permet pas à une personne de vivre dignement.

Une adaptation dudit montant permettrait d’offrir un traitement plus digne aux demandeurs de protection internationale. Le LFR demande que ce montant soit adapté.

PIA (Parcours d’intégration accompagnée)

Le PIA vise à organiser un cadre pour permettre un parcours d’intégration soutenant l’autonomisation des individus et plaçant l’intégration au cœur de l’accueil.

Le Gouvernement a délaissé le développement du PIA qui était initialement organisé essentiellement en trois phases et dont la phase 1 et la phase 2 (en partie) avaient très bien démarré. Malheureusement, nous constatons que la mise en place des phases suivantes de ce plan, notamment la phase 3, qui aurait dû cibler les bénéficiaires de la protection internationale (BPI), en substance s’est arrêtée et nécessite urgemment une nouvelle impulsion.

Le LFR demande la relance de la deuxième phase du PIA, ainsi que la mise en place de la troisième phase du PIA. Le LFR regrette que la société civile ne soit plus impliquée.

L’accès au marché du travail

Une question cruciale liée à l’intégration est celle de l’accès au marché du travail. La méthode nationale a longtemps écarté les DPI en cours de procédure de mesures d’intégration au motif qu’une partie d’entre eux avait vocation à être déboutée. Le LFR est convaincu que cette stratégie doit être revue car elle entraîne l’inactivité forcée et éloigne du marché de l’emploi les personnes qui vont rester dans notre pays.

En mars 2019, lors d’une entrevue avec le Ministre du Travail, le LFR avait présenté ses propositions en matière d’accès au marché du travail pour les DPI. Cependant, nous ne constatons aucune évolution, et presque aucun changement n’a été fait à ce jour, alors que cela était également mentionné dans l’accord de coalition. Entre autres, le LFR propose et se bat pour :

• La mise en place d’un diagnostic individualisé des DPI afin d’identifier rapidement leurs compétences et leurs besoins; • L’accès des DPI à des mesures d’activation telles que le travail communautaire, stages en entreprise, volontariat pour les jeunes, etc.; • Une réforme approfondie de l’Autorisation d’occupation temporaire (AOT);
• La suppression de la préférence communautaire pour les DPI, après 12 mois de procédure.