- Les Jeux vont se tenir sur fond de détérioration de la situation des droits humains
- La communauté internationale ne doit pas se rendre complice d’un exercice de « sportswashing »
- Après l’affaire Peng Shuai, le Comité international olympique (CIO) doit mieux protéger les droits des athlètes
Le monde doit profiter des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de Pékin pour faire pression en faveur d’améliorations dans le domaine des droits humains en Chine, a déclaré Amnesty International à moins d’un mois de l’ouverture des Jeux.
La capitale chinoise va accueillir des athlètes, des officiel·le·s et des diplomates du monde entier pour les Jeux, qui commenceront le 4 février 2022. Toutefois, cet événement se déroulera sur fond de multiples violations des droits humains commises quotidiennement dans le pays.
« Les Jeux olympiques de Pékin promettent d’offrir un spectacle sportif mémorable, mais le monde qui les regardera ne peut pas ignorer délibérément ce qu’il se passe ailleurs en Chine : les avocat·e·s et les militant·e·s emprisonnés pour leur travail pacifique ; les victimes d’agressions sexuelles punies pour avoir osé parler ; les milliers d’exécutions qui, selon les estimations, ont lieu chaque année dans le pays ; et l’internement massif, la torture et les persécutions systématiques subis par les groupes ethniques musulmans, a déclaré Alkan Akad, chercheur sur la Chine pour Amnesty International.
« Les Jeux ne doivent pas servir à détourner l’attention du bilan catastrophique de la Chine en matière de droits humains. Au contraire, ils doivent être l’occasion de faire pression sur ce pays pour qu’il remédie à ces problèmes. »
Le CIO doit veiller à ce que les engagements soient tenus
Les autorités chinoises ont offert une série de garanties relatives aux droits humains avant d’accueillir les Jeux olympiques d’hiver, notamment en ce qui concerne le respect de la liberté des médias, les droits des travailleuses et travailleurs, les déplacements forcés et la véritable possibilité de tenir des manifestations pacifiques pendant les Jeux.
Amnesty International appelle le CIO à mettre pleinement en œuvre et à rendre publiques ses politiques et ses pratiques en matière de diligence requise dans le domaine des droits humains, avant et pendant les Jeux.
« Le droit à la liberté d’expression est systématiquement bafoué en Chine. Il est donc indispensable que le CIO et les différents comités olympiques nationaux présents aux Jeux respectent comme il se doit la volonté des athlètes et des représentant·e·s des autorités sportives de s’exprimer sur les droits humains, y compris sur des sujets jugés “sensibles” par les autorités, a déclaré Alkan Akad.
« Le CIO doit aussi insister pour que le gouvernement chinois tienne son engagement de garantir la liberté des médias, notamment en permettant aux journalistes chinois et étrangers d’accéder à Internet sans aucune restriction, et veiller à ce que les personnes qui voudront manifester pacifiquement pendant les Jeux puissent le faire. »
Amnesty International appelle les représentant·e·s des gouvernements, y compris celles et ceux qui prévoient d’assister aux Jeux olympiques, à placer les droits humains en tête de leurs priorités dans leurs discussions avec les autorités chinoises.
« Le monde doit tirer les leçons des Jeux olympiques de Pékin de 2008, lors desquels les promesses des autorités chinoises d’améliorer la situation en matière de droits humains ne se sont jamais concrétisées, a déclaré Alkan Akad.
« Il ne faut pas laisser les Jeux olympiques d’hiver de Pékin devenir une simple occasion de “sportswashing” pour les autorités chinoises ; la communauté internationale ne doit pas devenir complice d’un exercice de propagande. »
Des militant·e·s pacifiques en détention
Avant les Jeux, Amnesty International a lancé sa campagne Libérez les cinq !, qui met en avant le sort réservé à cinq militant·e·s chinois parmi la multitude qui sont détenus dans le pays pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. Ces cinq personnes sont les suivantes : la journaliste citoyenne Zhang Zhan, l’universitaire ouïghour Ilham Tohti, la défenseure des droits du travail Li Qiaochu, l’avocat spécialiste des droits humains Gao Zhisheng et le blogueur tibétain Rinchen Tsultrim.
« L’emprisonnement injuste de ces cinq militant·e·s pacifiques est emblématique de l’intolérance des autorités chinoises à l’égard de toutes les opinions dissidentes, et de leur volonté farouche de punir l’opposition le plus durement possible, a déclaré Alkan Akad.
« Si le gouvernement chinois veut se servir des Jeux olympiques comme vitrine pour le pays, il doit commencer par libérer toutes les personnes qui ont été poursuivies ou emprisonnées pour le seul exercice pacifique de leurs droits humains. »
Les athlètes doivent pouvoir s’exprimer librement
Dans le cadre de son initiative Safe Sport pour une pratique sportive en toute sécurité, le CIO s’est engagé à soutenir les athlètes dans l’exercice de leurs droits et à les protéger du harcèlement et des comportements abusifs « en compétition et en dehors ». Or, la « bulle » anti-COVID-19 très stricte imposée lors des Jeux de Pékin 2022 va fortement limiter la liberté de déplacement des athlètes, en conséquence de quoi il pourrait leur être encore plus difficile d’exercer librement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
En 2021, Peng Shuai, joueuse de tennis chinoise ayant participé trois fois aux Jeux olympiques, a accusé sur les réseaux sociaux un ancien vice-Premier ministre chinois de l’avoir agressée sexuellement. Sa publication a vite été censurée en Chine. Lorsque toute mention la concernant a été supprimée d’Internet et qu’elle a cessé d’apparaître en public, d’autres joueurs et joueuses de tennis, ainsi que l’Association des joueuses de tennis (WTA), se sont inquiétés de son sort. Près de trois semaine après la censure de la publication de Peng Shuai, le CIO a réagi en organisant un appel vidéo avec la joueuse afin de tenter de calmer les inquiétudes de celles et ceux qui se préoccupaient de son bien-être et se demandaient où elle se trouvait.
« Le CIO a accepté les garanties selon lesquelles Peng Shuai allait bien, sans vérifier si elle était soumise à des restrictions dans sa liberté d’expression, sa liberté de mouvement et son droit au respect de la vie privée, courant ainsi le risque d’occulter d’éventuelles violations de ses droits humains », a déclaré Alkan Akad.
Après avoir été lourdement critiqué, le CIO a reconnu en décembre qu’il ne pouvait pas donner de garanties et qu’il ne connaissait pas l’ensemble des faits. Il a souligné que « des discussions étaient en cours avec le camp chinois sur tous les aspects de cette affaire » et que celles-ci se poursuivraient après les Jeux. « Face aux sévères restrictions mises en place pour les Jeux de Pékin 2022, le CIO doit en faire davantage pour tenir sa promesse de protéger le droit des athlètes d’exprimer leurs opinions, et par-dessus tout pour ne pas se rendre complice de violations des droits des athlètes », a déclaré Alkan Akad.