L’exploitation des travailleurs migrants dévoilée
Chaque année, des milliers de travailleurs migrants se rendent au Canada avec l’espoir d’améliorer leur vie et celle de leur famille. Pourtant, beaucoup d’entre eux se retrouvent dans des conditions précaires, victimes d’exploitation, de discrimination et de violations de leurs droits fondamentaux.
Cette situation soulève une question fondamentale : comment un pays reconnu pour son engagement en faveur des droits humains peut-il tolérer un système qui perpétue de telles injustices ?
La politique migratoire canadienne et les travailleurs étrangers temporaires
Un système prônant la précarité
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) permet aux employeurs d’embaucher des travailleurs migrants principalement pour des emplois à bas salaire dans des secteurs clés comme l’agriculture, l’agroalimentaire, les soins de santé, le bâtiment et l’hôtellerie. Cependant, les visas délivrés dans ce cadre lient les travailleurs à un employeur unique, leur refusant toute liberté de changer d’emploi et les plaçant sous un contrôle total.
Violations des droits humains et conditions de travail abusives
Selon Amnesty International, de nombreux travailleurs migrants ont rapporté avoir été forcés à travailler de longues heures sans repos, rémunérés bien en deçà des montants promis et assignés à des tâches non prévues dans leur contrat. Certains ont été victimes de violences physiques, sexuelles et psychologiques, et travaillent dans des conditions dangereuses, sans accès à un logement ou à des soins de santé décents.
Les atteintes aux droits humains dont sont victimes les travailleurs migrants au Canada sont extrêmement inquiétantes, particulièrement dans un pays qui se veut un modèle en matière de protection des droits humains.
Erika Guevara-Rosas d'Amnesty International
L’isolement et la dépendance aux employeurs
La plupart des travailleurs migrants vivent dans des zones isolées, dépendants de leur employeur pour le logement, les transports et l’accès aux soins. Ils risquent l’expulsion immédiate en cas de maladie ou de blessure. Cette situation les place dans un cercle vicieux où ils n’ont ni recours ni protection.
Exploitation et maltraitance
Histoires de travailleurs migrants : des récits accablants
Bénédicte, une femme camerounaise, est arrivée au Canada en 2016 avec un visa lié à une ferme. Elle a subi des violences psychologiques et sexuelles, a été forcée à travailler 70 à 80 heures par semaine et a été sous-payée. Trompée par son employeur, qui lui avait promis de faire venir ses enfants, elle s’est retrouvée en situation irrégulière lorsqu’elle a quitté la ferme en 2018.
D’autres travailleurs rapportent des insultes racistes de la part de leurs employeurs, comme des réflexions humiliantes et déshumanisantes. Certains vivent dans des logements insalubres sans accès à l’eau potable, tandis que d’autres ont été expulsés contre leur volonté.
Obstacles à la justice et à la protection des travailleurs
Beaucoup de travailleurs migrants ne peuvent pas dénoncer les abus par crainte de représailles ou d’expulsion. Le système de protection canadien est inefficace, avec des inspections du travail insuffisantes et un manque d’accès aux syndicats. Lorsqu’ils signalent des abus, les employeurs bénéficient souvent d’une impunité totale.
Mon permis de travail et mon travail m’ont presque tué… Si on n’obéissait pas, on était expulsé
Discrimination systémique
Des visas qui ciblent les populations racisées
Contrairement aux autres dispositifs d’immigration, les visas du PTET ne permettent pas aux travailleurs migrants de changer d’employeur. Ce programme s’adresse principalement à des populations racisées en provenance de pays du Sud global (Mexique, Inde, Philippines, Guatemala, Jamaïque), renforçant ainsi les inégalités structurelles et limitant l’accès à la résidence permanente.
Une exploitation institutionnalisée
Le rapport d’Amnesty International démontre que l’exploitation des travailleurs migrants n’est pas un abus isolé de quelques employeurs, mais une conséquence directe d’un système conçu pour maintenir ces travailleurs dans une position de vulnérabilité. L’absence de réformes significatives permet la poursuite de ces abus.
L’exploitation des travailleurs migrants au Canada est une crise des droits humains qui ne peut plus être ignorée. Alors que ces travailleurs jouent un rôle essentiel dans l’économie canadienne, ils sont traités comme une main-d’œuvre jetable, privée des protections les plus élémentaires. « Nous faisons tourner ce pays, mais personne ne nous voit, » affirme un travailleur jamaïcain. L’abolition des visas liés à un employeur et l’accès facilité à la résidence permanente sont des mesures indispensables pour lutter contre l’exploitation et assurer la justice sociale. Seule une action décisive permettra de mettre fin à cette situation inacceptable et de faire du Canada un véritable modèle en matière de droits humains et de protection des travailleurs migrants.