Burundi. Quatre ans après le début de la présidence d’Évariste Ndayishimiye, la répression visant l’espace civique se poursuit sans relâche

Quatre ans après le début du mandat du président Évariste Ndayishimiye, des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s, des journalistes et des membres de l’opposition politique continuent de faire l’objet d’actes d’intimidation, de harcèlement, d’arrestations et de détentions arbitraires, ainsi que de poursuites judiciaires iniques, a déclaré Amnesty International mercredi 21 août à l’occasion de la publication d’une nouvelle synthèse sur la répression persistante contre l’espace civique au Burundi.

Cette nouvelle synthèse, intitulée Burundi. Les discours et la réalité. La répression de la société civile se poursuit sous le gouvernement d’Évariste Ndayishimiye, décrit les graves restrictions imposées aux membres de la société civile burundaise ces quatre dernières années. Elle propose également des recommandations sur la manière d’améliorer la situation avant, pendant et après les prochaines élections législatives, qui devraient se tenir en 2025.

« La vague répressive en cours a anéanti l’espoir que la démarche du gouvernement face à la société civile change de manière significative et qu’un espace de discussion s’ouvre sur les questions pressantes en matière de droits humains dans le pays », a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.

À la suite de manifestations de grande ampleur en 2015 et d’une tentative de coup d’État, le gouvernement de l’ancien président Pierre Nkurunziza a mené une politique répressive qui a réduit à peau de chagrin la société civile du Burundi, jadis dynamique. La synthèse souligne que malgré les espoirs d’un changement d’approche concernant la société civile et la liberté des médias, la répression féroce visant des membres passés et présents de la société civile – et d’autres personnes remettant en question le discours du gouvernement sur les droits humains – a persisté sous le gouvernement Ndayishimiye.

Après la prise de fonctions du président Évariste Ndayishimiye, certains signes ont indiqué qu’il cherchait à desserrer l’étau sur la société civile et les médias ; deux défenseurs des droits humains et quatre journalistes qui avaient été emprisonnés pour leur travail ont tous été libérés au cours de la première année de sa présidence.

Ces libérations ont coïncidé avec des initiatives visant à rétablir des relations diplomatiques avec les principaux partenaires internationaux, en particulier l’Union européenne (UE) et ses États membres. Certains observateurs espéraient que ces libérations témoignaient d’un engagement renouvelé en faveur du respect des droits humains. En février 2022, l’UE et le gouvernement du Burundi ont annoncé que les autorités burundaises s’étaient engagées à améliorer la situation des droits humains, ainsi qu’à garantir une bonne gouvernance et l’état de droit. Mais comme l’explique la nouvelle synthèse, tout espoir de changement supplémentaire a rapidement été anéanti.

Amnesty International a réalisé 30 entretiens à distance avec des personnes ayant une bonne connaissance des cas cités, et a également passé en revue des documents juridiques, des informations relayées par les médias, ainsi que des discours et déclarations officiels. Amnesty International a écrit au gouvernement du Burundi en résumant les conclusions de la synthèse et en demandant des réponses à des questions spécifiques, mais n’a reçu aucun retour.

Regain de répression

Alors même que les défenseur·e·s des droits humains et les journalistes arrêtés avant l’arrivée au pouvoir d’Évariste Ndayishimiye étaient libérés, d’autres étaient arbitrairement placés en détention et condamnés sur la base d’accusations similaires.

En octobre 2020, l’avocat Tony Germain Nkina a fait l’objet d’une arrestation, en raison, semble-t-il, de son travail antérieur de défense des droits humains ; l’ancien député Fabien Banciryanino, qui s’était exprimé sur des violations des droits humains, a également été arrêté. Tous deux ont été libérés depuis lors. La journaliste Floriane Irangabiye a été arrêtée en août 2022 alors qu’elle rendait visite à sa famille au Burundi. Graciée par le président Évariste Ndayishimiye, elle a été libérée de prison le 16 août 2024, après avoir purgé deux des 10 années d’emprisonnement auxquelles elle avait été condamnée pour « atteinte à l’intégrité du territoire national », en raison de commentaires formulés lors d’un débat radiophonique en ligne. Cinq défenseurs des droits humains ont également été arrêtés en février 2023 et accusés de rébellion, d’atteintes à la sécurité intérieure de l’État, et d’atteintes au fonctionnement des finances publiques. Fin avril, deux membres de ce groupe ont été acquittés de tous les chefs d’accusation, tandis que les trois autres ont été déclarés coupables de rébellion et condamnés à des peines d’un an avec sursis. Ces cinq personnes ont été remises en liberté.

Des accusations fallacieuses, en particulier celles liées à la “rébellion” et à l’“atteinte à la sécurité intérieure de l’État”, continuent à être portées contre des défenseur·e·s des droits humains et des journalistes

Tigere Chagutah

En février 2023, 24 personnes ont été arrêtées à Gitega, la capitale politique, alors qu’elles participaient à un atelier sur l’inclusion économique animé par une organisation travaillant sur le VIH/sida. Elles ont été accusées d’« homosexualité » et d’« incitation à la débauche ». En mars 2022, la police a empêché le déroulement d’une conférence de presse organisée par Olucome et Parcem, deux ONG travaillant respectivement sur la corruption et le développement durable.

« La manière dont ces accusations sont utilisées pour museler l’opposition est un affront flagrant aux droits humains, en particulier aux droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique », a déclaré Tigere Chagutah.

« Des élections législatives étant prévues en 2025, Amnesty International exhorte le président Ndayishimiye et son gouvernement à prendre des mesures immédiates et efficaces pour mettre fin à la répression visant l’espace civique. Les autorités burundaises doivent mettre fin de toute urgence aux arrestations, détentions et poursuites arbitraires visant des défenseur·e·s des droits humains, et les droits humains de toutes les personnes au Burundi doivent être respectés. »

Amnesty International demande en outre à l’Union européenne, à ses États membres et aux autres partenaires internationaux du Burundi de rester vigilants. La communauté internationale doit évaluer en continu les avancées du Burundi au regard de son engagement déclaré à améliorer le respect des droits humains, et associer la société civile burundaise à ce processus afin de véritablement garantir l’obligation de rendre des comptes.

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