Les autorités azerbaïdjanaises doivent immédiatement mettre un terme à la campagne abjecte de violences fondées sur le genre ciblant des défenseures des droits humains et des militantes, et enquêter sur ces faits en vue d’amener les responsables présumés à rendre des comptes, qu’il s’agisse de simples citoyens, de représentants de l’État ou de membres des forces de sécurité, écrit Amnesty International dans une synthèse publiée le 12 mai 2021.
Cette synthèse rend compte de la volonté systématique de dénigrer et réduire au silence les militantes ou leurs collègues. Visées par des campagnes de dénigrement, elles sont accusées d’être de « mauvaises épouses » ou de « mauvaises mères ». Elles sont aussi victimes de chantage via le piratage de leurs comptes sur les réseaux sociaux et la publication de conversations privées, de données personnelles et de photos ou vidéos à caractère sexuel. Pas moins de 15 affaires de ce type ont été recensées au cours des deux dernières années et leur nombre ne cesse de croître.
« Au regard des modalités et des méthodes employées dans le cadre de ces représailles fondées sur le genre et du fait qu’elles ciblent des femmes qui dénoncent des violations des droits humains ou critiquent les autorités, il est clair que les autorités azerbaïdjanaises sont directement responsables ou complices de ces agissements. Le gouvernement répressif du pays tire parti de ces méthodes abjectes, a déclaré Natalia Nozadze, chercheuse d’Amnesty International sur le Caucase du Sud.
« Nous avons vu il y a quelques années de telles manœuvres employées contre l’une des plus grandes journalistes d’investigation du pays, Khadija Ismayilova, ancienne prisonnière d’opinion ; elles sont remises au goût du jour à plus grande échelle. »
Amnesty International a affirmé que les chaînes Telegram anonymes publient des informations susceptibles d’avoir été obtenues en secret par les forces de sécurité chargées de pirater les comptes des militantes. De l’avis général, ces mêmes chaînes seraient soutenues par les autorités.
« Cela s’inscrit dans une stratégie délibérée visant à museler les détracteurs du gouvernement et à éradiquer le militantisme des femmes. En dénigrant et en faisant chanter ces militantes, les autorités pensent les amener à renoncer à leurs activités légales ou à faire pression sur leurs collègues pour mettre un terme à leurs actions », a déclaré Natalia Nozadze.
Les organisatrices de la marche pour la Journée internationale des droits des femmes, à Bakou, qui a été dispersée par les forces de sécurité, sont prises pour cibles. Les conversations privées de Narmin Shahmarzade ont été diffusées sur Internet en mars 2021, tout comme des photos et des messages privés piratés de Gulnara Mehdiyeva.
Cas particulièrement inquiétant, celui d’Amina Rustamzade, épouse du militant et ancien prisonnier d’opinion Ilkin Rustamzade : elle a tenté de se suicider en juillet 2020 après avoir été la cible d’attaques personnelles, notamment une publicité sur un site d’escorts dans laquelle figuraient ses coordonnées et des menaces répétées de dévoiler sa vie privée.
« Cependant, les persécutions ne s’arrêtent pas là. Les stéréotypes liés au genre sont utilisés pour dénigrer publiquement et établir des discriminations à l’égard de ces militantes, qualifiées de » mauvaises mères et épouses » ou de » mentalement instables « . Ce flot permanent déferle depuis les tribunes, les podiums officiels et les écrans de télévision. Parfois, des écoutes téléphoniques illégales sont mises en place pour étayer ces accusations », a déclaré Natalia Nozadze.
Il faut permettre aux militantes d’exercer leurs droits et de mener leurs activités légitimes sans être harcelées ni subir de représailles.
Les autorités azerbaïdjanaises doivent veiller à ce qu’il soit mis fin immédiatement à cette campagne de violences et de discriminations fondées sur le genre ciblant les militantes et doivent mener sans délai des investigations impartiales et efficaces sur chaque incident recensé ainsi que sur d’autres violations de leurs droits humains, par exemple leur droit à la vie privée. Elles doivent identifier les personnes présumées coupables ou complices de ces agissements et les traduire en justice dans le cadre de procès équitables, qu’il s’agisse de particuliers, de membres des services de sécurité ou de représentants de l’État.