Jimmy Lam @everydayaphoto

5 méthodes utilisées par les responsables de violations des droits humains afin de contrer Amnesty International

Les défenseur·e·s des droits humains et les ONG, dont Amnesty International elle-même, sont pris·e· pour cibles alors que les autorités de par le monde utilisent les mêmes méthodes répressives pour faire taire les critiques.

C’est la raison pour laquelle Amnesty International a lancé son tout premier appel aux dons d’urgence, demandant aux sympathisant·e·s du monde entier de contribuer à l’offensive croissante menée contre les journalistes, les avocat·e·s, les militant·e·s et les organisations de défense des droits humains qui œuvrent à défendre et à promouvoir ces droits à travers le monde.

De l’Inde à la Turquie, de la Chine au Nigeria, les dirigeants tentent de réduire au silence celles et ceux qui dénoncent les violations et les abus. Les personnes qui continuent à défendre les droits humains sont confrontées à toute une série de tactiques et de mesures de rétorsion, allant du harcèlement et de la surveillance illégale à l’arrestation arbitraire, l’emprisonnement, la torture et parfois même la mort. 

Ces dernières années, Amnesty International elle-même a dû faire face à une vague d’attaques de ses bureaux, illustrant l’audace croissante des gouvernements hostiles aux droits humains. Voici cinq tactiques qui ont été utilisées contre nos collègues et militant·e·s – et d’autres organisations de la société civile – au cours des dernières années.

1. Le gel des finances

Le gouvernement indien a gelé les comptes bancaires d’Amnesty International Inde en septembre 2020, mettant ainsi un terme à son travail vital en faveur des droits humains dans ce pays.

Ce gel fait suite à un harcèlement quasi permanent, notamment à une série de raids menés par des agences gouvernementales, telle que la Direction de l’application des lois du ministère des Finances. Ceci pour avoir simplement exigé que la police de Delhi et le gouvernement indien rendent des comptes sur les graves violations des droits humains commises lors de manifestations pacifiques dans la capitale. Ces protestations portaient sur la loi « Citizen Amend Act », permettant la discrimination par la religion, en particulier la religion musulmane. Amnesty Inde a également demandé une enquête sur les attaques ayant eu lieu contre les journalistes suite à l’abrogation de l’article 370 de la Constitution indienne, garantissant une autonomie spéciale au Jammu & Cachemire.

En raison du gel de ses comptes bancaires, Amnesty International Inde a été contrainte de licencier son personnel et d’interrompre tous ses travaux de campagne et de recherche en cours. C’est le dernier exemple en date de la chasse aux sorcières incessante menée contre des organisations de défense des droits humains par les autorités indiennes, sur base d’allégations infondées.

2. La calomnie

Amnesty International Hongrie a fait l’objet d’une campagne de diffamation incessante pour son travail de défense des droits des migrant·e·s et des réfugié·e·s.

En 2018, le Parlement hongrois a voté une loi criminalisant les organisations et les individus qui soutiennent les personnes demandeuses d’asile, réfugiées ou migrantes dans le cadre d’un ensemble de lois communément appelé « Stop Soros ». Cette loi rend illégales un large éventail d’activités, notamment la préparation, la distribution ou la commande de « matériels d’information » liés aux droits des réfugié·e·s .

Au printemps 2018, les noms de dizaines de personnes travaillant pour différentes ONG, dont Amnesty International Hongrie, ont été répertoriés dans un hebdomadaire pro-gouvernemental, comme faisant partie des « Mercenaires de Soros ». Plus tard dans l’année, le porte-parole de Fidelitas, l’organisation pour la jeunesse affiliée au parti au pouvoir Fidesz, a visité les bâtiments où Amnesty International Hongrie, le Comité Helsinki hongrois et l’Association des refuges pour migrants (Association Menedék) ont leur siège.

Ils y ont apposé des autocollants portant la mention « organisations de soutien à l’immigration » et tenu des conférences de presse afin de salir ces organisations. Ils ont déclaré que ces organisations portaient atteinte aux intérêts nationaux et soutenaient les terroristes. Les ONG n’ont pas eu la possibilité de réagir et de nombreux employé·e·s, dont le personnel d’Amnesty, ont reçu des menaces de mort par téléphone, par courrier électronique et par messages via les médias sociaux. Les campagnes de diffamation contre ces ONG se poursuivent. 

3. La menace

En novembre 2020, à la suite de la publication de la déclaration d’Amnesty Nigeria intitulée « Les autorités doivent cesser de tenter de dissimuler le massacre du péage de Lekki : publication d’une nouvelle chronologie des événements », Amnesty International Nigeria a reçu des menaces directes et subi un harcèlement de la part de personnes semblant être associées à des responsables gouvernementaux.

Ces personnes, agissant sous le nom d’un groupe inconnu, ont lancé un ultimatum de sept jours à partir du mercredi 4 novembre 2020 pour qu’Amnesty International quitte le pays. Le porte-parole du groupe a également menacé de violence et d’incendie criminel le personnel, les partisan·e·s et les locaux d’Amnesty International Nigeria.

Ce groupe est l’un des nombreux groupes à organiser des manifestations devant les bureaux d’Amnesty et à diffuser de fausses informations sur notre travail dans le but de nuire à notre réputation et d’intimider notre personnel. Le porte-parole du groupe a déjà dirigé des manifestations contre Amnesty International, notamment à l’occasion de la publication d’un rapport ou de déclarations publiques sur les violations des droits humains commises par l’armée nigériane.

4. La violence

En 2015, Carlos Lusverti, ancien président d’Amnesty International Venezuela et l’un de ses plus éminents porte-parole, a reçu une balle dans l’abdomen tirée à bout portant par un homme non identifié en civil à 100 mètres des bureaux d’Amnesty.

Carlos avait été désigné comme membre d’Amnesty International et conspirateur une semaine auparavant à la télévision par l’un des plus importants dirigeants du gouvernement vénézuélien, dont le programme télévisé est fréquemment utilisé afin de donner des ordres aux entités officielles, aux militants et aux groupes armés. C’était la deuxième fois en 15 mois que des inconnus, sans motivation claire, tiraient sur Carlos Lusverti.

5. L’obstruction au travail

Laith Abu Zeyad, le responsable de campagnes d’Amnesty International sur Israël et les territoires palestiniens occupés (TPO), et Palestinien vivant en Cisjordanie occupée, est soumis à une interdiction de voyage arbitraire par les autorités israéliennes depuis octobre 2019, pour des « raisons de sécurité » non divulguées. Cette interdiction de voyager est directement liée à son travail en faveur des droits humains et l’a empêché d’assister à des événements importants à l’étranger, notamment à la session du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies. Les précédentes tentatives d’Amnesty International afin d’abroger l’interdiction par des voies administratives et juridiques ont toutes été rejetées. 

Suite à la publication du rapport d’Amnesty International intitulé « Destination : Occupation. Le tourisme numérique et les colonies de peuplement israéliennes illégales dans les territoires palestiniens occupés » en janvier 2019, le ministre israélien de la sécurité publique Gilad Erdan a chargé son ministère d’examiner la possibilité d’empêcher l’entrée et le séjour d’Amnesty International en Israël.

Laith Abu Zeyad a été puni pour avoir contesté la discrimination systématique et les violations des droits humains dont les Palestiniens font l’objet de la part d’Israël. Ces dernières années, les autorités israéliennes ont considérablement intensifié leur harcèlement et leur intimidation des organisations de la société civile et de leur personnel en Israël et dans les TPO. Les organisations de la société civile sont confrontées à des attaques continues, par le biais d’une législation restrictive et de politiques gouvernementales associées à des campagnes de diffamation visant à discréditer leur travail.

Ce n’est pas seulement le cas d’Amnesty International

Amnesty International est l’une des organisations de défense des droits humains les plus importantes et les plus visibles à travers le monde. Si les gouvernements et les personnes au pouvoir se sentent à l’aise pour nous attaquer, d’autres ONG et défenseur·e·s des droits humains moins visibles en feront les frais.

C’est pourquoi Amnesty International a lancé son premier appel mondial d’urgence afin de collecter des fonds. Avec l’argent recueilli, nous aiderons les défenseur·e·s des droits humains, notamment les ONG, les journalistes, les avocat·e·s et les militant·e·s, à poursuivre leur travail essentiel à la mise en exergue des violations des droits de humains sans crainte de représailles, notamment en soutenant les campagnes, en apportant une aide juridique et médicale et en prenant en charge les frais de réinstallation d’urgence.

Nous avons besoin de vous pour continuer de protéger les droits humains.